Le Parlement a approuvé le 5 juin le budget pour l’exercice 2018/2019. Ce dernier prévoit de ramener le déficit public de 9,8 à 8,4% du PIB en 2018/19. En effet, la progression du déficit devrait être limitée (+1,8% à 438,6 Mds LE), la hausse anticipée des recettes (+21,6% à 982,2 Mds LE) étant plus rapide que celle des dépenses (+15,6% à 1424 Mds LE). De surcroît, la croissance du PIB devrait s’accélérer, passant de 5,2 à 5,8%. Le gouvernement espère ainsi dégager un excédent primaire pour la deuxième année consécutive (2% du PIB en 2018/19 contre 0,2% du PIB en 2017/18) et ramener le taux d’endettement public de 97% fin 2017/18 à 91% du PIB fin 2018/19.

Pour l’exercice 2018/19, les recettes s’élèveraient à 989,2 Mds LE (≈55,9 Mds $ soit 18,8% du PIB) en augmentation de 21,6% en g.a. Les 3/4 des recettes supplémentaires seraient obtenus grâce à la hausse de 23,4% des recettes fiscales à 770,3 Mds LE (soit +146,1 Mds LE), alors que l’augmentation des recettes non fiscales de 15,1% ne générerait qu’1/4 des recettes additionnelles à 217,8 Mds LE (soit +29,8 Mds LE). La part des dons est négligeable et stable à 1,1 Md.

Les recettes fiscales bénéficieraient notamment d’une croissance de l’activité économique, d’une meilleure application de la TVA, de la résolution de différends fiscaux, d’un renforcement de l’efficacité des administrations fiscales et douanières et d’une révision des droits d’accises et des redevances sur certains biens (tabac et cigarettes) et services (immatriculation de véhicules, services téléphoniques...). A ce titre, la part des recettes fiscales dans le PIB augmenterait de 14,2 à 14,7% du PIB entre 2017/18 et 2018/19. Les recettes de la TVA devraient augmenter de 74,5% à 320,1 Mds LE (+136,7 Mds) et représenter le tiers des recettes fiscales totales, celles des impôts généraux de 20,8% à 367,7 Mds LE (+60,2 Mds LE dont +27,8 Mds LE pour l’impôt sur les bénéfices) et celles des taxes douanières de 5,8% à 45,3 Mds LE (+7,1 Mds LE).

Quant aux recettes non-fiscales (4,1% du PIB en 2018/19 contre 4,3 l’année précédente), elles seraient tirées par une intégration accrue des surplus des entreprises et des autorités publiques dans le budget de l’Etat, en particulier ceux dégagés par EGPC (+26,1% à 25,1 Mds LE soit +5,2 Mds LE) et la Suez Canal Authority (+12,2% à 33 Mds LE soit +3,6 Mds LE).

Du côté des dépenses, elles s’élèveraient à 1424 Mds LE (≈80,5 Mds$ soit 27,1% du PIB) en progression de 15,4% en g.a. On notera tout d’abord que la progression des dépenses au titre des salaires des agents publics devrait rester modérée (+10,9% à 266,1 Mds LE soit +26,1 Mds LE) notamment grâce à l’application effective de la loi sur le service public. Bien qu’en augmentation en valeur, le poids des salaires passe de 5,5 à 5,1% du PIB entre 2017/18 et 2018/19.

Les dépenses au titre de la charge de la dette devraient croître fortement (+23,6% à 541,3 Mds LE soit +103,4 Mds LE), tirées par la hausse du montant des intérêts sur la dette externe (+15%) et interne (+24,2%) consécutive à l’augmentation de l’endettement de l’Egypte et à la hausse des taux d’intérêts directeurs de la Banque Centrale. La charge de la dette représenterait 10,3% du PIB en 2018/19 (10% en 2017/18). Par ailleurs, le gouvernement table sur un taux d’intérêt des émissions obligataires domestiques (t-bills et t-bonds) de 14,7% en moyenne sur l’année 2018/19 (contre 18% l’année précédente).

Les dépenses au titre des subventions, dons et protection sociale devraient rester stables (+0,3% à 332,3 Mds LE soit +0,9 Md LE). La baisse des subventions à l’électricité (-46,7% à 16 Mds LE soit -14 Mds LE) ainsi qu’aux carburants (-26,3% à 89,1 Mds LE soit -31,8 Mds LE) est compensée par la hausse des subventions aux produits alimentaires (+4,9% à 86,2 Mds LE soit +4 Mds LE) mais surtout celle des contributions aux fonds de pension (+31,4% à 69 Mds LE soit 16,5 Mds LE). En effet, le gouvernement entend renforcer les mesures de protection sociale et ce, entre autres, via des allégements fiscaux, une augmentation des allocations mensuelles pour les bénéficiaires des programmes Takaful et Karama et une hausse des pensions de sécurité sociale. La part des dépenses au titre des subventions resterait à 1,1% du PIB en 2018/19.

Par conséquent, les dépenses récurrentes devraient occuper 89,6% du budget. L’espace restant sera principalement occupé (10,4%) par l’investissement public (+33,4% à 148,5 Mds LE soit +37,2 Mds LE) qui atteindrait ainsi 2,8% du PIB. Près de 67% de ces investissements seront dirigés vers le secteur de la construction et du bâtiment (+26% à 99,7 Mds LE), contre 17% consacrés à l’achat de machines et de véhicules pour le transport (+20,8% à 26,1 Mds LE).

Finalement, le déficit total devrait être réduit suite à la mise en place du programme d’introduction en bourse qui concernerait 23 entreprises publiques et dont le produit est estimé pour l’exercice 2018/19 à 10 Mds LE. Le besoin de financement, somme du déficit budgétaire (438,6 Mds LE contre 421 en 2017/18) et des dépenses liées au remboursement du principal de la dette (276 Mds LE contre 265,2 en 2017/18), s’élèverait donc à 714,6 Mds LE en 2018/19 (≈40 Mds $). Environ le tiers devrait être couvert par des sources de financement externes via le FMI et l’émission d’eurobonds (l’Egypte prévoirait d’émettre 6 à 7 mds $). Le reste des besoins (71,5%) devrait être couvert par l’intermédiaire d’émissions de bons du Trésor.

Ce budget est conforme aux prévisions du FMI qui vient de revoir ses perspectives à l’issue de la 3ème revue effectuée en mai 2018 et qui a débouché sur le décaissement de la 4ème tranche de 2 Mds$ il y a quelques jours. Le FMI table sur une croissance du PIB de 5,5%, un ratio de dette publique de 86,2% du PIB. La part des recettes et des dépenses au PIB sont respectivement de 18,6 et 26,7% (contre 18,8 et 27,1% du PIB pour les autorités égyptiennes) pour un déficit public équivalent à 8,1% du PIB et un excédent primaire de 2%.

A noter toutefois que ce budget a été construit sur plusieurs hypothèses, notamment celle d’une légère appréciation de la livre égyptienne par rapport au dollar (17,6 LE/$ contre 17,7 actuellement) mais surtout sur un baril de Brent équivalent à 67$ (alors qu’il fluctue autour de 75$ actuellement) faisant peser un risque sur la bonne exécution budgétaire.