La conférence de Buenos-Aires est un échec : aucun résultat concret n’y a été atteint. Seulement des engagements à poursuivre le travail sur la pêche, l’agriculture, le commerce électronique. Pas non plus de déclaration politique, essentiellement du fait d’un refus américain de réendosser les formules, qui étaient devenues presque rituelles, sur le rôle du système multilatéral, sa contribution à la croissance économique mondiale et à la cause du développement. Les Etats-Unis pensent que l’OMC doit abandonner le programme de développement de Doha, se réformer pour retrouver une efficacité, se mettre à jour pour refléter la réalité de la diversification des pays en développement et prendre en compte la spécificité de l’économie chinoise. Les pays en développement revendiquent au contraire la conservation des cadres actuels et la réalisation effective des engagements pris en leur faveur dans l’enceinte de l’OMC. Il n’existe donc plus, à cette heure, de vision politique partagée sur la raison d’être de l’organisation. Une grande déception en a été manifestée par tous les membres.

 La rencontre de Buenos-Aires a-t-elle néanmoins pu poser des jalons qui permettraient à l’organisation de se réformer et rebondir? On veut en identifier trois.

 Buenos-Aires a représenté un véritable moment d’échange politique, celui d’une confrontation sans fard de visions divergentes de l’avenir de l’OMC. Les Etats-Unis, pourtant implacables dans leur détermination à refuser tout compromis, n’en ont pas moins réaffirmé la considération qu’ils gardaient pour l’institution. Avec le Japon et l’Union Européenne, ils se sont engagés à y travailler sur la question des subventions entrainant des surcapacités de production. Un forum de dialogue entre ministres, engagé de manière inédite par la présidence argentine, a révélé le besoin d’un espace d’échange politique direct sur des questions fondamentales, trop souvent stérilisé par les répétitions pavloviennes de postures diplomatiques convenues. Plusieurs membres ont appelé à une forme de poursuite du dialogue politique ainsi engagé, en parallèle de la reprise des travaux techniques à Genève.

 La conférence a aussi confirmé qu’une grande majorité de membres de l’OMC souhaitait mettre à jour l’activité, pour suivre les évolutions structurantes de l’économie mondiale, en embrassant les thèmes de la facilitation de l’investissement, du commerce électronique, de la promotion des PME, voire, de la mobilisation du commerce au service de l’égalité des genres, sujets ayant fait l’objet de déclarations souscrites par de nombreux groupes. Cette dynamique entrainera vraisemblablement une diversification des discussions, suivant des rythmes propres à chaque membre : une OMC à plusieurs vitesses et géographies d’engagement (accords plurilatéraux, groupes de travail visant l’échange de meilleures pratiques) pourrait ainsi naitre de l’impossibilité d’atteindre un consensus à 164 pays.

Enfin, l’enjeu central pour le futur de l’organisation sera sans doute sa capacité à orienter davantage son activité vers la réalisation de l’objectif du développement durable, que depuis les accords de Marrakech lui assignent ses statuts. De ce point de vue, le revers subi par l’absence d’accord temporaire sur l’élimination des subventions à la pêche illégale et à la surpêche (requis de l’organisation à échéance de 2020 par les décisions adoptées en 2015 à l’ONU) a été très décevant. Encore faut-il reconnaitre que l’absence d’accord a été largement motivée par le refus de ses promoteurs d’en accepter un compromis aux ambitions trop faibles : plutôt pas d’accord qu’un mauvais accord. La négociation reprendra dès 2018. Prometteur aussi, apparait le débat engagé par la Finlande, la Suède et la Nouvelle-Zélande, avec le soutien de la France, sur l’élimination des subventions aux énergies fossiles.

 Sans s’attarder à l’autopsie d’un échec, dont depuis le temps du GATT l’organisation s’est déjà relevée plus d’une fois, il est à souhaiter que ces trois dynamiques détectées à Buenos-Aires contribuent rapidement à tourner l’organisation vers l’avenir.