Rédigé par Camille Delavergne (ex-stagiaire DP)

 

Lors de la conférence ministérielle de Buenos Aires, les ministres ont acté l’objectif d’un accord sur les aides à la pêche. Cet accord doit interdire certaines formes de subventions qui contribuent à la surcapacité surpêche et supprimer les subventions contribuant à la pêche INN. Les négociations, conclusion et mise en œuvre d’un tel accord rendent cruciale la connaissance du montant des aides au secteur de la pêche. Les principaux éléments développés ci-dessous découlent d’une analyse de différentes sources réalisées par la DP OMC (lien internet).

Une première information devrait être fournie par les notifications à l’OMC. En effet, de la même façon que toutes les aides bénéficiant aux différents secteurs économiques, les aides à la pêche doivent être notifiées à l’OMC comme le prévoient l’article XV.1 des accords du GATT et l’article 25.2 de l’accord sur les subventions et mesures compensatoires. Les documents précisant le contenu de ces notifications sont toutefois peu précis et aucun format de notification n’est imposé. Les notifications ne présentent donc pas des informations homogènes et comparables. Les aides au secteur de la pêche n’y sont pas toujours clairement identifiées. Par ailleurs une fraction importante des membres ne réalise pas ces notifications ou le fait avec retard (41% des membres de l’OMC n’ont ainsi toujours pas fourni de notifications au titre de 2017 alors que ces notifications devaient être fournies avant le 30 juin 2017).

D’autres sources de données concernant les aides à la pêche sont plus facilement exploitables. Il s’agit tout d’abord de la base de données développée par l’OCDE[1] et d’évaluations réalisées par des universitaires (Sumaila et allii[2]). Les informations fournies par ces différentes sources sont néanmoins difficilement comparables, les concepts retenus n’étant pas toujours les mêmes. Par ailleurs les auteurs de ces études, sont obligés de pallier certains manques d’information par des évaluations.

Les données de l’OCDE font référence alors que celles de l’étude de Sumaila sont plus discutées. Les montants qu’elle fournit sont sensiblement plus élevés et sont jugés excessifs par certains membres de l’OMC. Mais seule cette base de données fournit une évaluation des aides au niveau mondial (alors que les données de l’OCDE restent limitées à 37 pays). Elle est donc souvent citée comme référence sur ce dernier point : environ 35 milliards de dollars d’aides à la pêche au niveau mondial dont 22 milliards de dollars contribuant à l’augmentation de capacités.

Concernant les comparaisons entre membres, des tendances communes se dégagent de ces différentes sources. La Chine fournit les montants d’aides les plus élevés (4,1mds$ selon l’OCDE, 5,8mds$ selon Sumaila). Viennent ensuite, avec des ordres différents suivant les études, l’Union Européenne, les Etats-Unis, le Japon et la Corée.

L’étude de Sumaila fournit par ailleurs des informations détaillées sur les aides au carburants (l’OCDE ne disposant que de données partielles sur ce point) et montre l’importance de cette catégorie d’aide (7,7Mds$ au niveau mondial), la Chine restant le pourvoyeur le plus important suivi de l’Union Européenne, du Japon et de la Corée.

Cette absence de clarté et de lisibilité des données relatives aux aides à la pêche renforce la complexité des négociations en ajoutant de la confusion, ne motive pas la prise de décision politique et complexifiera l’évaluation des disciplines une fois un accord signé.



[2] Sumaila U.R., Ebrahim N., Schuhbauer A.,Skerritt D., Li Y.,Kim H.S., Mallory T.G., Lam V.W.L, Pauly D. (2019), Updated estimates and analysis of global fisheries subsidies. Marine Policy,109. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352340919310613#mmc1