POLOGNE
Situation économique de la Pologne en juillet 2022
Après une forte croissance en 2021 qui lui avait permis de revenir à son niveau d’avant-crise dès la fin du premier trimestre, la Pologne devait en 2022 poursuivre avec une croissance soutenue, comme le confirme une solide croissance de 8,5% en g.a au T1 2022. Toutefois, la guerre en Ukraine et une inflation toujours plus forte engendreront un ralentissement de l’activité dans les prochains mois.
I. L’économie polonaise a connu en 2021 une solide croissance, dépassant son niveau d'avant-crise
L’économie polonaise a connu une forte croissance de 5,7% en 2021. Après une contraction modérée en 2020 de 2,5%, celle-ci avait dépassé nettement son niveau d’avant-crise dès la fin du 1er semestre 2021, avant de rattraper sa trajectoire d’avant-crise lors du 2nd. Sur le prolongement de l’année 2020, les exportations ont porté la croissance lors du 1er semestre, bénéficiant de l’affaiblissement du zloty et de la reprise économique en Europe. La croissance s’est poursuivie lors du 2nd semestre, largement portée par la consommation intérieure, qui est restée bien orientée à la faveur des hausses de salaire toujours plus fortes, conséquence de la bonne situation de l’emploi, et en raison d’un niveau record d’investissements étrangers. La forte reprise des IDE en Pologne est confirmée par la publication récente de l'Institut Economique polonais PIE d'après lequel le flux d'IDE en Pologne en 2021 a atteint un niveau record : 23,5 Md EUR. D'après le ministère du développement, l'agence polonaise pour l'investissement étranger (PAIH) est quasiment saturée de projets d'IDE notifiés par les groupes étrangers. Les entreprises à capitaux étrangers jouent un rôle dominant dans les exportations polonaises et représentent 64,2% de la valeur des exportations, bien qu’elles constituent moins d'un tiers (32%) du nombre d'exportateurs polonais. Le commerce extérieur s’est détérioré en 2021, la balance extérieure affiche ainsi un solde négatif de 630 M EUR contre un excédent de 11,6 Md EUR l’année précédente. Cela tient autant à la hausse des prix énergétiques qui pèsent sur les importations, qu’aux difficultés exportatrices depuis l’automne en raison des pénuries dans l’industrie. Toutefois, l’industrie affiche dans l’ensemble une très bonne tenue, étant plus diversifiée que les autres économies du groupe de Visegrad et donc modérement frappée par les pénuries. La croissance est donc restée solide et a même supris, se situant au-dessus des prévisions.
Les indicateurs des premiers mois de l’année 2022 laissaient apparaître une poursuite de la bonne conjoncture, alors que les dernières prévisions pour 2022 faisaient état d’une croissance entre 4,5% (FMI) et 5,8% (Banque centrale de Pologne) (cf annexe 2). Le déclenchement de la guerre en Ukraine amène toutefois à revoir ces prévisions.
II. La croissance sera freinée en 2022 par plusieurs risques baissiers mais devrait rester soutenue
Les chiffres de croissance du 1er trimestre confirment cette bonne tenue de l’économie polonaise, le PIB marquant une hausse annuelle de 8,5% et trimestrielle de 2,4%. La guerre en Ukraine a toutefois un impact sur l’économie polonaise, et ce à plusieurs niveaux. La Banque centrale a revu de 5,8% à 4,4% sa prévision de croissance pour 2022, alors que la Commission anticipe une croissance de 3,7%. Les prévisions d'été pour 2022 font globament état d'une croissance comprise entre 3,5% et 5%. La consommation intérieure, notamment l’investissement et l’achat de biens durables, devrait être freinée par une dégradation de la confiance et l’inflation croissante, mais la consommation de base soutenue par l’afflux de réfugiés (équivalent à 5% de la population polonaise). L’impact sur le commerce extérieur devrait être limité, car le niveau des échanges avec l’Ukraine est étonnamment bas pour deux pays voisins : avec 2,2% des exportations polonaises en 2021, l'Ukraine n’est que le 15ème client de la Pologne. Dans l‘autre sens, l'Ukraine n’est que le 19ème fournisseur de la Pologne avec une part de marché de 1,5%. Les IDE polonais en Ukraine sont modestes : à fin 2020, la valeur totale des IDE polonais se chiffrait, d'après la Banque centrale à 1,8% du total des investissements polonais. Une détérioration de la conjoncture en Europe, et notamment en Allemagne, aurait un impact beaucoup plus néfaste sur la croissance polonaise. Le pays est de loin le premier partenaire commercial de la Pologne, représentant 28,7% de ses exportations et 20,9% de ses importations. Une récession en Allemagn pourrait ainsi entraîner dans son sillage l’économie polonaise, eu égard à la forte intégration de l’économie polonaise dans la chaîne de valeur allemande.
La crise actuelle aura un impact sur les finances publiques, encore difficile à estimer, en raison d’une hausse des dépenses pour la défense et de l’accueil des réfugiés. Les dépenses pour la défense en 2023, prévues initialement à 2,3% du PIB, seront relevées à 3% du PIB ce qui représente un surcoût pour le secteur des finances publiques de 4,2 Md EUR. Une première évaluation par les autorités polonaises du coût de l'accueil des réfugiés ukrainiens, dont le nombre début juillet approche les 4,5 millions, fait état de 10 Md PLN (2,2 Md EUR) par an.
