Pour pallier le déficit des années 2012-15, 16,6 GW ont été installés sur la période 2012-17 (contre 13,2 GW prévus dans le plan quinquennal), soit une croissance de 56% et un doublement des capacités de production sur 10 ans. 18 GW supplémentaires doivent être installés d’ici fin 2020, (+26% par rapport aux capacités actuelles). Afin de réduire son déficit pétrolier (17,5% des importations en 2017), l’Egypte privilégie les centrales à gaz, à charbon, hydroélectriques, solaires, éoliennes et prochainement nucléaire. Son mix électrique reste cependant peu diversifié en 2017 : 78% gaz, 14% pétrole, 7% hydroélectricité et 1% énergies renouvelables.

Les centrales à gaz à cycle combiné : colonne vertébrale du futur mix électrique

Le groupe allemand Siemens a débuté en 2015 la construction de trois centrales thermiques à gaz à cycle combiné d’une capacité totale de 14.4 GW (4,8 GW chacune) pour un montant total de 7.2 mds$ situées à Beni Suef, la Nouvelle Capitale et Burullus. Inauguré en juillet 2018 (pour un fonctionnement à pleine capacité fin 2019), ce projet va permettre à l’Egypte d’accroitre de plus de 40% sa capacité totale de production électrique et d’assurer un surplus de 25% d’électricité par rapport à sa consommation. Par ailleurs, les trois centrales thermiques devraient consommer à terme 20 mds m3 de gaz par an, soit l’équivalent de 40% de la production de gaz naturel égyptien en 2017, aggravant fortement la dépendance au gaz du mix électrique égyptien.

Un autre projet de centrale à gaz à cycle combiné de 2,25 GW à Louxor est également en négociation depuis 2015 avec le Saoudien ACWA Power qui a remporté l’appel d’offres du projet, en partenariat avec l’Egyptien Hassan Allam Holding Co., l’Américain General Electric et le Chinois SEPCO. Le montant global de l’investissement dépasserait les 2,2 mds$ avec 25% de financements égyptiens via Hassan Allam Holding Co.

L’émergence de capacités de génération à charbon

Le projet de centrale d’Oyoun Moussa (région de Suez), en discussion depuis 2015 avec l’Emirati Al Nowais, a été officiellement lancé en juillet 2018 par le ministre de l’Electricité pour une mise en service prévue en 2022. Elle devrait devenir la 1ère centrale thermique à charbon d’Egypte avec une capacité totale de 2,6 GW pour un montant de 4 mds$.

Un autre projet pour une centrale de 6 GW à El Hamrawein, sur la Mer Rouge a également été signé en EPC (Engineering, Procurement and Commissioning) entre le ministère de l’Electricité égyptien et les entreprises chinoises Dongfang Electric Corp. Et Shanghai Electric Group à l’occasion du déplacement du président Sissi en Chine le 3 septembre 2018. Ce projet devrait être développé en trois phases de 2 GW chacune sur une période de six ans à partir de 2019 par les deux entreprises chinoises et l’entreprise égyptienne Hassan Allam Holding Co. Le projet d’un montant total de 4,4 mds$ serait financé à hauteur d’environ 1 md$ par des banques commerciales égyptiennes, le reste étant couvert par des prêts commerciaux chinois.

Un programme ambitieux de génération à partir d’énergies renouvelables

Le gouvernement égyptien dispose d’un parc éolien de 1550 MW (NREA : New and Renewable Energy Authority : 970 MW et EEHC Egyptian Electricity Holding Company : 580 MW) et s’est fixé pour objectif d’atteindre 20% (12% éolien, 5.8% hydroélectrique et 2.2% solaire) d’énergies renouvelables dans le mix électrique d’ici 2022, puis 37% d’ici 2035. Le gouvernement privilégiait le modèle EPC jusqu’en 2017 pour le développement du renouvelable. Les derniers projets de ce type sont la ferme éolienne de 580 MW à Gabal El Zeit, inaugurée en juillet 2018, la centrale photovoltaïque de 26 MW sur le site de Kom Ombo, signée en septembre 2018 (sur financements AFD, réalisé par l’entreprise espagnole TSK) et le projet éolien de 200 MW sur financements AFD, BEI, KFW et UE (267 M€ + 104 M€ de la NREA), pour lequel les travaux doivent débuter en 2019.

