(i) Le Premier Ministre Abe a fait le choix de promouvoir les investissements privés et le modèle du partenariat public-privé (PPP) pour revitaliser le marché japonais des investissements dans le secteur des infrastructures, réduire le déficit national et créer des opportunités d’affaires pour le secteur privé.

(ii) Au sein du gouvernement japonais, la promotion et le développement des PPP au Japon sont principalement assurés par le Cabinet Office, le MLIT et les collectivités locales.

(iii) La décision du gouvernement d’accroître le recours aux investissements privés dans le secteur des infrastructures est notamment porteuse d’opportunités pour les entreprises françaises désireuses de réaliser des projets en PPP au Japon.

1.     Les partenariats publics-privés au Japon

1.1 Conformément à la définition fixée par le METI en 2011, le partenariat public-privé est un partenariat permettant au secteur privé de participer à la fourniture de services publics, et dont le but est d’améliorer l’efficacité des services publics en utilisant les mécanismes du marché et de la concurrence, et en créant de nouveaux emplois ainsi que de nouvelles industries du service, permettant ainsi de promouvoir la croissance économique.

Les PPP japonais sont classés en 4 catégories :

  • La méthode conventionnelle du PFI sous forme de paiement différé au partenaire privé : le gouvernement effectue un paiement différé au profit d’un opérateur privé pour la construction et la gestion d’une installation publique. La charge du financement incombe au gouvernement à 100%.
  • La concession PFI : Le gouvernement va confier la gestion d’une infrastructure publique existante à un opérateur privé qui va se rémunérer sur les frais des usagers du service et payer des frais de concession au gouvernement. La construction de l’infrastructure est à la charge du gouvernement qui va récupérer les coûts engagés en collectant les frais de concession. Si les coûts de construction de l’infrastructure sont supérieurs aux frais de concession en fin de contrat, les coûts engagés pour la construction restent à la charge du gouvernement.
  • Le contrat PFI permettant de valoriser une installation publique en créant une activité commerciale : l’opérateur privé va construire et gérer des infrastructures commerciales autour ou à l’intérieur de l’installation publique et percevoir les revenus générés par les activités commerciales. Le gouvernement va percevoir les frais générés par l’utilisation de l’installation publique.
  • Le contrat PPP : le gouvernement va confier la construction et la gestion d’infrastructures publiques et privées à un opérateur privé qui va se rémunérer sur les revenus générés par les infrastructures privées, tandis que le gouvernement va collecter les frais d’utilisation de l’installation publique.

1.2 Trois avantages principaux sont attendus du développement des PPP au Japon : (i) une réduction des dépenses de l’Etat couplée à l’amélioration de la qualité des services publics dispensés aux citoyens japonais, (ii) un partage clair et précis des responsabilités entre l’autorité publique et le partenaire privé, et (iii) la création d’opportunité d’affaires pour le secteur privé comme moteur de croissance économique.

1.3 Au Japon, la révision en 2011 de la loi PFI[1], promulguée en 1999, a introduit les PPP comme étant un nouveau type de projets dans lesquels des entreprises privées gèrent et entretiennent des infrastructures existantes en se rémunérant avec les frais d’utilisation du service.  Plus précisément, le contrat de concession japonais permet à une autorité publique gérant un service public de confier à une entité privée le droit de gérer ce service. Dans ce cas de figure, le projet PPP ne peut pas dépendre seulement des paiements réalisés par l’autorité publique. Le 7 octobre 2013, un fond dédié au financement des infrastructures et subventionné par le gouvernement japonais et des entités privées[2] a été établi avec pour objectif de promouvoir les investissements à destination des projets PPP et développer le marché des financements d’infrastructures en utilisant les fonds nationaux comme capital de départ.

2.     La stratégie du Cabinet Office et le rôle du MLIT et des collectivités locales dans le déploiement des PPP au niveau national et local

