Japon-Corée du Sud - Veille économique et financière du 15 au 19 décembre 2025
Cette veille hebdomadaire présente l'actualité économique et financière au Japon et en Corée du Sud du 15 au 19 décembre 2025.
Faits saillants
- Adoption du budget supplémentaire japonais de 18 300 Mds JPY (100 Mds EUR)
- Hausse du taux directeur de la Banque du Japon pour la 1ère fois en 11 mois, à 0,75 %
- Les États-Unis renouvellent leur dérogation sur le contrat japonais de GNL russe Sakhaline-2
- Nouvelle dépréciation du won à un seuil proche du point bas de 2009
Japon
Macroéconomie
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Finances publiques | Le Parlement a adopté le 16 décembre le budget supplémentaire de 18 300 Mds JPY (100 Mds EUR) pour l’exercice fiscal 2025-2026, destiné à financer le programme de relance expansionniste de la Première ministre S. Takaichi. Pour rappel, il s’agit du plus important budget supplémentaire depuis la pandémie de Covid-19, supérieur de +32 % à celui présenté par le gouvernement Ishiba l’an passé. Plus de 60 % du financement, soit 11 700 Mds JPY (64 Mds EUR), reposera sur de nouvelles émissions obligataires, ravivant les inquiétudes sur la trajectoire de soutenabilité des finances publiques à l’heure où la dette brute s’élève à 230 % du PIB, tandis que les rendements obligataires souverains atteignent des sommets (+89 pbs sur les Japanese Government Bonds – JGBs – à 10 ans depuis le début de l’année 2025). Pour mémoire, ce stimulus fiscal comprend des mesures potentiellement contradictoires au regard de la priorité donnée à la lutte contre l’inflation (+3,3 % en 2025 selon le FMI, dépassé seulement par le Royaume-Uni parmi les pays du G7), entre soutien au pouvoir d’achat des ménages (dont les revenus réels reculent depuis près d’un an) et investissements dans 17 secteurs stratégiques, qui risquent à court terme de contribuer davantage à accélérer l’inflation (et nourrir la trajectoire baissière du yen, qui a à nouveau décroché cette semaine tant à l’égard du dollar US que de l’euro) plutôt qu’à favoriser la croissance. En parallèle, les premières estimations indiquent que le budget initial pour l’année fiscale 2026-2027 pourrait dépasser 120 000 Mds JPY (660 Mds EUR), un record historique, sous l’effet (i) de la hausse structurelle des dépenses sociales (en lien avec le vieillissement démographique), (ii) de l’accroissement des dépenses de Défense, et (iii) du poids croissant du service de la dette, qui représente déjà 25 % du total des dépenses budgétaires (et ce avant prise en compte de la hausse attendue des taux d’intérêt).
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Enquête Tankan | La dernière enquête Tankan publiée par la Banque du Japon, sur l’activité et les perspectives à court terme des entreprises japonaises, indique un climat des affaires globalement résilient, bien que contrasté. L’indice de diffusion des grandes entreprises manufacturières progresse légèrement à 15 (après 14 au 3ème trimestre), soutenu par la faiblesse du yen, la demande liée à l’intelligence artificielle (IA) et la modération des prix de l’énergie. Ce résultat s’inscrit dans un contexte géopolitique apaisé, du moins à court terme, par l’accord commercial Japon-États-Unis conclu cet été et ce, malgré les tensions récentes entre le Japon et la Chine. En outre, l’indice de diffusion des grandes entreprises non manufacturières reste stable à 34. En revanche, l’indice des conditions d’emploi a chuté à -38, au plus bas depuis 34 ans, reflet des pénuries de main d’œuvre qui pèsent sur le marché du travail. Les anticipations d’inflation à 5 ans des entreprises s’élèvent à 2,4 %, au-delà du niveau cible de la BoJ fixé à 2 %.
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Politique monétaire | À l’issue de la réunion de politique monétaire des 18 et 19 décembre 2025, et comme largement attendu, la Banque du Japon a réhaussé de 25 pbs son taux directeur pour le porter à 0,75 %, au plus haut depuis 30 ans. Cette décision – qui s’inscrit dans la stratégie de normalisation de la politique monétaire conduite par la Banque centrale depuis mars 2024, quoiqu’à une cadence très progressive – a été motivée par l’impératif d’agir pour lutte contre (i) l’inflation soutenue (+2,9 % en glissement annuel en novembre), que la hausse des salaires nominaux ne suffit pas à compenser, et (ii) la trajectoire baissière du yen, facteur aggravateur de l’inflation importée. Contrastant avec la préférence affichée par la coalition dirigée par la Première ministre pour un environnement monétaire accommodant propre à soutenir la croissance et l’investissement, l’administration Takaichi a adoubé la reprise du cycle de hausse de la BoJ de ce jour, perçue comme nécessaire pour corriger le mouvement de dépréciation du yen et tenter de rassurer les marchés au vu des tensions sur les rendements. Sur le plan géopolitique, la BoJ considère aujourd’hui le risque d’un ralentissement de l’activité économique entraîné par le protectionnisme de l’administration Trump (longtemps motif de report) comme écarté, les exportateurs – dont la compétitivité a crû avec la chute du yen – ayant choisi d’absorber en grande partie le choc tarifaire.
