Dans le contexte culturel birman, la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) peine à se démarquer de la philanthropie. L’arrivée importante depuis 2011 d’investisseurs étrangers soumis aux standards internationaux, mais aussi à un cadre réglementaire local incitatif, favorise toutefois le développement d’une RSE à plusieurs vitesses. Les importants programmes de RSE engagés par plusieurs entreprises françaises, dont Total et Accor, permettent à la France de jouir d’une bonne réputation dans ce domaine.

I) Développement d’une RSE à plusieurs vitesses en Birmanie 

  • Pratique de la RSE donation par les conglomérats birmans et dérives

La RSE en Birmanie reste encore très souvent appréhendée sous l’angle de la philanthropie, héritage de la tradition bouddhiste du pays. En 2016, la Birmanie était classée pour la troisième année consécutive pays le plus généreux au monde par le Charities Aid Foundation World Giving Index (sur 144 pays), en raison notamment de la très forte pratique de la donation (91% de la population). La vision tendant à associer RSE à donation constitue ainsi la clef de lecture qu’adopte la majorité des grands conglomérats birmans.

 Dans un pays où la perception de la corruption est encore élevée (133e sur 140 selon le Global Competitiveness Report 2016), le Myanmar Center for Responsible Business (« MCRB ») met en garde contre les dérives de la RSE donation. Les insuffisances budgétaires dans les secteurs de la santé et de l’éducation (respectivement 5 et 8% des dépenses publiques en 2017/18) favorisent la mise en place de services publics sous forme de dons (construction d’hôpitaux, d’écoles), une solution insoutenable sur le long terme. En outre, selon le MCRB, certaines entreprises s’exemptent du paiement de leurs impôts sous prétexte qu’elles consentent à des dons, profitant de la faible capacité de recouvrement de l’administration fiscale.

 

  •   Besoin de sécuriser l’acceptabilité des opérations pour les entreprises étrangères

Les entreprises étrangères en Birmanie pratiquent la RSE dite « 1.0 » qui consiste à sécuriser l’acceptabilité de leurs opérations et à gérer leur image auprès des communautés. Le programme lancé par TOTAL dès 1995, initialement destiné aux populations dans la zone du gazoduc qu’il opère à Yadana, représente encore aujourd’hui plus de la moitié de son activité RSE (52%).

 

II) Le cadre règlementaire « flou » de la RSE en Birmanie pour les entreprises étrangères

Il n’existe pas de cadre règlementaire pour la RSE en Birmanie. La Myanmar Investment Commission (« MIC ») a donc développé une coutume incitant les investisseurs étrangers à allouer de 1 à 5% de leur chiffre d’affaire à la RSE, même pour des projets à faible impact social (explorations offshore par exemple). La plupart des acteurs occidentaux, dont l’EuroCham, décrient ce quasi impôt contraire à l’esprit volontariste de la RSE. On devine la volonté du gouvernement de sécuriser des retombées à court terme pour le développement du pays et de jouer la transparence là où les investissements controversés cristallisaient la contestation d’une puissante société civile pendant la junte (barrage de Myitsone). La nouvelle Myanmar Investment Law de 2016 et ses décrets d’application requièrent désormais un certain niveau de responsabilité de la part des investisseurs.

 

III) Les promoteurs de la RSE en Birmanie

Les initiatives de RSE prises à ce jour sont le fait d’un nombre encore limité d’entreprises privées étrangères et birmanes, d’associations (MCRB) et de quelques Chambres de commerce. La Chambre française envisage la mise en place de groupes sectoriels dont un « jeunes entrepreneurs » au soutien de la création d’entreprises innovantes.

Plusieurs groupes de discussions se sont constitués pour faire évoluer la notion de RSE, notamment le CSR Advocacy group sous l’égide de l’EuroCham et le Responsible Investment Working Group sous la présidence conjointe de l’Australian-Myanmar Chamber of Commerce et du MCRB. Les publications qui ont suivies, respectivement « White Book 2017, Trade & Investment Policy Recommendations » et « Incentivising Shared Value », militent en faveur d’une RSE « 2.0 », également dénommée Create Shared Value (« CSV »), intégrée aux activités de l’entreprise (logistique, ressources humaines etc.). La Chambre Européenne envisage dès 2018 d'encourager le partage de bonnes pratiques par des actions concrètes, les entreprises européennes se considérant comme des catalyseurs pouvant favoriser une inflexion positive dans la pratique de la RSE en Birmanie.

 

IV) Les entreprises françaises en Birmanie, des investisseurs responsables

La RSE pratiquée par les entreprises françaises bénéficie d’une image positive auprès des birmans en partie grâce aux activités de TOTAL, acteur local historique et influent. Le lancement de son très important programme RSE dès 1995 témoigne de son expérience et assure une bonne visibilité de ses actions essentiellement concentrées dans les domaines de l’éducation, de la santé, du développement de l’emploi local, de la microfinance et de l’accès à l’énergie, constituant une vitrine du savoir-faire français. Par ailleurs, le soutien de TOTAL à certaines initiatives de progrès telle la candidature du pays à l’Extractive Industries Transparency Initiative et sa souscription à des normes internationales comme les Voluntary Principles on Security and Human Rights renforcent encore d’avantage sa qualité d’investisseur responsable et, par association, celle des entreprises françaises. La qualité d’investisseur responsable dont jouissent les groupes français et que valorise l'Ambassade auprès des autorités constitue un argument commercial dans la négociation de leurs contrats.

Récemment, les activités RSE des acteurs français s’orientent dans la formation professionnelle et le développement des ressources humaines en réponse à un besoin pour une main d’œuvre qualifiée. TOTAL a établi un centre de formation de soudure pour le renforcement technique du secteur gazier ainsi qu’un partenariat entre l’Université de Lorraine et l’Université de technologie de Rangoun pour améliorer la qualité des cours qui y sont dispensés. SCHNEIDER ELECTRIC prévoit le lancement de plusieurs centres d’excellence pour former des électriciens qualifiés en milieu rural. L’activité de la Chambre de Commerce France Myanmar se concentre aussi sur le développement des ressources humaines, le portage salarial et l’aide au recrutement en réponse à une demande croissante des entreprises françaises. Cette orientation se retrouve du côté birman avec l’ouverture d’un centre de formation pour l’hôtellerie et la restauration à Nay Pyi Taw par le groupe MAX MYANMAR en partenariat avec l’ONG française IECD.