2.1 Le Cabinet Office (agence transversale, rattachée au Premier Ministre) définit le cadre réglementaire et la stratégie de promotion et de développement des PPP au Japon. En 2013, le Conseil pour la Promotion des PFI, qui relève du Cabinet Office, a établi un Plan d’action en vue d’engager des réformes dans le domaine des PPP[3]. Ce plan d’action a pour objectif de promouvoir les projets PPP en vue d’assurer une gestion et/ou une rénovation plus efficaces des infrastructures[4], améliorer la qualité des services et réduire la charge fiscale du gouvernement. Dans le cadre de ce plan d’action, le budget de Cabinet Office lié au développement des PPP/PFI est environ 170 millions JPY. Ce budget sera utilisé entre autre pour la promotion des PPP/PFI auprès des collectivités locales, les études et analyses liées à la promotion du plan d’action et l’amélioration des procédures visant la formation des projets  PPP dans les secteurs des infrastructures aéroportuaires, de l’assainissement et de l’épuration des eaux, entre 2013 et 2022 . La stratégie du Cabinet Office pour booster la croissance économique définit les objectifs chiffrés suivants pour les projets PPP à réaliser d’ici 2020 : 1 projet de route, 6 projets portant sur des aéroports, 6 projets de gestion des eaux potables, 6 projets de traitement des eaux usées[5]. Le Cabinet Office a également un rôle de contrôle sur la réalisation de ces projets.

2.2 Le Ministère du Territoire, des Infrastructures, du Transport et du Tourisme (MLIT) est en charge de la promotion du modèle PFI/PPP pour le développement des projets d’infrastructures dans les domaines suivants : aéroports, logements publics, routes[6]. Les objectifs chiffrés de grands projets de concession à atteindre sur la période 2014-2016 sont atteints pour le secteur autoroutier (objectif de 1 contrat), dépassés pour le secteur aéroportuaire (7 projets sur une cible de 6), partiellement atteints pour l’assainissement (4 projets sur 6 attendus). En matière de logement public, l’objectif sur la période 2016-2018 est de 6 contrats, dont 4 sont confirmés début 2017. Le MLIT s’interroge actuellement sur la possibilité de réaliser des projets en PPP pour la rénovation et la maintenance des réseaux d’assainissement (tuyaux, pompes…etc.) en réponse au vieillissement et à la détérioration des infrastructures (les 4 contrats PPP déjà confirmés en assainissement sont sur les installations de traitement et non sur le réseau). Les projets de rénovation et gestion seront très coûteux et le MLIT veut s’informer sur la meilleure façon de rentabiliser les projets de concession dans ce domaine.

2.3 Si le Cabinet Office et les ministères sectoriels comme le MLIT ont pour rôle de concevoir et promouvoir la politique nationale de soutien aux PPP, l’initiative visant à lancer un projet en PPP vient en revanche de la collectivité locale, en tant que responsable du service public dont l’exploitation va être confiée à un tiers privé. Les collectivités jouent donc un rôle majeur dans la mise en place de la stratégie du Cabinet Office. En amont des projets, elles ont une mission de promotion du recours aux PPP qui implique la réalisation d’enquêtes visant à collecter l’opinion des citoyens. En aval, elles établissent à leur niveau les méthodes d’évaluation et de sélection des partenaires privés au moment des appels d’offre, et définissent[7] la réglementation traitant des projets à l’initiative du secteur privé[8]. La loi actuelle ne définit pas la limite des pouvoirs confiés à l’opérateur privé. Les collectivités locales ont donc exprimé des inquiétudes sur l’exécution des projets de concessions et craignent de perdre toutes leurs prérogatives sur les infrastructures publiques au profit des partenaires privés. Un autre obstacle à l’appropriation du modèle PPP par les collectivités est l’opposition des agents qui composent les services de ces collectivités : ils perçoivent le développement du PPP comme une menace pour l’emploi public.

 

3.     Les opportunités d’affaires pour le secteur privé français dans le domaine des Partenariats Public-Privé au Japon

3.1 Le secteur aéroportuaire

(i) En 2011, le MLIT a présenté un plan d’envergure visant à privatiser tous les principaux aéroports japonais d’ici 2020. Cette privatisation implique un contrat de concession à long-terme, sous forme de PPP, pour la gestion des pistes, des infrastructures et des parkings, sans inclure la gestion du contrôle du trafic aérien qui relève toujours de la compétence du gouvernement national. Le MLIT a également rédigé un Plan en 2017 présentant les grandes orientations du gouvernement en termes de projets PPP[9]. Dans le secteur des aéroports, l’objectif était fixé à 6 projets de concession entre 2014 et 2016 avec au final 7 projets réussis dans cette période.