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Commerce extérieur | Les exportations japonaises ont progressé de +6,1 % en glissement annuel (g.a.) en novembre, en hausse pour le 3ème mois consécutif, au-delà des attentes des analystes. Les importations ayant progressé plus modérément (+1,3 % en g.a.), la balance commerciale a affiché un excédent de 322,3 Mds JPY (environ 1,8 Md EUR) une première depuis 5 mois. La dynamique des exportations est principalement portée par les États-Unis (+8,8 % en g.a.), avec une contribution positive du secteur automobile (+7,7 % en g.a., représentant 28 % des exportations nippones vers les États-Unis) et une forte hausse des produits pharmaceutiques (+76,2 % en g.a.), ce rebond étant lié à la fois (i) à la stabilité désormais induite par le tarif douanier de 15 % imposé aux exportations nippones et (ii) au yen faible qui permet de soutenir la compétitivité-prix des produits exportés. Le solde commercial bilatéral avec les États-Unis est ainsi redevenu excédentaire pour la première fois en 7 mois. Les ventes vers l’Europe (+19,6 % en g.a., dont +20,0 % pour la France) et l’Asie (+4,5 % en g.a.) ont également progressé, compensant le repli des exportations vers la Chine (-2,4 % en g.a.).
Secteurs financiers
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Marché obligataire | Alors que l’adoption d’un budget supplémentaire financé à hauteur de 11 600 Mds JPY (65 Mds EUR, soit 60 % du total) par de nouvelles émissions ravive les tensions sur le marché obligataire nippon, la décision d’augmentation de taux de la BoJ a entraîné de nouvelles hausses de rendement ce 19 décembre : les Japanese Government Bonds (JGBs) à 10 ans ont crû de 5 pbs, franchissant le seuil de 2,020 % pour la première fois depuis 1999, tandis que le taux de JGBs à 2 ans a atteint 1,090 % (+2 pbs dans la journée). A noter toutefois l’intérêt récent des investisseurs étrangers pour le marché obligataire japonais - attirés précisément par les hauts rendements -, avec des achats de JGBs au plus haut depuis 8 mois. En contraste avec leur position de vente nette au T3 2025, les achats de JGBs par des acteurs internationaux sur l’ensemble de l’année 2025 devraient être au plus haut depuis 2005 selon Bloomberg.
Secteurs non financiers
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Sécurité économique | Le gouvernement a annoncé la création d’un organe de concertation public-privé dédié aux politiques de sécurité économique. Cette instance, qui devrait être opérationnelle ces prochains mois, une fois révisée la loi sur la sécurité économique de 2022, traitera de la sécurisation des chaînes d’approvisionnement des biens dits stratégiques, à savoir les semi-conducteurs, les batteries et les minerais critiques. Les travaux porteront sur la gestion des risques de crises d’approvisionnement ou encore le soutien aux industries confrontées à des défis (en particulier autour de la transition numérique) comme la construction navale, mais aussi le secteur automobile et l’électronique. L’objectif final consiste à renforcer l’intégration de l’expertise et des avis du secteur privé dans l’élaboration des politiques publiques. Les acteurs privés participants seront soumis à une obligation de confidentialité équivalente à celle des agents publics, les échanges étant classifiés en raison de leur caractère stratégique.
