Malgré un environnement international contraint, l’Afrique de l’Est et l’océan Indien continuent d’afficher une dynamique de croissance globalement résiliente, quoique marquée par de fortes disparités et des vulnérabilités macroéconomiques persistantes.

L’Afrique de l’Est et de l’Océan Indien affiche une croissance régionale globalement résiliente, soutenue par de meilleures productions agricoles, le dynamisme des services et la poursuite des investissements d’infrastructures, malgré un environnement international contraint. À court terme, les perspectives demeurent favorables mais contrastées : les principales économies d’Afrique de l’Est et de la Corne de l’Afrique devraient maintenir une croissance soutenue, tandis que les pays plus fragiles ou enclavés restent exposés à des trajectoires de redressement incertaines. L’inflation a globalement reflué, permettant un assouplissement monétaire dans plusieurs pays, mais demeure élevée là où persistent des déséquilibres monétaires profonds. Les systèmes financiers restent résilients mais insuffisamment profonds, avec une exposition croissante au risque souverain. Les principaux risques macroéconomiques tiennent à des vulnérabilités budgétaires et externes persistantes, marquées par des niveaux d’endettement élevés, un retrait partiel des bailleurs et des positions extérieures encore fragiles.

Une croissance régionale globalement résiliente, soutenue par des moteurs hétérogènes mais exposée à des fragilités structurelles

L’Afrique de l’Est et de l’Océan Indien (AEOI) continue d’afficher une dynamique de croissance globalement robuste, dans un environnement international pourtant marqué par des conditions financières encore restrictives, une volatilité persistante des prix des matières premières et des tensions géopolitiques accrues. La région bénéficie d’un rebond post‑pandémie de la Covid-19 encore tangible, porté par la reprise des services, la bonne tenue de l’agriculture dans plusieurs pays et, pour certains, par des investissements d’infrastructures de grande ampleur.

À court terme, les perspectives de croissance dans la région AEOI demeurent globalement favorables mais contrastées selon les sous-ensembles géographiques. Les économies d’Afrique de l’Est (Kenya, Ouganda, Rwanda, Tanzanie) devraient continuer d’enregistrer des rythmes de croissance soutenus, généralement supérieurs à +5,0 %, portés par la bonne tenue de l’agriculture, le dynamisme des services et la poursuite des investissements publics et privés. À l’inverse, les pays plus fragiles ou enclavés, tels que le Burundi et le Soudan du Sud, restent engagés dans des trajectoires de redressement lent et incertain, fortement dépendantes des conditions climatiques, sécuritaires et financières. Dans la Corne de l’Afrique, la conjoncture à court terme demeure contrastée : Djibouti bénéficie du dynamisme lié à son rôle de hub logistique régional, notamment dans le contexte des perturbations persistantes des routes maritimes en mer Rouge, tandis que l’Éthiopie connaît une dynamique de croissance robuste, appuyée sur la reprise de l’agriculture, des services et des échanges. Les économies de l’Océan Indien (Comores, Madagascar, Maurice, Seychelles) affichent pour leur part des perspectives plus modérées à court terme, leur activité reposant principalement sur les services — en particulier le tourisme, les activités financières et les transferts extérieurs — et restant exposée aux chocs climatiques, à la volatilité de la demande internationale et aux contraintes de financement.

 Croissance du PIB  AEOI : croissance du PIB

L’inflation a globalement reflué dans la région, après les pics observés entre 2022 et 2023. Ce reflux s’explique par la baisse des prix alimentaires et énergétiques, des effets de base favorables et, dans certains pays, par des politiques monétaires restrictives menées de manière anticipée. Les situations demeurent néanmoins hétérogènes : l’inflation est désormais maîtrisée au Kenya, en Ouganda, au Rwanda et en Tanzanie, tandis qu’elle reste très élevée dans les économies marquées par des déséquilibres monétaires profonds (Burundi, Soudan du Sud). Les régimes de change jouent un rôle clé, qu’il s’agisse d’ancrages fixes (Djibouti, Érythrée) ou de dépréciations graduelles utilisées comme mécanisme d’ajustement externe (Rwanda, Tanzanie).

 AEOI : inflation  AEOI : taux directeur des banques centrales

Les secteurs financiers régionaux apparaissent globalement résilients, bien capitalisés et liquides, mais de taille encore limitée. L’intermédiation financière demeure insuffisante pour soutenir pleinement le secteur privé, tandis que l’exposition croissante au risque souverain constitue une vulnérabilité commune, en particulier dans les pays recourant massivement au financement domestique.

Des équilibres macroéconomiques sous tension :  vulnérabilités budgétaires et externes persistantes

Les finances publiques constituent le principal facteur de vulnérabilité dans la région. Les déficits budgétaires demeurent élevés dans plusieurs pays, sous l’effet combiné d’une mobilisation encore insuffisante des recettes, de niveaux soutenus de dépenses d’investissement et, surtout, d’un alourdissement rapide du service de la dette. Dans ce contexte, la dette publique suit une trajectoire ascendante dans la majorité des pays de l’AEOI. Si certains États conservent à court terme des niveaux d’endettement jugés soutenables (notamment la Tanzanie et la Somalie), d’autres sont classés à risque élevé de surendettement, voire en situation de détresse (Kenya, Djibouti, Soudan du Sud, Érythrée). La structure de la dette constitue un enjeu central : dans plusieurs pays, la part de la dette domestique progresse, exposant les finances publiques à des coûts d’intérêt élevés et accentuant l’effet d’éviction au détriment du secteur privé. À l’inverse, la dette externe, généralement concessionnelle, demeure prédominante dans les économies les plus dépendantes de l’aide, bien que son poids tende à se réduire dans certains cas (notamment au Kenya et en Ouganda). Ces pays sont confrontés à une suspension de l’engagement de certains bailleurs multilatéraux ou à des retards de décaissements, dans un contexte d’exigences en matière de consolidation budgétaire, de gouvernance et de réformes structurelles. Cette évolution contribue à renforcer le recours au financement domestique, plus coûteux, et à des financements de marché, accentuant les contraintes pesant sur les finances publiques. Cette évolution contraint les autorités à se tourner vers des financements domestiques ou de marché plus coûteux, ou vers des instruments innovants encore peu éprouvés, réduisant les marges de manœuvre budgétaires et pesant sur les dépenses sociales et de développement.

 AEOI : déficit public  Région : prix des principales matières premières

Des positions extérieures en amélioration conjoncturelle, mais toujours fragiles. Les déficits courants restent élevés dans la plupart des économies, traduisant une forte dépendance aux importations de biens d’équipement, d’énergie et de produits alimentaires. La hausse récente des cours de certaines matières premières d’exportation, en particulier le café et l’or (Éthiopie, Ouganda, Tanzanie), ainsi que la baisse des cours du pétrole brut, ont toutefois contribué à atténuer partiellement les déséquilibres extérieurs à court terme, en soutenant les recettes d’exportation et en allégeant la facture énergétique de plusieurs pays. Les transferts de la diaspora jouent un rôle stabilisateur important (en particulier aux Comores, au Soudan du Sud et en Somalie), sans toutefois compenser pleinement les déséquilibres extérieurs. Les réserves de change se sont globalement reconstituées dans les principales économies de la région, mais restent faibles, voire très faibles, dans les pays les plus fragiles, limitant leur capacité d’absorption des chocs externes. Dans ce contexte, les tensions persistantes sur les marchés des changes constituent un frein majeur à la stabilisation macroéconomique dans plusieurs pays.