La crise sanitaire a déclenché une crise économique inédite. Dans le cadre de ses missions, la direction générale du Trésor a réalisé des prévisions tout au long de l’année 2020 pour éclairer la décision publique et asseoir les décisions budgétaires. Pas moins de sept exercices de prévision ont été publiés tout au long de l’année 2020, contre deux en temps normal.

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On sait que la prévision est un exercice très difficile et que les économistes se trompent souvent. Dès lors, pourquoi continuer à faire des prévisions ? De même qu’une entreprise prend ses décisions en fonction de ses prévisions de ventes et de coûts, le gouvernement assoit ses décisions – et c’est heureux – sur des prévisions de croissance, d’emploi, d’inflation, etc.

Les prévisions macroéconomiques sont décrites en détail dans le Rapport social économique et financier annexé au projet de loi de finances et remis au Parlement le premier mardi d’octobre. Elles servent également à la coordination européenne des politiques économiques et budgétaires (voir le Programme de stabilité envoyé avant la fin du mois d’avril à la Commission européenne). Elles sont indispensables pour prévoir les recettes fiscales et donc le solde budgétaire présenté dans les textes financiers : les recettes de TVA dépendent de la consommation, les cotisations sociales de la masse salariale, etc. Certaines dépenses dépendent également du contexte macroéconomique : prestations indexées sur les prix, prestations chômages, minima sociaux…

 

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En France, les prévisions du gouvernement sont réalisées par la Direction Générale du Trésor et, plus précisément, par une équipe qui se répartit la tâche entre le très court terme (1 trimestre), le court terme (2 ans) et le moyen terme (2-5 ans) ; mais aussi les ménages et les entreprises (épargne et investissement notamment), l’inflation et, enfin, l’environnement international.

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La prévision à court et moyen terme est réalisée par le bureau « PREV1 » constitué d’un chef de bureau, de huit adjoints et d’un(e) assistant(e). Comme « tout est dans tout et inversement » (par exemple, la consommation détermine l’activité et vice versa), l’équipe s’appuie sur un modèle macroéconométrique - Opale qui prévoit de manière cohérente les différentes composantes de la demande (consommation des ménages, investissement des entreprises, exportations, importations) et les prix : termes de l’échange, prix de la consommation et de l’investissement, déflateur du PIB. 3 personnes sont chargées de faire fonctionner, d’entretenir et d’améliorer le modèle. Le code du modèle est public depuis 2018 et un document de travail a été publié ne 2017 pour décrire précisément ce modèle. L’utilisation d’un modèle est indispensable pour s’assurer que les équilibres comptables sont respectés et que les comportements prévus s’expliquent à partir des comportements passés. Le modèle permet aussi d’embrasser toute la complexité des interdépendances entre activité, emploi, salaires, prix, échanges internationaux, etc., ainsi que l’impact des politiques publiques (soutiens d’urgence et plan de relance à l’heure actuelle). Toutefois, l’exercice de prévision est tout sauf mécanique. Les jugements du prévisionniste : calculs hors modèle, ainsi que l’examen approfondi de toutes les données disponibles jouent un rôle central dans l’exercice de prévision.

Au sein de l’équipe de PREV1, trois personnes prévoient les « comptes » des agents économiques (ménages et entreprises), c’est-à-dire leurs revenus, leur pouvoir d’achat, consommation, épargne, etc. Ils construisent un tableau économique d’ensemble complet permettant de tracer la circulation des revenus entre les grandes catégories d’agents. Le revenu disponible des ménages est prévu ligne à ligne, en cohérence avec les éléments de prévision issus du modèle Opale (salaires, emploi), mais aussi en intégrant une analyse spécifique pour les revenus du patrimoine ou les revenus des indépendants par exemple.

Un membre de l’équipe de prévision s’occupe de prévoir l’inflation, en tenant compte des effets détaillés de la fiscalité (TVA, taxes sur les tabacs par exemple), des prix de l’énergie, des évolutions sectorielles à un niveau fin. Une relecture macroéconomique est mobilisée pour s’assurer que l’inflation est cohérente avec la prévision de croissance et d’emploi.

 

 

L’équipe se doit de rester à la pointe de la technologie. Pour cela, une personne est dédiée à la modernisation des outils. Ainsi, le modèle Opale a récemment migré vers un logiciel libre et gratuit (le logiciel R) pour gagner en réactivité en fiabilité, faire des économies sur le prix des licences et afin de permettre à des utilisateurs extérieurs de s’approprier le modèle.

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La crise de la covid-19 a bouleversé le cadre usuel de la prévision. Pour l’année 2020, l’équipe a publié pas moins de sept prévisions, au gré des révisions successives du budget, au lieu de deux habituellement. Les méthodes ont aussi été considérablement adaptées à une économie fortement contrainte à la fois du côté de l’offre (fermetures administratives, protocoles sanitaires) et du côté de la demande (confinement, couvre-feu, restriction des déplacements, prudence des comportements). Ces éléments, associés à des hypothèses épidémiologiques précises, ont été au centre des exercices de prévision. Sur ce terrain inédit, l’équipe de prévision du Trésor a mobilisé des données dites « haute fréquence »  (consommation d’électricité, données de cartes de crédit, indicateurs sur les déplacements…) pour très vite évaluer l’impact de la crise sanitaire sur l’activité. Les enquêtes Acemo-Covid de la Dares (Ministère du Travail) ont permis de mieux comprendre quelles contraintes avaient présidé aux baisses d’activité dans chaque secteur, et ainsi d’évaluer l’impact des restrictions à venir.

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Créé en 2012 et présidé par le Premier Président de la Cour des Comptes, le Haut Conseil des Finances Publiques (HCFP), émet des avis sur les hypothèses macroéconomiques retenues par le gouvernement pour construire les Lois de finance. Le HCFP procède à l’audition des représentants de la Direction Générale du Trésor sur le cadrage macroéoconomiques. Ses avis sont publics.