La NREA est également chargée d’encadrer l’émergence du secteur privé qui doit à terme porter l’essentiel des projets d’énergies renouvelables. Elle a ainsi lancé en septembre 2016 le programme de tarifs de rachat garantis (Feed-in-Tarrifs) pour les producteurs indépendants afin de favoriser l’installation de 2GW de centrales photovoltaïques et 2GW de centrales éoliennes. Les accords de FiT ont été finalisés en octobre 2017 pour les projets photovoltaïques avec 1,45 GW de projets sécurisés dans la zone de Benban, site de 37 km² au nord d’Assouan. Au total, 32 SPV ont été constituées pour un investissement de 2,5 mds$ soutenu par les IFIs (EBRD, FMO, GCF, ICBC, Proparco, IFC, AIIB, GGF, AfDB, CDC, FinnFund, Arab Bank, OeOB, ICCF) et banques commerciales locales et étrangères. Leur mise en service et connexion au réseau est prévue pour 2019-2020 et fera de Benban le plus important site photovoltaïque au monde.

Malgré la mise en place du programme FIT, aucun projet éolien n’a vu le jour dans ce cadre compte tenu des tarifs proposés. La NREA et EETC (Egyptian Electricity Transmission Company) ont donc favorisé l’émergence de projets privés en BOO (Build, Own, Operate) pour l’éolien avec des tarifs de rachat négociés et entérinés dans le cadre de PPA (Power Purchase Agreement) sur 20 ans avec EETC. Les projets de centrales éoliennes se regroupent sur les sites de Ras Gharib et Gabal El Zeit, sur la rive occidentale du Golfe de Suez. Le premier d’entre eux a été signé en novembre 2017 par le consortium Engie (40% chargé de l’exploitation) Toyota-Tsusho (40%) et Orascom (20%) pour l’installation d’une ferme de 262 MW sur le site de Ras Gharib. Un premier accord pour une extension de 500 MW a également été signé en juillet 2018 par ce même consortium. Un projet similaire a été signé depuis par la société néerlandaise Lekela Powers pour un projet 250 MW à Ras Gharib. Plusieurs autres projets sont également en négociation sur ce modèle : 800 MW Ras Gharib pour un consortium entre le Japonais Marubeni, l’Emirati Masdar et l’Egyptien Elsewedy, 500 MW sur le même site par le Saoudien ACWA Power et 320 MW à Gabal El Zeit par Italgen. Enfin, le contrat de développement de différents sites éoliens pour un total de 2GW par Siemens, attenant au contrat des trois centrales thermiques, a été renégocié d’EPC à BOO avec les nouveaux accords finalisés en septembre 2018. A terme, il est prévu que le site de Ras Gharib accueille 7,2 GW d’installations éoliennes et Gabal El Zeit 2,2 GW.

L’achèvement du programme FiT et la réussite des BOO a poussé les autorités à généraliser ce modèle plus flexible pour les futurs projets de développement des énergies renouvelables, y compris le photovoltaïque et les centrales solaires thermodynamiques. C’est ainsi que l’ensemble des nouveaux appels d’offres sont désormais basés sur l’enchère sur les tarifs rachat pour les projets supérieurs à 20MW. Le premier projet de centrale solaire proposé dans ce cadre est celui de Kom Ombo, au nord d’Assouan, pour le développement de 600 MW sur 7 km². Les offres ont été remises pour la première tranche de 200 MW mais les tarifs de rachat proposés dans les différentes offres remises le 1er août 2018 sont plus élevés que le plafond fixé par le gouvernement égyptien : 2,5 cts par kWh pour les projets photovoltaïques tandis que les offres s’échelonnent entre 2,79 cts et 3,4. Un appel d’offres pour une centrale solaire thermodynamique de 100 MW doit également être lancé en 2019. L’objectif est également de permettre le développement de projets en moyenne Egypte, sur les rives est et ouest du Nil, où les surfaces exploitables sont bien plus vastes mais le potentiel solaire et éolien bien plus faible que sur les premiers sites de développement, nécessitant pour EETC d’accepter des tarifs de rachat plus élevés.

Afin de permettre le développement de projets privés à petite échelle (agriculture, complexes touristiques isolés, immobilier), la NREA a également mis en place un système de net metering, permettant de reverser sur le réseau les surplus d’électricité produite afin d’obtenir des crédits de consommation d’électricité lorsque la production est insuffisante. L’objectif principal est de remplacer progressivement les générateurs des pompes d’irrigation isolées dont le diesel importé représente 300 M$ chaque année pour une capacité totale de 2GW. Actuellement, les installations individuelles représenteraient entre 35 et 40 MW.

