Le progrès technique tend à détruire les emplois peu qualifiés facilement automatisables et à accroître les écarts de salaires moyens entre peu qualifiés et très qualifiés. Toutefois, les données françaises comme britanniques montrent que les salariés peu qualifiés ont un gain salarial à travailler dans des entreprises innovantes plus important que les plus qualifiés. Ces résultats doivent être replacés dans le contexte de la plus faible demande de main d'œuvre peu qualifiée dans ces firmes.

P. Aghion, A. Bergeaud, R. Blundell et R. Griffith (2019) ont montré sur données britanniques que les firmes innovantes rémunèrent mieux leurs salariés et que ce gain est relativement plus élevé pour les travailleurs peu qualifiés. Nous répliquons ce papier sur données françaises afin de tester la robustesse des résultats.

Nous construisons un panel cylindré de 682 355 salariés travaillant dans 318 442 firmes différentes sur la période 2009-2014. L’analyse descriptive montre qu’en moyenne, le salaire des individus travaillant dans les firmes innovantes est supérieur à celui des individus dans les firmes non innovantes. Un individu travaillant dans une entreprise aux dépenses de R&D médianes gagne en moyenne 30 % de plus qu’un individu travaillant dans une firme n’effectuant pas de dépenses de R&D. Plus la firme est innovante, plus la différence salariale est importante : un individu travaillant dans les 5 % de firmes les plus intensives en R&D gagne en moyenne 68 % de plus qu’un individu travaillant dans une firme n’effectuant pas de R&D. Une régression à effets fixes du salaire sur l’intensité de R&D contrôlant des caractéristiques individuelles confirme que l’élasticité du salaire par rapport l’intensité en R&D est positive et d’autant plus élevée que l’individu est peu qualifié. Ainsi, le salaire est 1,6 fois plus élastique à l’intensité R&D pour les individus peu qualifiés que pour les individus moyennement ou hautement qualifiés. Ce résultat est conforme à celui d’Aghion et al., mais la sensibilité du salaire à l’intensité R&D comme le gain relatif des peu qualifiés sont toujours plus faibles sur données françaises. Nous expliquons enfin que ces résultats devraient être interprétés avec prudence, aussi bien aussi sur données françaises que britanniques.

DT-2020-03