Kansai Airports, consortium formé par Vinci Airports et Orix(ii) Après la concession des aéroports internationaux d’Osaka, gérés depuis Avril 2016 par le consortium composé des groupes Orix et Vinci Airports, des études de faisabilité sont en cours pour la privatisation des autres principaux aéroports japonais (Kobe, Takamatsu, Fukuoka, Sapporo Chitose…). Le projet le plus avancé est le projet de Kobe, pour lequel le consortium Vinci-Orix et le groupe Itochu envisagent de répondre à l’appel d’offre, pour une privatisation opérationnelle dès 2018, la privatisation de l’aéroport de Takamatsu étant prévue la même année. Les autorités municipales vont en effet organiser des enchères en 2017 afin de céder la concession de cet aéroport. Le consortium composé du groupe Shangi Airport, Mitsubishi Corp., Kyushu Electric Power et Nishi-Nippon Railroad se positionne déjà pour acquérir la concession de l’aéroport de Fukuoka, dont la privatisation est prévue en 2019. Les 7 aéroports d’Hokkaido préparent également des offres de concession pour une sélection des opérateurs prévue en mars-avril 2018. Enfin, les aéroports de Kumamoto et Hiroshima ont entamé des démarches en vue d’une privatisation sans que les dates de sélection des opérateurs et de privatisation soient connues pour le moment.

3.2  Le secteur du traitement de l’eau

(i) Les services d’assainissement et d’approvisionnement en eau sont traditionnellement gérés par les autorités municipales. Cette mission de la municipalité est confiée à une compagnie publique locale[10] qui dispose d’un budget séparé du budget général de la municipalité (modèle comparable à la «  régie à caractère industriel et commercial » en France). Plusieurs opérations ponctuelles, telles que la construction de stations de filtration ou les audits sur l’état des infrastructures, ont été réalisées par des entreprises privées avant le mouvement de développement des concessions, sans que cela implique des contrats à long-terme sous la forme de PPP[11]. Des projets de concession dans le domaine du traitement de l’eau sont actuellement à l’étude dans les villes d’Osaka, Nara et Miura, et au sein de la préfecture de Miyazaki. Les coûts de rénovation et de maintenance dans ce secteur sont prévus pour augmenter de 70%, jusqu’à 1 trillion JPY (8,3 Mds EUR) d’ici 2030, en raison du vieillissement et de la détérioration des infrastructures d’assainissement et d’approvisionnement en eau.

(ii) Le groupe Veolia, leader mondial du traitement de l’eau, a été sélectionné comme candidat prioritaire en mars 2017 pour le premier contrat de concession dans le marché japonais du traitement des eaux usées, marché estimé à une valeur de 90 trillions JPY (environ 747 Mds EUR)[12], au sein d’un consortium composé de 6 groupes, parmi lesquels JFE Engineering et Orix, avec une offre équivalente à 2,5 Mds JPY (20,7 M EUR) pour une durée de 20 ans. Le contrat prévoit la gestion des infrastructures de traitement des eaux usées de la ville de Hamamatsu par le consortium qui a également pour objectif d’utiliser les boues d’épuration (biomasse) pour produire de l’électricité renouvelable, permettant aussi de réduire les coûts d’exploitation. Les aéroports et les routes ont déjà fait l’objet de concessions au Japon mais il s’agit d’une première pour le secteur du traitement de l’eau qui constitue pourtant la plus importante composante infrastructure japonaise.


[1] Act on the Promotion of Private Finance Initiative (PFI Act).

[2] Principalement des banques et des compagnies d’assurances.

[3] “Action Plan for Fundamental Reforms of PPP/PFI”.

[4] La plupart des projets PPP prévus concernent des infrastructures existantes mais les projets envisagés dans le domaine des logements publics prévoient la construction de nouvelles infrastructures.

[5] Les projets PPP dans le domaine des logements publics dépendent de la compétence du Bureau Logement du MLIT.

[6] Le Ministère de la Santé et du Travail gère les concessions dans le secteur de l’eau potable.

[7] Il existe une règlementation générale pour les projets PPP, formalisé par la loi PFI. Les collectivités locales définissent des directives pour réguler les projets PPP sur leur territoire. Cependant, pour la mise en œuvre d’un projet PPP, il faut appliquer les dispositions définies par la loi PFI. Suivant l’article 18 de la loi PFI, il est nécessaire de fixer le principe de la mise en œuvre par un arrêté pour le projet de la concession.

[8] Minkatsu projects (??).

[9] Outline of PPP/PFI, Février 2017

[10] Local public corporation (LPC).

[11] Les contrats conclus s’assimilent plus à des marchés publics classiques.

[12] Ce montant correspond à la valeur du marché japonais des systèmes de traitement des eaux usées, en d’autres mots le montant des revenus qui peuvent être générés dans le cadre de l’exploitation de ce marché.