Des projets de développement de la génération nucléaire et hydroélectrique à partir de 2024

Pour renforcer sa sécurité énergétique, l’Egypte ambitionne de générer 10% de son électricité grâce au nucléaire d’ici 2030. Le contrat de la centrale nucléaire de Dabaa signé en décembre 2017 entre le ministère de l’Electricité et Rosatom, d’un montant total de 25 mds$, prévoit l’installation de quatre réacteurs nucléaires de 1,2 GW (4,8 GW au total). Le premier réacteur devrait entrer en service en 2026 et le dernier en 2029, sous réserve de conclusion des accords financiers qui prévoiraient un financement russe à hauteur de 85% du montant du projet.

Le barrage d’Assouan dispose d’une capacité installée de 2.1 GW par an (4,6 % de l’électricité produite en 2017). Dans la logique de diversification du mix électrique, l’Egypte a lancé en 2015 le premier projet de centrale de pompage-turbinage (bassin d’accumulation relié à une centrale hydroélectrique) d’Ataqa, dans le golfe de Suez. Ce projet, d’une capacité de 2,4 GW, dont la mise en service est prévue pour 2024, avoisinerait les 2,7 mds$, principalement sur financements de la China Exim Bank. Le consortium entre AF Consult Switerzland et le français Artelia a été retenu en février 2018 pour l’assistance à maitrise d’ouvrage tandis que le groupe chinois Sinohydro serait en charge de la réalisation du projet. Un contrat avec clause de condition suspensive a été signé à l’occasion du déplacement du Président Sissi en Chine le 3 septembre dernier, sous réserve de conclusion des accords financiers, en particulier d’un accord sur l’apport égyptien.

Avec l’augmentation des capacités de génération, une stratégie de hub régional en question

L’Egypte ambitionne de devenir à moyen terme un acteur central du marché régional de l’électricité, à l’image de sa stratégie sur le marché du gaz. Au-delà de l’impératif développement des infrastructures d’interconnexion, les différents projets semblent actuellement se heurter aux stratégies de développement de leurs propres capacités de génération des principaux pays de débouchés envisagés (Arabie Saoudite, Jordanie). Aussi, les pics de consommation ayant lieu à la même période (estivale) dans la région, la question de l’évacuation des surplus doit se porter vers les pays connaissant leurs pics de consommation à la période hivernale. Le projet le plus crédible semble donc être l’interconnexion envisagée avec l’Europe, via Chypre et la Grèce, pour lequel un premier MoU a été signé en février 2017 entre EEHC et CCEAI (Cyprus Company Euro Africa Interconnector). Le projet consiste en un câble terrestre et sous-marin d’une longueur de 1,700 km (capacité : 2,000MW ; transmission : 17,5TWh) et le montant total du projet est estimé à 4 mds$ (connexion Grèce et Chypre incluse) et les premières études ont été remises en juin 2018.

La libéralisation du secteur se poursuit pour maintenir la dynamique de transformation du secteur

Avant même le lancement du programme d’ajustement du FMI, l’Egypte, a initié la privatisation du secteur afin de le rendre plus compétitif et attirer les investissements dans le processus de modernisation. En 2015, le gouvernement a ainsi approuvé la loi 87/2015 pour restructurer le marché sur une période de huit ans devant aboutir à terme à séparer les activités de transport (EETC) des activités de génération et de distribution (EEHC). EETC devrait progressivement devenir un opérateur indépendant via la création de deux marchés : l’un où les grands consommateurs pourront directement se fournir en électricité chez les compagnies génératrices, le second, régulé, où les consommateurs s’adresseront directement aux entreprises de distribution.

Dans le cadre du programme FMI engagé en novembre 2016, le gouvernement mène une politique de réduction des subventions publiques afin de réallouer une partie de ces fonds vers les investissements pour la génération, le réseau et la distribution. Les prix de l’électricité ont ainsi poursuivi leur hausse (26,6% en moyenne) en juin 2018, la troisième depuis le début du programme du FMI. Pour le secteur résidentiel, elle est comprise entre 7% et 69% en fonction des tranches de consommation, tandis que pour le secteur non résidentiel, elle s’échelonne de 7 à 22%. L’objectif de suppression définitive des subventions a été fixé à juin 2022, en raison de son fort impact social et économique. Le montant des subventions au secteur était de 32 mds LE en 2017/18 (2,6% des dépenses budgétaires), la baisse intervenue devrait permettre de le diviser par deux à 16 mds LE en 2018/19 (1,1% des dépenses budgétaires).