Etendu sur plus de 5500 kilomètres, le réseau ferroviaire égyptien est le troisième plus vaste du Moyen-Orient (derrière l’Iran et la Turquie). Emprunté par près de 500 millions de passagers chaque année, ce réseau très sollicité qui selon le ministre des Transports « n’a pas été développé depuis 60 ans » est régulièrement l’objet de critiques sur la vétusté et les carences de maintenance des infrastructures qui provoqueraient environ un millier d’accidents ferroviaires chaque année. Afin de moderniser et étendre le réseau, le gouvernement a choisi de se tourner vers le secteur privé, qui doit apporter l’expertise et les financements nécessaires. C’est le sens de la réforme du secteur ferroviaire, adoptée le 2 avril 2018, qui met fin au monopole de l’Egyptian National Railways Authority (ENR) pour l’opération de lignes ferroviaires.

En application de la demande présidentielle de mars 2018 d’un plan d’investissement massif de modernisation, le ministre des Transports a lancé un programme 2018-2022 à 55 Mds EGP (2,6 Mds EUR) de maintenance des infrastructures, installation de système de signalisation et communications ainsi que rénovation et acquisition de matériel roulant. La modernisation du réseau est cependant engagée depuis 2015 avec le lancement avec différents projets d’équipements en systèmes de signalisation automatisés des principaux tronçons : – Alexandrie - Le Caire ; East port Saïd – Banha ; Le Caire – Nag Hammadi (actuellement, seuls 15% des systèmes de signalisation sont automatisés). De même, pour compenser le déficit de locomotives (816 pour l’ensemble du réseau, dont les ¾ ont plus de trente ans), l’ENR a signé avec General Motors en juin 2017 un contrat de fourniture de 100 locomotives diesel – fret et passagers – et de maintenance de 81 locomotives pour un montant de 575 M USD. Les autorités sont également en négociation pour un nouveau contrat de fourniture de 1300 nouveaux wagons (frets et passagers) à partir de 2018.

Si la construction de lignes régionales dans le delta est bien programmée par les autorités, ces dernières semblent axer le développement futur du ferroviaire sur les lignes mixtes fret et grande vitesse. Le projet le plus emblématique est la LGV mer Rouge – mer Méditerranée (250 km/h – 534 km), dont l’appel à déclaration d’intérêt a été lancé fin décembre 2017. Il prévoit de relier Ain Sokhna (sur la Mer Rouge 60 km au sud de Suez) à New El Alamein (population cible : 1,7 M d’habitants d’ici 2030) sur la côte méditerranéenne via la Nouvelle capitale Administrative (population cible 7 M d’habitants d’ici 2035), la ville du 6 octobre (Ouest du Caire) et Alexandrie. Le Ministère des Transports étudie également la possibilité de développer quatre autres tronçons de ligne à grande vitesse : Le Caire-Louxor (700 km), Louxor-Hurghada (300 km), Louxor-Assouan (200 km) et enfin Aïn-Soukhna - Hurghada (350 km). L’objectif est de relier les centres urbains, d’activités et touristiques en offrant une alternative au trafic aérien. La recherche d’investisseurs est le principal enjeu de ces projets que les autorités conçoivent comme reposant essentiellement sur le secteur privé (investissement, construction, exploitation et maintenance) mais dont le coût total avoisinerait les 20 à 25 Mds EUR.

Afin de fluidifier le trafic de marchandises et désengorger rapidement les ports égyptiens, les autorités souhaitent que la plupart de ces lignes à grande vitesse servent également au transport de fret. Le fret ferroviaire assurait en 2017 moins de 1% du transport de fret en Egypte (contre 6% dans les années 1980) avec un peu plus de 5 millions de tonnes convoyées chaque année. L’objectif fixé en 2014 dans la stratégie Transports du gouvernement est ainsi de passer à 25 M de tonnes de fret transportées par voie ferroviaire d’ici 2022 grâce à une interconnexion des principaux centres logistiques: zones industrielles, ports maritimes et ports secs. Le projet soutenu par la BERD, en partenariat avec des investisseurs privés, de port sec du 6 octobre, à 30 km à l’ouest du Caire, est au cœur de cette stratégie et doit atteindre une capacité de traitement de 65.000 EVP (équivalent vingt pieds) par an (65.000 à 130.000 conteneurs dès 2022-23, connectant ainsi le Port d’Alexandrie au grand Caire, et dans un second temps aux zones industrielles du Canal de Suez et de Haute-Egypte.

La volonté des autorités d’impliquer massivement le secteur privé dans les futurs projets ferroviaires s’explique en grande partie par la situation financière des chemins de fer égyptiens qui ne permet ni la maintenance nécessaire, ni les investissements projetés. En effet, la dette de l’ENR s’élève début 2018 à 40 Mds EGP, soit près de 2 Mds EUR. Les dépenses de la société s’élevaient à 8,5 Mds EGP (410 M EUR) pour l’année fiscale 2016-2017 tandis que les revenus des ventes de billets étaient dans le même temps de 2,2 mds EGP (90 M EUR) et du transport de fret de 300 M EGP (15 M EUR). Le prix des billets, maintenu à un niveau extrêmement faible (Entre 20 cts EUR et 1 EUR pour 100 km en moyenne selon les catégories de trains) et les nombreuses exemptions de catégories de population (seuls 250 M de clients paieraient effectivement leur billet sur les 500 millions d’usagers annuels) sont les principales sources du déficit structurel de l’ENR. Face à cette situation, le ministre des Transports favorise le développement des revenus publicitaires issus de l’utilisation d’espaces des infrastructures ferroviaires (un premier contrat de 62 M EUR a été signé en décembre 2017) et s’est exprimé à plusieurs reprises en faveur d’une augmentation du prix du billet de 15 à 150% selon les catégories de trains.