La guerre accroît les pressions inflationnistes, déjà extrêmement fortes. La Banque de Pologne a ainsi revu très nettement à la hausse ses prévisions d’inflation en 2022 de 5,8% à 10,8%. La hausse des prix atteint selon une première estimation du GUS 15,6% sur l’année en juin 2021, un niveau très largement au-dessus de sa cible (2,5%). Elle n’est pas seulement causée par la hausse des produits énergétiques, le pays affichant ainsi le 3ème taux le plus élevé d’inflation sous-jacente dans l’Union européenne selon Eurostat (9,4%). Alors que les salaires moyens dans le secteur privé enregistrent une forte hausse (13,5% sur l’année), l’inflation dépasse désormais ce taux et mine le pouvoir d’achat des ménages. C’est dans ce contexte, afin de préserver le pouvoir d’achat des ménages, que le gouvernement a annoncé la prolongation des « boucliers anti-inflation » (cf annexe 3). Parallèlement, le pouvoir d’achat des ménages doit être quelque peu soutenu par les baisses d’impôts à destination des ménages aux revenus les moins élevés, instaurées en janvier 2022 dans le cadre du programme « Polski Lad », ainsi que par la baisse du taux d’imposition sur le revenu de 17% à 12%.
La Banque nationale de Pologne procède depuis octobre à un resserrement continu de sa politique monétaire, ayant relevé les taux lors de chacune de ses réunions depuis octobre. Le taux directeur s’élève désormais à 6% depuis début juin 2022. Par ailleurs, le déclenchement de la guerre en Ukraine avait engendré une brusque dépréciation du zloty qui a atteint son plus bas historique à 5 contre l’euro début mars avant de s’apprécier de nouveau. La NBP a été contrainte d’intervenir sur le marché des changes à trois reprises pour soutenir le taux de change du zloty. Celui-ci reste toutefois tributaire de l’évolution du conflit et de l’aversion générale au risque, faisant craindre une hausse de l’inflation importée et un resserrement monétaire encore plus soutenu en cas de nouvelle dépréciation. La Banque centrale de Pologne a longtemps considéré que l’inflation avait une origine uniquement externe, causée par les prix des l’énergie et les problèmes dans les chaînes d’approvisionnement, c’est pourquoi elle s’est refusée à relever les taux jusqu’en octobre 2021. La pression était toutefois de plus en plus forte. Sa communication a notamment été critiquée, celle-ci se refusant à toute forward guidance, à l’encontre des usages modernes, revendiquant au contraire sa volonté de surprendre les marchés.
Les tensions sur la main d’œuvre sont fortes, comme le reflète un taux de chômage extrêmement bas de 3,4%. Elles freinent l’activité des entreprises. Les difficultés de recrutement étant généralisées, il en résulte une pression toujours plus forte sur les salaires. S’ajoutant à la hausse des prix de l’énergie, les coûts de production des entreprises augmentent rapidement et ralentissent leurs gains de compétitivité. Représentant plus de 2 millions de travailleurs, les Ukrainiens sont indispensables au bon fonctionnement de l’économie polonaise. Dans ce contexte, l’impact de la guerre est encore difficile à estimer. Nombreux d’entre eux sont partis, faisant craindre un accroissement des pénuries à court terme, mais l’arrivée d’un nombre important d’Ukrainiens (quoique moins « employables ») pourrait représenter également une opportunité. Les autorités polonaises indiquent ainsi qu'à debut mai, 102.000 réfugiés ukrainiens ont trouvé un emploi en Pologne.
Enfin, s’ajoutent les problèmes exogènes à l’économie polonaise. Les tensions avec la Commission Européenne se sont accrues et ont retardé la validation du PNRR, avant que la Commission ne donne son aval et que les Etats membres ne l’approuvent finalement début juin. Le PNRR de la Pologne inclue 36 Md EUR de financements européens (dont 23,9 Md EUR de subventions et 12,1 Md EUR de prêts). Alors que le montant qui aurait dû être versé en 2021 était négligeable (2,7% du PNRR), le montant prévu en 2022 devrait être plus important (14,6%). Cela ne représente toutefois que 3,5 Md EUR, un montant faible au regard des plus de 80 Md EUR de fonds de cohésion que doit percevoir la Pologne dans le cadre du budget pluriannuel de l’UE 2021-2027.
Annexes
Tableau 2 : Prévisions de croissance du PIB (en %) de la Pologne
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2022 |
2023 |
Dernière |
Gouvernement polonais |
3,8 |
3,2 |
juin-22 |
Banque centrale (NBP) |
4,4 |
3,0 |
mars-22 |
Commission européenne |
3,7 |
3,0 |
mai-22 |
FMI |
3,7 |
2,9 |
avril-22 |
Tableau 3 : Mesures principales des boucliers anti-inflation
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Premier bouclier (décembre) |
Deuxième bouclier (janvier) |
Electricité |
TVA réduite de 23% à 5% (jan.-mars) |
Extension jusqu’en juil. |
Gaz |
TVA réduite de 23% à 8% (jan.-mars) |
TVA réduite de 8% à 0% jusqu’en juil. |
Chauffage |
TVA réduite de 23% à 8% (jan.-mars) |
TVA réduite de 8% à 5% jusqu’en juil. |
Carburant |
Suppression de la taxe d’accise |
TVA réduite de 23% à 8% jusqu’en juil. |
Produits alimentaires |
/ |
TVA sur les produits de première nécessité passe de 5% à 0% jusqu’en juil. |
Mesures d’assistance |
Distribution d’un chèque aux ménages les plus pauvres |
/ |