Le secteur du gaz en Egypte : la stratégie des échanges
L’Egypte, exportatrice de gaz naturel entre 2003 et 2014 – année record en 2009 avec une balance gazière excédentaire de 18,3 mds m3 - est redevenue importatrice en 2015, à un niveau record en 2016 avec une balance gazière déficitaire de 8,2 Mds m3, soit un cinquième de la production annuelle. Les chiffres pour l’année 2017 doivent encore être consolidés mais devraient être en légère baisse avec des importations en valeur qui sont passées de 2,29 Mds USD à 2, 23 Mds USD (hors coût de regazéification – environ 700 M USD/an) dans un contexte de légère augmentation du cours du GNL entre 2016 et 2017.
Avec le lancement des nouveaux projets d’exploitation, les dernières importations sont prévues officiellement en juillet 2018. Un contrat de fourniture avec Gazprom est cependant en vigueur jusqu’en 2020, essentiellement destiné à couvrir les éventuels besoins lors des pics de consommation de juillet-août. Au total, l’objectif du ministre du Pétrole est de diminuer de 32% les importations de GNL entre les années fiscales 2016/17 et 2017/18 en passant de 118 cargos à 80.
en M USD |
2002 |
2004 |
2006 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
Exportations |
0 |
77 |
2915 |
3590 |
2172 |
1965 |
1774 |
1855 |
1273 |
130 |
42 |
159 |
178 |
Importations |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
1988 |
2299 |
2233 |
L’Egypte s’est fixé pour objectif de devenir un hub gazier régional grâce aux surplus de production et accords régionaux de fourniture et livraisons. Cette stratégie devrait permettre de remettre en fonctionnement les deux installations de liquéfaction de gaz de Damiette (opéré par SEGAS – Spanish Egyptian Gas Company) et d’Edkou (opéré par Shell). Ces deux installations, entrées respectivement en fonctionnement en 2004 et 2005, disposent de capacités de liquéfaction de 17,6 Mds m3 (10 pour Edkou et 7,6 pour Damiette) par an mais sont pratiquement à l’arrêt (totalement pour Damiette) depuis le recentrage vers la demande intérieure de 2013/14.
Un premier accord a donc été signé le 19 février 2018 pour la fourniture de 64 Mds m3 sur 10 ans en provenance des champs israéliens de Leviathan et de Tamar à partir de fin 2019. Les fournisseurs sont les sociétés Delek Drilling (israélienne) et Noble Energy Mediterranean (américaine) et le client égyptien est Dolphinus Holding. Au cours du baril actuel, le montant de l’accord est estimé à 14-15 Mds USD pour l’importation depuis Israël et à 22-23 Mds USD pour les exportations de GNL vers l’Europe qui devraient en découler. La question de l’acheminement du gaz vers l’Egypte n’a toutefois pas encore été résolue mais l’option privilégiée par Noble Energy et Delek Drilling est la remise en fonctionnement et l’inversement du flux du tronçon El Arish – Ashkelon de l’Arab Gas Pipeline, qui servait auparavant à alimenter Israël depuis l’Egypte. Cet accord devrait également permettre de mettre fin aux différentes procédures d’arbitrage en cours entre les fournisseurs égyptiens et leurs clients israéliens. De même, il permet la remise en activité du terminal de liquéfaction de Damiette et donc la fin des arbitrages en cours entre les différents actionnaires de SEGAS.
Cet accord ne couvre cependant qu’un peu plus d’un tiers des capacités annuelles de liquéfaction de l’Egypte qui doit trouver d’autres fournisseurs. Shell serait ainsi en négociation avec Chypre pour un contrat de 25 Mds USD sur 10 ans pour la fourniture de plus de 100 Mds m3 de gaz naturel en provenance du champ d’Aphrodite (détenu à 35% par Shell). Le champ d’Aphrodite, situé à 40 km du champ de Zohr, est à mi-distance entre les côtes égyptiennes et chypriotes et l’importance des réserves gazières chypriotes ne semble pas justifier un coûteux investissement dans une installation de liquéfaction chypriote. Cependant, malgré les annonces de conclusion d’un accord dans les prochaines semaines par les ministres de l’Energie égyptiens et chypriote en février 2018, aucune décision n’a été prise à ce jour. Le terminal de liquéfaction d’Edkou, pratiquement à l’arrêt depuis 2013, serait le grand bénéficiaire de cet accord, conformément aux demandes répétées de Shell de relance progressive de l’activité pour un fonctionnement à pleine capacité dès 2020.
Du point de vue des débouchés de la production de GNL, les autorités égyptiennes espèrent beaucoup du Memorandum of Understanding Egypte – Union Européenne sur un partenariat stratégique énergétique 2018 – 2022, signé à l’occasion du déplacement au Caire du Commissaire européen à l’Energie, Miguel Arias Cañete, le 24 avril 2018. Cet accord se limite cependant actuellement à fixer le cadre d’une coopération technique pour la mise en place d’un hub gazier régional. Les exportations via gazoduc devraient pour leur part être principalement tournées vers le Proche-Orient avec en premier lieu la Jordanie vers laquelle la reprise des exportations a été annoncée pour début 2019 par le Ministre du pétrole égyptien. Le mode de livraison n’a pas encore été évoqué mais il pourrait également se faire via la remise en fonctionnement de l’Arab Gas Pipeline (tronçon El Arish – Taba – Aqaba).