Au terme de la 4ème mission de revue de programme effectuée en octobre dernier, l’Egypte et le FMI se sont mis d’accord au niveau technique pour le décaissement de la 5ème tranche de 2 mds$ d’appui financier du fonds, ce qui porterait le total de décaissements à 10 mds$ sur les 12 que prévoient l’accord.

Le FMI a souligné un bilan macroéconomique positif et des fondamentaux économiques retrouvés. Le taux de croissance du PIB est passé de 4,2% en 2016/17 à 5,3% en 2017/18, grâce à la reprise des exportations nettes et des investissements qui ont compensé le ralentissement de la consommation intérieure. Le taux de chômage est à son plus bas niveau depuis 2011. Le déficit de la balance courante s'est contracté, passant de 5,6% du PIB en 2016/17 à 2,4% du PIB en 2017/18, sous l'effet de la reprise du tourisme et de la vigueur des transferts de fonds des expatriés égyptiens. Les réserves internationales brutes représentaient plus de 6 mois et demi d'importations de biens et services fin novembre.

Après avoir chuté à 11% en mai, le taux d’inflation a atteint 17,7% en octobre, principalement en raison de chocs externes liés à la hausse des prix de l’énergie en juin et des prix élevés des fruits et légumes depuis septembre en raison d’une mauvaise récolte. A noter cependant, que depuis la publication du rapport, le taux d’inflation a baissé en novembre à 15,7%, signe que l’effet des augmentations des prix administrés est en passe d’être absorbé et que les mesures prises par le gouvernement visant à ralentir l’augmentation des prix des fruits et légumes commencent à agir. A ce titre, la politique monétaire prudente de la banque centrale (3 augmentations des taux directeurs de 700 pb au total, puis deux baisses de 200 pb quand l’inflation a entamé sa décrue), mainte fois soulignée par le FMI, a contribué à crédibiliser la cible d’inflation fixée par la banque centrale, qui s’y tient.

Enfin, le budget a enregistré un excédent primaire de 0,2% du PIB en 2017/18, qui, conjugué à la forte croissance du PIB nominal, a ramené la dette brute des administrations publiques de 103% du PIB à 93% en un an.

Ces résultats sont d’autant plus encourageants, que les conditions financières mondiales se sont resserrées. Moins impactée que d’autres économies émergentes, l’Egypte a tout de même subi des sorties nettes d’investissements de portefeuille depuis avril entrainant une hausse des rendements sur les bons du Trésor dans une fourchette comprise entre 300 et 400 pdb (les autorités ayant annulé plusieurs adjudications), faisant peser un poids important sur la bonne exécution budgétaire.

L’ensemble des critères quantitatifs intermédiaires fixés par le FMI ont été atteint à fin juin, à l’exception du critère de performance sur le ratio de dette publique, qui a été manqué en raison d’une charge de la dette plus importante que prévue consécutive aux augmentations des taux d’intérêt sur les émissions de bons du Trésor. Cependant, plusieurs repères structurels ont été retardés. Ainsi, le groupe de travail sur la réforme de l'allocation des terrains industriels a finalement été formé en septembre (au lieu de juin) en raison du remaniement ministériel. Le décret sur la privatisation des entreprises publiques a été publié mais le calendrier reste encore très incertain. La présentation au Parlement du projet de loi sur l'autorité de la concurrence égyptienne a été reportée à décembre au lieu d'octobre; tout comme le projet de réforme du secteur bancaire (qui bénéficie d’une assistance technique du Fonds) qui devrait être soumis au Cabinet en décembre alors qu’il était initialement prévu en septembre.

Le FMI prévoit un taux de croissance de 5,5% pour l’exercice 2018/19 porté par les secteurs du tourisme et de la construction ainsi que la production accrue de gaz. Une fois les effets prix totalement absorbés, l’inflation devrait reprendre sa tendance à la baisse et se situer entre 13 et 14% à la fin de l’exercice. Le déficit de la balance courante devrait diminuer progressivement, passant de 2,4% du PIB en 2017/18 à moins de 2% du PIB à moyen terme, et la dette brute des administrations publiques devrait continuer à baisser pour atteindre 72% du PIB d'ici 2022/23, ce qui est conforme avec les récentes annonces du gouvernement.

L’objectif d’un excédent primaire équivalent à 2% du PIB est maintenu pour le budget 2018/19. Le déficit budgétaire devrait continuer à se réduire, passant de 9,8% du PIB en 2017/18 à 8,3% en 2018/19, en légère hausse par rapport aux prévisions précédentes en raison de coûts d'emprunt plus élevés.

Sur le plan des subventions, le FMI a rappelé l’importance d’achever le programme de baisse des subventions sur les carburants via une indexation des prix sur le marché (à l’exception du mazout utilisé dans les boulangeries et servant à la production d’électricité), permettant de libérer de l’espace fiscal destiné aux programmes sociaux à l’attention des populations défavorisées.

Le FMI avertit néanmoins des risques persistants et pouvant entraver la bonne réalisation du programme. On relèvera notamment l’accroissement de la dette publique, une hausse des prix mondiaux du pétrole, une détérioration de la situation sécuritaire qui perturberait la reprise du tourisme.

Enfin, la nécessaire flexibilité du taux de change et le maintien d’une politique monétaire prudente sont essentielles pour préserver la stabilité macroéconomique en maitrisant les tendances inflationnistes notamment. Le mécanisme de rapatriement et la vente de devises par les banques publiques, dépassant les limites réglementaires fixées pour les positions nettes en devises ouvertes, ont empêché le taux de change de suivre l'évolution de l'offre et de la demande. Par conséquent, le FMI a salué la décision d'arrêter le mécanisme de rapatriement et de renforcer l'application des règles réglementaires sur les positions de change ouvertes des banques.

Après s’être assuré du rétablissement des fondamentaux économiques, le FMI insiste à présent sur la nécessité de réformes structurelles devant permettre de libérer le potentiel de croissance de l’Egypte et redonner au secteur privé la place qui devrait être la sienne.

Le FMI veut donc se concentrer sur trois domaines pour libérer le secteur privé :

  • Une plus grande transparence du secteur public. Cette transparence demandée par le FMI, et à laquelle les autorités se seraient engagées, suppose d’en publier la liste, les comptes financiers, et leurs relations avec le budget de l’Etat.
  • Renforcer l’indépendance et les pouvoirs de l’autorité de la concurrence : le FMI aurait agréé un plan d’action à cette fin.
  • Plus grande transparence dans l’allocation des terrains industriels : le FMI travaille avec l’Autorité de Développement Industriel pour revoir les procédures d’allocation des terrains aux entreprises en y apportant plus de transparence. En septembre, les autorités ont formé un groupe de travail sous l'autorité du Premier ministre chargé d'élaborer un plan de réforme visant à instaurer un mécanisme d'allocation des terres industrielles transparent, compétitif et fondé sur le marché.