Le 9 décembre 2020 a été adoptée en conseil des ministres, une ordonnance renforçant le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) applicable aux actifs numériques.

Portée par le Trésor, cette ordonnance fait suite au démantèlement, en France, au mois de septembre dernier, d’un réseau de financement du groupe terroriste « Daesh » qui a permis le transfert de fonds à des combattants sur zone, grâce à des transactions recourant à des actifs numériques. Cette actualité s’inscrit dans un contexte international plus large de renforcement des risques BC-FT liés aux actifs numériques, ce que les travaux du Groupe d’action financière (GAFI), mais aussi ceux du G7 et du G20 ont souligné à plusieurs reprises, depuis le début de la crise sanitaire.  

Afin de lutter plus efficacement contre les détournements criminels des actifs numériques, il a été tout d’abord proposé de compléter, en cohérence avec la recommandation n° 15 du GAFI, le cadre juridique issu de la loi Pacte. Cette dernière avait déjà inclus, dans le champ des entités assujetties aux obligations posées par le Code monétaire et financier en matière de LCB-FT, les prestataires de services d’échanges entre actifs numériques et monnaie ayant cours légal (échanges dits « crypto-to-fiat ») et les services de conservation d’actifs numériques pour le compte de tiers. L’ordonnance adoptée en conseil des ministres soumet quant-à-elle, à ces mêmes obligations, les prestataires de services d’échanges d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques (échanges dits « crypto-to-crypto ») et les plateformes de négociation de ces actifs. Les mêmes obligations s’imposeront donc dorénavant à l’ensemble de ces acteurs, notamment en matière d’évaluation des risques BC-FT auxquels ils sont exposés, de connaissance de leurs clients et des bénéficiaires effectifs de ces derniers, de coopération avec les services de renseignement et de gel des avoirs.

Cette ordonnance constitue en outre un premier pas dans la lutte contre l’anonymat des transactions en actifs numériques. Elle inclut ainsi les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) parmi les entités ayant l’interdiction de tenir des comptes anonymes (article L. 561-14 du code monétaire et financier). Cette disposition sera complétée par un décret en Conseil d’Etat qui porte de nouvelles mesures destinées à réduire l’anonymat des transactions en crypto-actifs.

Dans un souci d’efficacité LCB-FT et de concurrence équitable, les PSAN établis en France mais aussi les PSAN européens désireux de cibler le marché français sous le régime de la libre prestation de services seront soumis à ces obligations. L’ordonnance nouvellement adoptée confirme en effet que ces prestataires sont bien tenus de s’enregistrer auprès de l’Autorité des marchés financiers avant de débuter leur activité. Pour les prestataires de services crypto-to-fiat et les portefeuilles de conservation, cette ordonnance confirme par ailleurs les contrôles préalables réalisés, par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, de la qualité des procédures internes développées pour la mise en œuvre des obligations de LCB-FT posées par le code monétaire et financier.

Ce cadre national renforcé sera particulièrement valorisé dans le cadre de l’évaluation de notre dispositif national de LCB-FT par le GAFI. Il sera également promu au niveau européen dans la perspective de la présentation par la Commission européenne, au premier semestre 2021, d’une proposition législative refondant le système européen de supervision LCB-FT.