Trésor-Éco n° 184 - Le Japon face à la déflation : quel bilan des Abenomics ?
Le Japon est entré en déflation à la fin des années 1990 en raison de facteurs structurels, comme l'essoufflement des effets positifs du rattrapage technologique et le vieillissement de la population, et conjoncturels, comme la correction qui a fait suite à la bulle immobilière et boursière ou à la crise des pays asiatiques de fin 1997. Depuis, le Japon n'a plus connu de façon durable une inflation positive.
L'économie ne s'est pas redressée dans les années 2000 du fait probablement d'un policy-mix mal adapté et en l’absence de réformes structurelles d'envergure. Les Abenomics, lancées en décembre 2012, s'attaquent à ces vulnérabilités de l'économie japonaise pour sortir de manière durable le pays de la déflation et redynamiser la croissance via un soutien budgétaire et monétaire à court terme complétée par la mise en place de réformes structurelles et d'une trajectoire d'assainissement budgétaire à moyen terme.
Quatre ans après leur lancement, le bilan des Abenomics est néanmoins mitigé. Les premiers effets encourageants du choc de confiance observés en 2013 et de la dépréciation du yen se sont dissipés. La politique monétaire a favorisé la sortie de déflation, mais l'évolution du crédit demeure atone et des effets massifs sur la réallocation des portefeuilles financiers tardent à se manifester. Au-delà d'un soutien à court terme, le maintien d'une politique budgétaire accommodante entre en contradiction avec les objectifs de consolidation et certaines réformes structurelles tardent à être mises en place ou sont encore à l'étude.
Le principal enjeu à court terme reste la réponse des salaires à l'évolution des prix. Dans un premier temps, la nature des emplois créés a limité l'effet sur l'évolution des salaires de l'intensification des tensions observées sur le marché du travail. Toutefois, les pénuries sectorielles sur la période récente commencent à exercer une pression à la hausse sur les salaires. Cette évolution devra se poursuivre pour permettre l'enclenchement d'une boucle prix-salaires susceptible d'assurer une sortie durable de la déflation.
À plus long terme, l'enjeu majeur des Abenomics est la mise en place effective des réformes (productivité, population active) indispensables pour corriger les fragilités structurelles de l'économie japonaise. Les effets attendus de ces réformes à long terme et la poursuite des efforts de consolidation budgétaire à moyen terme permettraient également de limiter les effets d'une hausse des taux d'intérêt, même si les inquiétudes sur la soutenabilité de la dette publique restent limitées à ce stade car elle est détenue en majeur partie par les résidents.
Au final, la difficulté du Japon à sortir durablement de la déflation incite les économies développées à tirer les leçons de l'expérience japonaise pour mieux calibrer les réponses de la politique économique à l'évolution peu dynamique des prix et de l'activité. Il parait ainsi utile de prévenir le risque d'entrée en déflation pour éviter un « désancrage » des anticipations. Par ailleurs, le possible effet déflationniste du vieillissement de la population encourage la mise en place de réformes contrant le déclin de la population active pour limiter cet effet.