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Les annexes sont téléchargeables ci-dessous.

Le Japon a récemment fait du développement de l’IA une autre de ses priorités pour répondre aux enjeux économiques et sociétaux que sont la compétitivité industrielle, le déclin démographique, le vieillissement de la population…. L’IA est en effet considérée par le gouvernement japonais comme l’un des trois piliers, avec l’IoT et les Big Data, du développement des TICs et de la société 5.0. Le Japon mène, en parallèle, des réflexions sur les enjeux liés à l’IA. Il est ainsi à l’origine des « AI R&D Principles » présentés lors du G7 TIC en 2016 et repris par l’OCDE.

1. L’IA, une priorité gouvernementale pour le Japon, soutenue par une implication importante des entreprises et des universités

Devenu l’une des priorités du gouvernement, le marché japonais de l’IA devrait passer, selon une étude du Ernst&Young Institute, de 3 700 Mds JPY (27,9 Mds EUR) en 2015 à 87 000 Mds JPY (655 Mds EUR) en 2030 (Annexe 1). Le contexte économique et culturel au Japon s’y prête. En effet, culturellement, les japonais sont plutôt bienveillants vis-à-vis des nouvelles technologies y compris de l’IA[1], alors que pour le public occidental, la méfiance prédomine encore[2]. En outre, le Japon étant dans une situation de plein emploi, les craintes s’agissant d’éventuelles pertes d’emplois sont moindre. De leur côté, les entreprises japonaises semblent prêtes à intégrer l’IA dans leur activités : selon un récent sondage, sur 121 entreprises interrogées, 47% ont déjà intégré ou prévoient d’intégrer des systèmes d’IA[3] (Annexe 5).

1.1. En mai 2017, a ainsi été publiée un feuille de route interministérielle sur l’IA intitulée « Artificial Intelligence Technology Strategy » (Annexe 2) et portée par le Strategic Council for AI Technology[4]. Cette feuille de route s’inscrit dans le 5ème Plan Cadre sur la Science et la Technologie dont l’objectif est de mettre en place une société 5.0, autour des technologies de Big Data, IoT et IA, et ce afin de répondre aux enjeux économiques et sociétaux auxquels fait face le pays. L'intégration des technologies IA et des autres technologies industrielles, la coopération entre les différentes industries et la libre circulation des données sont au cœur de la stratégie gouvernementale sur l’IA dont les secteurs prioritaires sont : la mobilité, la productivité et la santé (Annexe 6).

77 Mds JPY (585,6 M EUR) devraient être alloués au développement de l’IA durant l’année comptable 2018, soit une augmentation de 30% par rapport à l’année précédente[5]. Cette enveloppe sera notamment consacrée au financement de projets de R&D dans les secteurs prioritaires (Annexe 3) ou collaboratifs (industrie-académie-gouvernement), à la formation d’ingénieurs (selon le METI, il manquerait près de 15 000 ingénieurs aujourd’hui, chiffre qui pourrait atteindre 48 000 d’ici 2020 – Annexe 4), au développement de technologies de captation et stockage des données et à l’appui aux start-up (initiative J-Startup du METI lancée en avril 2018[6]). Cette enveloppe reste néanmoins inférieure aux montants consacrés par les Etats-Unis ou la Chine au développement de l’IA qui s’élèvent respectivement à 500 Mds JPY et 450 Mds de JPY.

1.2. Parallèlement, les grands groupes japonais ont augmenté de manière substantielle leurs investissements dans l’IA, en particulier dans le secteur des services, en vue des Jeux olympiques de 2020, mais également dans le secteur manufacturier, le secteur médical ou le secteur des transports[7]. Le secteur privé, porteur de la R&D au Japon, investit ainsi environ 600 Mds JPY (4,6 Mds EUR) par an dans l’IA. Plusieurs grands groupes se démarquent, en particulier, de par l’ampleur des moyens consacrés à la recherche en IA. On peut citer notamment Softbank, Toyota ou Nissan. Mais plusieurs autres grands noms, dont Fujitsu, Toshiba, Hitachi, Panasonic, Sony, Mistubishi Electric et Sharp, ont annoncé en 2016 leur intention d’investir jusqu’à 300 milliards de yens sur trois ans dans la R&D liée à l’IA.

1.3. Par ailleurs, les politiques gouvernementales tendent, depuis peu, d’encourager le développement de l’écosystème des start-up (cf. Initiative J-Startup…). En outre, la majorité des grands groupes ont créé des fonds d’investissements à destination des start-up[8]. Par suite, on constate une émergence de start-up japonaises spécialisées dans l’IA ou utilisant des technologies d’IA. 141 d’entre elles sont ainsi enregistrées sur la plateforme d’open innovation creww. On peut citer, par exemple, Preferred Networks[9], spécialisée dans le deep learning, ou Alpaca qui propose des services en ligne et des applications utilisant des technologies d’IA.

1.4 Enfin, il faut souligner que depuis quelques années, les Universités, en particulier les universités de Tokyo, de Nagoya et de Tsukuba, mettent en place des centres dédiés à la recherche et à la formation en IA.

