Trésor-Éco n° 250 - Plateformes numériques et concurrence
La position dominante de certaines grandes plateformes numériques, et leur rôle d’intermédiaire sur certains marchés, soulèvent des inquiétudes croissantes sur leur capacité à restreindre la concurrence dans et pour ces marchés. Face à ces enjeux, un renforcement de la politique de la concurrence et la mise en place d’outils de régulation spécifiques apparaissent souhaitables.
Les plateformes numériques facilitant les interactions entre différents utilisateurs ont acquis une place croissante dans de multiples secteurs. Grâce aux effets de réseaux et aux possibilités offertes par le numérique, les plateformes les plus efficaces ont en effet pu croître rapidement à une très large échelle, acquérir des positions dominantes et bénéficier d'avantages comparatifs pour se diversifier.
Malgré les bénéfices liés à l'économie numérique et au développement des plateformes, la tendance à la concentration des marchés et à la dégradation de la concurrence soulève des inquiétudes économiques grandissantes. La capacité du droit de la concurrence à appréhender l'économie numérique et à lutter efficacement contre d'éventuelles pratiques abusives des plateformes est de plus en plus discutée dans le monde.
Plusieurs travaux ont mis en évidence les risques concurrentiels accrus liés au modèle des plateformes et aux situations de forte domination. Par leur contrôle de l'accès au marché et leur rôle dans la structuration des informations, les plateformes peuvent déployer des pratiques déloyales ou anti-concurrentielles, ayant pour effet de restreindre la concurrence dans le marché. De plus, les plateformes dominantes peuvent déployer des obstacles à la concurrence pour le marché, en empêchant l'émergence de concurrents par des stratégies de « verrouillage » ou des pratiques plus prédatrices.
Face à ces enjeux, une adaptation de la politique de la concurrence parait nécessaire, à la fois pour continuer à développer des analyses spécifiques au modèle des plateformes et pour se doter d'outils et de règles permettant de gagner en réactivité et en efficacité.
De manière complémentaire, les pouvoirs publics peuvent protéger et favoriser la concurrence et l'innovation sur les marchés des plateformes en mobilisant différents outils renforçant la prévention et l'encadrement ex ante des pratiques. D'une part, des règles et obligations générales (« symétriques ») et sectorielles peuvent pallier des problèmes concurrentiels particulièrement récurrents, fixer des principes à respecter et abaisser certaines barrières à l'entrée. D'autre part, pour des marchés ou acteurs soulevant des problèmes concurrentiels structurels et durables, une régulation « asymétrique » doit permettre de mettre en place des règles et obligations ciblées et proportionnées pour rétablir les conditions d'une plus grande concurrence. Un tel cadre pourrait être envisagé au niveau de l'Union européenne.