La série des Documents de Travail présente des travaux menés au sein de la DG Trésor, diffusés dans le but d’éclairer et stimuler le débat public. Ces travaux n’engagent que leurs auteurs.

Les branches professionnelles françaises, niveau intermédiaire de la négociation collective entre le niveau national interprofessionnel et le niveau d’entreprise, se distinguent par leur grand nombre (700) et leur hétérogénéité. En France, une branche regroupe les entreprises relevant d’une convention collective de branche. À côté des branches classiques qui font référence à une activité économique (coiffure, plasturgie…), il existe un certain nombre de branches qui regroupent plusieurs secteurs d’activité ou dont le champ d’application vise un métier (journalistes par exemple), parfois combiné à un territoire (département ou région), et/ou une catégorie socioprofessionnelle (cadres, ouvriers, employés…). Un certain nombre de branches françaises n’atteignent pas la taille critique permettant d’offrir un cadre approprié à des négociations de qualité, de répondre aux attentes des salariés et des entreprises, en même temps que d’assurer une fonction régulatrice. Ainsi, environ 200 branches n’ont pas de vie conventionnelle (faible nombre de suffrages aux élections professionnelles ou pas d’accord signé depuis plus de dix ans).

Bien que les accords soient la plupart du temps signés pour une durée indéterminée, l’activité conventionnelle des quelques 500 autres branches est soutenue, particulièrement en matière de salaires : entre 1 000 et 1 300 accords de branches sont signés chaque année dont 1/3 consacré au thème des salaires. Cette dynamique s’explique notamment par l’impulsion donnée par le législateur qui a introduit des négociations périodiques obligatoires à ce niveau sur un grand nombre de thèmes (salaires, égalité professionnelle, conditions de travail, gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, travailleurs handicapés, classifications, formation, apprentissage, épargne salariale…).

Enfin, la France se distingue par un taux de couverture conventionnelle très élevé, plus de 90 %, contre 56 % en moyenne dans les pays de l’OCDE, en lien avec une procédure d’extension quasi-systématique des accords de branche.

Pour renforcer le dialogue social, le gouvernement français souhaite réduire le nombre de branches et s’est donné l’objectif de parvenir à 200 branches fin 2019. Atteindre une taille critique permet aux branches non seulement de bénéficier d’un éventail de compétences, mais aussi d’économies d’échelle (particulièrement utiles dans les domaines de la formation professionnelle ou de la couverture complémentaire santé) et d’une logique de filière. Enfin, le renforcement des branches est nécessaire à la réforme du droit du travail en cours qui donne une place plus importante à la négociation collective. Sans quoi le renvoi à la négociation d’entreprise créera un déséquilibre au détriment des TPE-PME où elle est plus difficile à mettre en œuvre et où les accords de branche sont bien souvent la seule référence.

En Allemagne, il existerait 150 branches de taille très inégale. Comme en France, ce découpage peut être très variable dans son périmètre : les branches peuvent être de taille très différente et relever d’un secteur géographique variable. En revanche, les branches allemandes n’ont pas toutes la capacité de négocier des accords. Ainsi, dans le cas de la métallurgie, les négociations ne sont pas conduites au niveau de la branche mais dans les 7 « zones conventionnelles » qu’elle comprend et aboutissent à la signature de 7 conventions collectives. Il existerait ainsi environ 1 100 « zones conventionnelles », qui peuvent concerner l’Allemagne, un Land, plusieurs Länder, une partie d’un Land, une ville - recouper plusieurs secteurs d’activité et concerner un groupe de salariés précis. Toutefois, les partenaires sociaux d’une région s’inspirant des accords signés dans une autre région, cette parcellisation territoriale, susceptible de conduire à un système à plusieurs vitesses, est relativisée par la concertation des partenaires sociaux en amont.

Le nombre élevé de textes de branche témoigne de la vitalité de la négociation collective et de l’autonomie des partenaires sociaux en Allemagne, alors même qu’il n’y existe aucune obligation de négocier (contrairement à la France) : près de 1 800 conventions de branche signées chaque année dont 500 accords salariaux (proportions similaires à la France). Ceci peut s’expliquer par le cadre institutionnel : l’intervention de l’État est limitée à la fixation d’un « ordre public social minimal », définissant d’une part les règles de base de la négociation et d’autre part les minima ou normes planchers. Par ailleurs, les textes de branches sont conclus pour une durée déterminée, contrairement à ce qui prévaut en France. En règle générale, ce sont les syndicats qui, régulièrement, appellent à la renégociation de l’accord salarial, annonçant par là même également la fin de l’obligation de paix sociale (interdiction de faire grève tant que la branche est couverte par une convention).

Cependant, la moitié seulement des salariés allemands sont directement couverts par une convention collective :

  • Certains secteurs d’activité ne sont pas couverts (comme le secteur des centres d’appel même si il y existe quelques conventions collectives d’entreprise ou celui des taxis) et certaines branches n’ont été créées qu’après de fortes pressions politiques (cas de la branche « industrie de transformation de la viande »).
  • Depuis le début des années 1990, la négociation collective de branche est confrontée à un processus d’érosion conduisant à une décentralisation de la négociation vers l’entreprise favorisant la flexibilité : d’une part, toutes les conventions collectives importantes prévoient des clauses dites d’ouverture permettant de s’écarter des normes conventionnelles ; d’autre part, face à des désaffiliations massives, les fédérations patronales ont proposé des adhésions sans obligation d’appliquer les conventions.

Néanmoins, aux 58 % de salariés couverts directement par une convention de branche s’ajoutent 22 % de salariés qui en bénéficient indirectement car beaucoup d’entreprises non couvertes orientent leurs revalorisations salariales sur celles des accords de leur branche, n’appliquant pas souvent d’autres dispositions (les 35 heures dans l’industrie métallurgique notamment).

La culture du dialogue social caractérisée par la négociation sectorielle et le système de cogestion sont des déterminants structurels de la flexibilité interne des entreprises allemandes. Confronté au recul de la couverture conventionnelle et à l’affaiblissement du dialogue social de branche, le législateur allemand a choisi de faciliter les procédures d’extension parallèlement à l’introduction d’un salaire minimum national. En pratique, ces procédures d’extension sont peu utilisées à ce stade.