La constitution égyptienne de 2014 prévoit l’établissement progressif d’un système d’assurance maladie publique couvrant l’intégralité de la population pour la plupart des dépenses de santé et dont le financement serait assuré par une contribution des citoyens en fonction de leurs revenus. L’article prévoit également que 3% du PIB soit consacré au budget de la Santé. Sur la base des données les plus récentes de la Banque mondiale, les dépenses de santé publique se sont élevées à 2,2% du PIB en 2014.

Créé en 1964 avec pour objectif l’établissement progressif d’une Assurance Maladie Universelle, le HIO (Healthcare Insurance Organization) s’est vu confier par lois successives la couverture des fonctionnaires, employés du privé, veuves et retraités (1975), des travailleurs indépendants (1976), des travailleurs égyptiens expatriés (1978), des travailleurs temporaires (1980), des élèves et étudiants (1993), des nouveau-nés et enfants de moins de cinq ans (1997-2012) et des agriculteurs et travailleurs agricoles (2014). Au total, près de 60 % de la population (40% des actifs) est théoriquement couverte par le HIO et a accès gratuitement aux hôpitaux publics et privés conventionnés pour un certain nombre de soins essentiels. Le financement de cette assurance est garanti par une cotisation forfaitaire moyenne équivalente à 6 $ par an et par usager et par une taxe sur le tabac.

Cette couverture minimale aux exceptions nombreuses a poussé de nombreux assurés ou groupes d’assurés à lui préférer ou lui adjoindre d’autres couvertures, notamment les employés du privé qui bénéficient généralement d’une meilleure assurance via le syndicat professionnel auquel est affiliée leur entreprise.

A ces différents régimes s’ajoutent les assurances privées (30% de la population est inscrite dans des régimes privés d'assurance-maladie) permettant d’accéder aux meilleurs hôpitaux du pays ainsi qu’à des soins à l’étranger. A l’inverse, un quart de la population (chômeurs, emplois informels) n’a accès ni au HIO, ni à aucun système d’assurance maladie de substitution.

Face aux défaillances du HIO – la Banque mondiale estime que 72% du total des dépenses de santé en Égypte provenaient des dépenses directes en 2015, contre 45% en moyenne dans la zone Afrique du Nord-Moyen-Orient – le gouvernement a décidé d’engager une réforme d’ampleur visant à atteindre les objectifs constitutionnels de 2014. Après une période de consultation auprès des professionnels du secteur, des organisations internationales et IFIs (OMS, Banque Mondiale, UNICEF), grands groupes et universités, le Parlement a adopté la loi sur l’Assurance Maladie Universelle le 18 décembre 2017 .

Inspirée du modèle universel du NHS (National Health Service) britannique, la nouvelle loi prévoit l’attribution à l’ensemble des citoyens d’une carte de santé utilisable dans tous les centres de soins accrédités par le GHASA (General Healthcare Accreditation and Supervision Authority) et donnant accès à un catalogue de soins gratuits ainsi qu’à un ensemble de soins partiellement pris en charge.

Le HIO prévoit pour l’année fiscale 2031/32, date de la mise en place complète de la loi, un budget total de 588 Mds LE. Ce budget sera financé pour moitié par des cotisations, principalement versées par les entreprises et les employés, ce qui représentera une cotisation moyenne de 4531 LE par citoyen et par an dès 2032. A noter que pour les égyptiens travaillant à l’étranger, la cotisation au système d’assurance universelle reste optionnelle.

De nouvelles taxations à hauteur de 51 Mds LE (3 Mds$) par an sont également à prévoir. A ce jour, figure dans la loi des taxes sur le tabac, des droits de licence du secteur de la santé ou encore une taxe lors de l’émission ou le renouvellement du permis de conduire. L’Etat égyptien s’est engagé à couvrir les frais pour les nécessiteux (soit environ 30% de la population), pour un total de 125 Mds LE (7,4 Mds$). D’autres revenus sont encore à déterminer et représentent une part non négligeable de 109 Mds LE (19% du budget total).

Actuellement, en vertu de la loi n°79/1975 toujours en vigueur, la contribution des citoyens à l'assurance maladie représente 4% de leur salaire mensuel - dont 3% couvert par l’employeur et 1% par le salarié. Selon le nouveau projet de loi, la contribution des citoyens représentera 5% de leurs salaires mensuels, 4% étant pris en charge par l’employeur et 1% par les employés. Pour les salaires les plus élevés (propriétaire d’entreprise, travailleur expatrié) la part individuelle est de 5%. Les veufs et les bénéficiaires de prestations de retraite en cours devront eux s’acquitter de 2% de la pension mensuelle.

La nouvelle loi consacre par ailleurs le principe de cotisation par foyer en plaçant le chef de famille au centre du système d’assurance. Ce principe permet d’inclure dans le système d’assurance des profils jusqu’ici largement exclus (femmes au foyer, emplois informels, chômeurs, etc.) Le chef de famille doit ainsi verser en complément de sa cotisation 3% de son salaire pour assurer une couverture d'assurance maladie pour un conjoint qui ne travaille pas et 1% par enfant résidant au foyer (hormis dans le cas des veuves bénéficiaires de la retraite du mari décédé). De même, la cotisation étant associée à l’emploi, une situation d’emploi multiple implique une cotisation multiple pour l’assuré.

La nouvelle loi prévoit la création de trois entités distinctes : le HIO - qui serait rebaptisé Universal Health Insurance Organization (USHIO) - sera mandaté pour acheter des services de santé en utilisant l'argent des cotisations. Les points de service de santé relevant de la compétence du HIO seront confiés à un nouvel organisme, l'Organisation générale des soins de santé (GHO). Il fournirait des services de santé aux groupes assurés selon les normes de qualité établies par une entité tierce, le GHASA.

La loi promulguée par le Président Al Sissi confirme le calendrier de mise en place de la loi en six phases distinctes. La première - de 2018 à 2020 – devrait débuter en juillet prochain et concernera cinq gouvernorats : Port Saïd, Ismaïlia, Suez, Nord et Sud Sinaï. Le budget de l’assurance maladie universelle augmentera progressivement pour atteindre en 2032, lors de la première année couvrant l’ensemble de la population, 600 Mds LE. A noter, que la dernière phase concernera Le Grand Caire, premier foyer de la population égyptienne.