Depuis la fin des années 2000, l’Egypte se caractérise par une inflation moyenne à deux chiffres : l’indice des prix à la consommation (IPC) fluctuant autour de 10% par an entre 2007 et 2015. Suite à la décision de la BCE d’adopter le régime de change flottant en novembre 2016, la livre égyptienne a perdu plus de 50% de sa valeur et l’inflation a atteint des niveaux exceptionnels en 2016/17 (23,3%) et en 2017/18 (21,6%), plus du double de ceux des années précédentes.

Du fait du poids des importations structurel dans le PIB (plus de 20% au moment du flottement de la livre) et hormis pour les produits subventionnés, la dépréciation de la livre égyptienne a conduit à un renchérissement significatif des importations. C’est donc principalement au travers d’une hausse du prix des biens semi-finis et des matières premières importées que les prix à la production puis ceux à la consommation ont été impactés.

Le taux d’inflation a atteint son pic en juillet 2017 à 33% en g.a. (35,9% pour l’inflation sous-jacente), conséquence combinée de la hausse des prix des carburants ainsi que le relèvement d’un point du taux de TVA (14% depuis le 1er juillet). Ces déterminants absorbés, le taux d’inflation a diminué progressivement pour atteindre 11,4% en g.a. en mai 2018 (contre 29,7% en mai 2017). Le taux d’inflation mensuel a atteint un pic à 3,2% constaté en juillet, mais il a baissé pour la première fois depuis plus de deux ans pendant deux mois consécutifs en décembre et janvier 2018 (respectivement -0,2 et -0,1%), pour être quasiment nul en mai (0,2%).

Le ralentissement de la hausse des prix des fruits et légumes entre novembre et mai, principale composante du panier de consommation , explique en partie la réduction du taux d’inflation annuel. Ainsi, si la baisse annuelle significative était due à l’effet de base, la baisse mensuelle a été principalement attribuée à la baisse des prix des fruits et légumes.

Cette baisse de l’inflation a encouragé la BCE a réduire ses taux directeurs de 100 pdb à deux reprises en février et mars 2018 après avoir resserré drastiquement sa politique monétaire (3 augmentations des taux directeurs entre novembre 2016 et juin 2017 pour un total de 700 pdb) consécutive au flottement de la livre dans le but de stériliser les effets inflationnistes de second tour.

Cependant, les augmentations significatives des prix administrés ont inversé la tendance baissière de l’inflation à partir du mois de juin (14,4% en g.a.). Le gouvernement a procédé à l’augmentation des prix des carburants en juin 2018 (+50% en moyenne), de l’électricité en août 2017 (+42% en moyenne) et en juin 2018 (+26,6% en moyenne), de l’eau en août 2017 (+50% en moyenne) ainsi qu’en juin 2018 (+46,5% en moyenne) et des transports publics en mai 2018 .

Face aux risques d’effets de second tour, les augmentations de salaires du secteur public sont restées modérées en 2017/18. On notera la mise en place de lois visant à l’attribution de bonus supplémentaires (+7-10%). De même, une loi a été votée en mai 2018 pour relever les salaires (+15% pour 9 M d’agents) et les pensions (+11,5% pour 6 M d’agents) de certains agents publics. D’après le CAPMAS, les salaires moyens ont augmenté en 2017 de 8,4% à 4988 LE/mois pour le secteur public et de 16,3% à 3116 LE/mois pour le secteur privé.

 

Conséquence de l’augmentation des prix des produits administrés, le taux d’inflation a augmenté tendanciellement au cours des quatre premiers mois de l’exercice 2018/19 pour atteindre 17,7% fin octobre 2018. Second déterminant de l’inflation en 2018/19, l’augmentation significative des prix des fruits et légumes en raison d’une mauvaise récolte sur deux produits essentiels (tomates et pommes de terre) atteignant un pic en octobre de 52,7% (contre 40,2% en octobre 2017). Pour autant, l’inflation sous-jacente a continué de diminuer tendanciellement et reste à un niveau inférieur à 10% depuis le mois de juillet 2018 .

Le taux d’inflation a baissé au mois de décembre à 12% (juste en dessous du plafond de 13% fixé par la banque centrale), signe que l’effet des augmentations des prix administrés est en passe d’être absorbé et que les mesures prises par le gouvernement visant à ralentir l’augmentation des prix des fruits et légumes commencent à agir. De même, et pour la première fois depuis janvier 2018, l’inflation mensuelle a été négative deux mois consécutifs pour s’établir fin novembre à -0,8% et fin décembre à -3,4%. A noter toutefois que les chiffres de l’inflation de décembre ne semblent pas prendre en compte l’impact de la décision du gouvernement de supprimer le taux de change préférentiel aux douanes (1$ pour 16 EGP) pour les importations des produits non essentiels et qui pourrait provoquer une augmentation de l’inflation d’un point de pourcentage selon certains économistes.

A l’exception de l’Octane 95 potentiellement en avril, aucune hausse des prix subventionnés (332,3 Mds LE budgétés en 2018/19) n’est prévue avant la fin de l’année fiscale (le calendrier d’indexation des prix des carburants au marché reste incertain). De même, il est difficile de prévoir si la BCE procédera à une nouvelle réduction de ses taux directeurs alors que sa cible d’inflation aura tout juste été atteinte.

Les augmentations de salaires du secteur public devraient rester modérées en 2018/19. Dans le secteur privé, les augmentations seront plus fortes mais le risque de spirale inflationniste semble écarté. Les entreprises françaises anticipent ainsi des augmentations de l’ordre de 15-20%.

Selon le FMI, l’inflation moyenne devrait être ramenée de 21,6% en 2017/18 à 14,5% en 2018/19. Calculé en glissement annuel, le taux d’inflation est estimé à 15,8% à fin juin 2019 (contre 14,4% à fin juin 2018). Quant au ministère des Finances, c’est une hypothèse d’inflation à 13,2% qui a été retenue pour son projet de budget pour l’exercice 2018/19.

Afin de réduire l’inflation structurelle, les autorités devront s’attaquer à la réforme du marché intérieur. En effet, la faible concurrence sur le marché intérieur ainsi que la présence de goulets d’étranglements dans les circuits de distribution sont des facteurs d’augmentation des prix déconnectés des fondamentaux d’offre et de demande. C’est particulièrement le cas pour le secteur alimentaire qui représenterait près 40% du panier de l’indice des prix à la consommation (hors fruits et légumes). Cette rigidité est pointée du doigt par le dernier rapport sur la compétitivité mondiale du World Economic Forum dans lequel l’Egypte se classe au 137ème rang sur 138 (131ème en 2016/17) pour le critère des tarifs commerciaux.