 

2. Enjeux éthiques liés à l’IA : le Japon s’est engagé dans l’élaboration de guidelines qu’il porte dans les instances internationales

2.1. Des réflexions sur l’éthique et l’impact de l’IA sur la société ont été engagées au sein du gouvernement et de l’association JSAI (Japanese Society for Artificial Intelligence). En avril 2016, un « Comité de délibération sur l’IA et la société humaine »[10] a été créé au sein du Cabinet Office. Ce comité est chargé d’étudier les enjeux liés à l’IA d’un point de vue éthique, juridique, économique, social et R&D, à partir de cas d’application précis : véhicule autonome, automatisation des usines de production, communication homme/machine. Ses réflexions sont axées sur trois thèmes principaux : la coévolution de la société et de la technologie, la recherche d’un équilibre entre les bénéfices et les risques liés à l’IA, la définition des limites de la prise de décision automatisée.[11] La JSAI, association regroupant chercheurs et entreprises a, également, publié des lignes directrices à l’attention de ses membres. Ces guidelines portent sur les sujets suivants : « contribution à l’humanité »[12], respect des législations et réglementations, respect de la vie privée, équité, sécurité, intégrité, responsabilité sociale et communication avec la société[13].

2.2. Dans les instances internationales, le Japon entend insuffler la softlaw en la matière. Lors de la réunion ministérielle du G7 dédiée aux Sciences et technologies de l’information et de la communication qui s’est tenue à Takamatsu en avril 2016, le Japon a présenté une feuille de route (« AI R&D Guideline » Annexe 7) fixant les huit principes qui devraient être respectés dans le cadre de la recherche sur l’intelligence artificielle : Transparence, Assistance à l’utilisateur, Contrôlabilité, Sécurité, Sûreté, Vie Privée, Ethique, Responsabilité. Le Japon a également présenté ces principes à l’OCDE qui a accepté d’en discuter au sein des comités d’experts.

3. Stratégies japonaise et française sur l’IA : complémentarités et opportunités de coopérations

3.1. La santé et la mobilité : des priorités communes au Japon et à la France. La France et le Japon partagent des préoccupations communes auxquelles l’IA pourrait apporter une solution : vieillissement de la population[14], déficit de la sécurité sociale, manque de moyens dans certains secteurs (maisons de retraites, etc..), volonté de diminuer le nombre d’accident et d’optimiser les déplacements pour réduire la consommation en énergie, etc… Et les deux pays prévoient d’apporter des réponses similaires à ces enjeux, tel que le partage des données pour assurer une optimisation des soins et une diminution des coûts (par exemple le dossier médical partagé en France) ou encore le développement du véhicule autonome et des nouveaux moyens de mobilités (nouvelle loi française d’orientation sur les mobilités, feuille de route japonaise sur les ITS)... Les stratégies française et japonaise convergent également sur l’utilisation de l’IA pour améliorer la productivité, la prise en compte des questions environnementales et la formation d’experts.

3.2. Les échanges entre entreprises/chercheurs français et japonais pourront répondre aux besoins des deux pays : formation (échanges chercheurs/étudiants…), développement de nouvelles technologies (projets de R&D conjoints), changements organisationnels des entreprises (discussions sur l’intégration de l’IA au sein des entreprises), réflexions sur l’éthique et la réglementation (mise en commun des visions françaises et japonaises). D’ores et déjà, la France cherche à renforcer les échanges entre chercheurs et entreprises à travers un symposium annuel organisé par le service scientifique de l’Ambassade de France au Japon. Cette année, Business France prévoit également une mission d’entreprise focalisée sur l’IA, la réalité virtuelle et la réalité augmentée. Ce type d’actions sera amené à se renforcer.


[1] Selon un sondage mené en 2017 par le RIETI, auprès des japonais, 50,1% des sondés pensent que l’IA aura un effet positif ou très positif sur la vie quotidienne

[2] L’Intelligence Artificielle au Japon, État de l’art de la recherche, Emma-Louise SCAPPATICCI, Chargée de mission, Numérique et Technologies Vertes

[4]Instance placée sous la tutelle du Cabinet Office qui coordonne les centres de recherche des trois ministères désignés comme pivots de la stratégie sur l’IA : le MIC, le MEXT et le METI

[7] A titre d’exemple, l’ensemble des constructeurs automobiles investissent dans le développement du véhicule connecté et autonome, Toyota et Nissan commercialisant déjà des véhicules équipés de technologies ADAS (Advanced driver-assistance systems). Hitachi a par ailleurs développé la technologie d’Intelligence Artificielle « H » qui analyse les données d’une entreprise relatives au management, aux opérations, à la distribution des produits, etc… et permet de définir une stratégie de développement optimale en accord avec les objectifs de cette entreprise. Fujitsu développe également un système de monitoring électronique de l’état de santé connecté aux organismes médicaux régionaux et ce afin d’améliorer leur action.

[8] Par exemple, Softbank a lancé son Softbank Vision Fund d’environ 92 Mds USD en 2017.

[9] Le journal Nikkei l’identifiait en novembre 2017 comme étant ma start-up japonaise la plus prometteuse avec une valeur estimée à 232,6 Mds JPY

[10] Report on Artificial Intelligence and Human Society, Advisory Board on Artificial Intelligence and Human Society, March 24th 2017

[11]Etat des lieux sur l’intelligence artificielle au Japon, Rapport 2017,  Service pour la Science et la Technologie, Ambassade de France au Japon

[12] La JSAI définie la contribution à l’humanité comme une contribution à la paix, la sécurité, le bien-être et l’intérêt général de l’humanité, tout en respectant les droits de l’homme et la diversité culturelle.

[13] The Japanese Society for Artificial Intelligence Ethical Guidelines, JSAI, Mai 2017

[14] Avec des prévisions de 40% de séniors en 2030, le Japon est le pays avec la société la plus vieillissante au monde