Le secteur du gaz en Egypte : production et consommation
La production gazière s’est fortement contractée depuis la révolution de 2011 et le pays est passé d’exportateur à importateur net. La mise en exploitation récente de nouveaux sites (les champs de Nooros, Zohr et Atoll et le site de West Nile Delta) devrait cependant permettre au pays d’atteindre à nouveau l’autosuffisance gazière en 2019. Cette embellie du secteur gazier restera cependant provisoire si l’Egypte ne fait pas de nouvelles découvertes et n’accentue pas la diversification de son mix énergétique.
L’Egypte dispose d’importantes réserves en gaz naturel, les 18èmes mondiales et les 3èmes en Afrique, derrière le Nigéria et l’Algérie. Les réserves prouvées s’élevaient fin 2016 à 1840 Mds m3 (en dehors du champ de Zohr), soit plus d’une trentaine d’années de production au rythme actuel. La production de gaz était en 2011 de 61,4 Mds m3 (14ème producteur mondial et 2ème producteur africain) mais la situation politique intérieure et les nombreux arriérés de paiements aux compagnies étrangères ont retardé les investissements nécessaires au maintien et à la croissance de l’infrastructure de production. Celle-ci a donc chuté d’un tiers entre 2011 et 2016, année où elle a atteint son point le plus bas avec 41,8 Mds m3. Cette chute est également le résultat de la diminution des capacités de production des anciens champs gaziers : entre 15 et 25% selon les champs entre 2011 et 2016.
en Mds de m3 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
production |
54,7 |
55,7 |
59 |
62,7 |
61,3 |
61,4 |
60,9 |
56,1 |
48,8 |
44,3 |
41,8 |
consommation |
36,5 |
38,4 |
40,8 |
42,5 |
45,1 |
49,6 |
52,6 |
51,4 |
48 |
47,8 |
51,3 |
balance des échanges |
16,6 |
16,6 |
17,6 |
18,3 |
13 |
8,6 |
6,2 |
6,3 |
6,5 |
-3,1 |
-8,2 |
Chiffres de la production et de la consommation de gaz depuis 2006 (Global Energy Statistical Yearbook 2017)
L’exploitation du champ de Nooros (Eni 75%, BP 25%), au nord d’Alexandrie, a débuté en 2015 et dispose de réserves estimées à 80 Mds m3. La production de ce champ a atteint son plateau dès 2017 avec 11 Mds m3. Si Nooros a permis en partie de faire face à la diminution de la production des anciens champs, sa production devrait cependant rapidement décliner après 2019 et passer sous la barre des 3 Mds m3 par an dès 2021.
L’exploitation du site de West Nile Delta par BP et DEA (82,75% et 17,25%) a débuté en avril 2017 sur les champs de Taurus et Libra. Le lancement de la phase 2 avec l’exploitation de trois autres champs, Giza, Fayoum et Raven est prévu en 2019. Les réserves de ces cinq champs sont estimées à 141 Mds m3, la production actuelle est de 7,2 Mds m3 par an et doit atteindre son plateau en 2020 avec 15,1 Mds m3. La production devrait ensuite progressivement diminuer après 2025.
Le champ de Zohr - Eni (50%), Rosneft (30%), BP (10%) et Mubadala (10%) - découvert en 2015 par ENI, est le plus grand champ gazier de méditerranée avec des réserves estimées entre 100 et 850 Mds m3. Son exploitation a débuté en décembre 2017 à un niveau de 3,6 Mds m3 en équivalent annuel et devrait atteindre progressivement son plateau de 29 Mds m3 par an à partir de fin 2019 puis rester stable jusqu’en 2040 .
La phase 1 de l’exploitation du gisement d’Atoll, découvert par BP en 2015 (qui détient également 100% de la concession), et dont les réserves sont estimées à 85 Mds m3, a débuté en février 2018 avec un niveau de production annuelle qui devrait atteindre 3,6 Mds m3 dès 2018. BP prévoit un doublement de la production d’Atoll avec le lancement de la phase 2 en 2020.
Au total, en tenant compte de la poursuite du déclin des champs anciens, la production de gaz annuelle en Egypte devrait atteindre 62 Mds m3 en 2018 et 72 à 75 Mds m3 de 2020 à 2025. Avec l’épuisement progressif de la plupart des champs en dehors de Zohr, les surplus de production par rapport à la consommation intérieure ne devraient pas se poursuivre après 2025 en l’absence de nouvelles découvertes majeures. De nombreux projets d’exploration sont ainsi en cours ou doivent être lancés prochainement : EGAS doit publier en juin 2018 des appels d’offres pour l’exploration de six concessions offshores et trois concessions onshore et le Ministère du pétrole a signé un accord avec Schlumberger en février 2018 pour mener des observations sismiques préliminaires dans le Golfe de Suez.
La consommation de gaz en Egypte était en 2016 de 51,3 Mds m3 (2017 se situerait entre 55 et 57 Mds m3), répartis entre la production d’électricité (67%), l’Industrie (30%) et les ménages (3%). La part de la consommation industrielle devrait diminuer dans le cadre de la stratégie Integrated and Sustainable Energy 2035 (objectif de réduction de la croissance de la consommation d’énergie de 18% dans l’Industrie entre 2016 et 2035) adoptée dans le cadre des recommandations du FMI sur l’efficacité énergétique. La part destinée à la production d’électricité devrait en revanche fortement croitre avec l’augmentation prévue de la production d’électricité à 60 GW en 2022 contre 35 GW en 2016, notamment grâce à la mise en route progressive à partir de mi-2018 des trois centrales à gaz à cycle combiné Siemens. De même, la consommation des ménages devrait augmenter de 15% dès 2018 avec le raccordement prévu d’1,35 M de ménages supplémentaires au réseau (8,3 M de ménages actuellement). A moyen terme, la consommation globale de gaz naturel en Egypte devrait continuer à croître sur un rythme de 5 à 7% par an.
La rationalisation du mix énergétique et de la gestion des réseaux peut également permettre d’accroitre l’autosuffisance énergétique
Aussi, la place du gaz dans le mix énergétique primaire égyptien, 53% en 2017 (pétrole 41%, énergies renouvelables 4%, charbon 2%) devrait augmenter à court terme au détriment du pétrole, dont l’Egypte cherche à diminuer les importations. L’importance accordée aux projets dans le secteur des énergies renouvelables, notamment pour l’éolien et le solaire dont le potentiel approximatif de production est estimé respectivement à 30 GW et 50 GW peut cependant permettre à moyen et long terme de réduire cette dépendance au gaz et espérer prolonger l’autosuffisance. De même, les initiatives en cours visant à optimiser le réseau de transport, répartition et distribution d’électricité peuvent permettre diminuer les pertes d’électricité injectée dans le réseau (30 à 40% en 2016) et limiter la consommation de gaz en Egypte à moyen terme.