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Solaire | Le gouvernement envisage de réviser les soutiens aux grands projets solaires. Une proposition du Parti libéral-démocrate (PLD) doit être présentée début 2026 au conseil consultatif du Ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie (METI). Elle prévoit la suppression, à compter de l’année fiscale 2027, des mécanismes de soutien FIP (prime aux producteurs, complétant le prix de marché) pour les futures méga-centrale solaires (≥1 GW) et les installations commerciales au sol d’une capacité ≥10 kW. Cette révision s’accompagnerait d’un renforcement des critères d’évaluation environnementale des fermes solaires. En cas d’adoption, ces mesures marqueraient un net infléchissement des politiques d’expansion des énergies renouvelables (ENR) engagées depuis la catastrophe de Fukushima, faisant du Japon le 4ème pays au monde en termes de capacité solaire installée (92 GW). La Première Ministre a exprimé ses réserves sur le solaire photovoltaïque (PV), soulignant la dépendance aux panneaux chinois (80 % du marché mondial) et les contestations locales liées aux impacts environnementaux des projets au sol. Par ailleurs, réduire la portée des subventions solaires participerait à freiner les hausses de la redevance sur les énergies renouvelables payées par les consommateurs qui s’élève à ce jour à 3 000 Mds JPY (17 Mds EUR) au total. Bien que le soutien au PV résidentiel et en toiture commerciale devrait être maintenu, le gouvernement privilégie désormais le redémarrage du nucléaire et le développement du solaire pérovskite (non mature). Cette réorientation pourrait compliquer l’atteinte des objectifs du 7ème Plan énergétique (datant de février 2025), visant 23-29 % de solaire dans le mix électrique en 2040, supposant l’ajout de 180 GW supplémentaires d’ici 2040, dont 20 GW de pérovskite.
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Gaz I Le Trésor Américain a prolongé de 6 mois - jusqu’au 18 juin 2026 - la dérogation aux sanctions américaines contre la Russie, accordée au Japon s’agissant des transactions avec Gazprombank pour les importations issues du projet pétro-gazier russe « Sakhaline-2 » - détenu à 77,5 % par Gazprom et à 12,5 % et 10 % respectivement par les groupes japonais Mitsui&Co et Mitsubishi Corp. Cette dérogation, étudiée chaque 6 mois, permet au Japon de poursuivre les approvisionnements en GNL de « Sakhaline-2 » (5,58 Mt en 2024), qui contribue à hauteur de 3 % à la production d’électricité du pays. D’après le Cabinet Office, les contrats long-terme de « Sakhaline-2 » sont des sources d’énergie stables et économiquement avantageuses pour le Japon. Malgré les pressants appels de Washington, la Première Ministre Takaichi avait exprimé en octobre dernier au Président Trump son intention de poursuivre les importations russes de GNL (9 % du GNL importé au Japon) au titre de la sécurité énergétique du pays. A court-terme, les inquiétudes japonaises portent désormais sur l’interdiction progressive du Royaume-Uni, à partir du printemps 2026, des services de réassurance anglais (dominant le marché) s’agissant du transport maritime du GNL russe, dont bénéficient plusieurs navires approvisionnant les importateurs japonais depuis « Sakhaline-2 ».
Corée du Sud
Macroéconomie
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Change | Le won s’est à nouveau déprécié cette semaine (-0,5 %) s’approchant du seuil de 1480 KRW pour un USD (malgré la tendance baissière de ce dernier au plan global), soit un seuil proche du point le plus bas enregistré depuis 2009. Sur le second semestre, le won a cédé -8 % de sa valeur nominale à l’égard du dollar US, dans le sillage des sorties continues de capitaux, alimentées entre autres par les particuliers résidents via un net accroissement des prises de participation dans les entreprises américaines (achat pour 5,5 Mds USD d’actions américaines en novembre après des acquisitions records de 6,8 Mds USD en octobre). Le Service national des pensions, qui détient 542 Mds USD d'actifs étrangers, particulièrement actif ces derniers mois en investissements offshore, serait intervenu ces dernières semaines pour céder des dollars en soutien du won. Par voie de conséquence, la faiblesse de la devise coréenne accélère les pressions inflationnistes en raison de la hausse des coûts d'importation. Depuis trois mois, le taux d’inflation (+2,4 % en novembre) dépasse ainsi le seuil des 2 % fixé par la Banque de Corée. Dans son dernier rapport semestriel sur l’inflation, la Banque a indiqué qu’en cas de persistance d’un taux proche de 1 470 KRW pour un dollar US, la hausse moyenne des prix à la consommation pourrait atteindre entre 2 et 2,5 % l’an prochain, soit davantage que les prévisions actuelles. Le gouvernement a mis en place un groupe de travail interinstitutionnel chargé de surveiller l'évolution du marché des changes et la conversion des devises des exportateurs, tout en définissant des mesures visant à encourager la vente de dollars.
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Droits de douane mexicains | Le Sénat mexicain a approuvé le 11 décembre un vaste paquet tarifaire imposant des droits de douane sur les importations en provenance de pays ne disposant pas d’un accord de libre-échange avec le Mexique, ciblant explicitement la Corée du Sud, la Chine et l’Inde. La législation instaure un droit de douane de 35 % comme taux de référence, avec des majorations pouvant atteindre 50 %, et couvre principalement des biens intermédiaires, dont l’acier, l’aluminium, l’électronique et les composants automobiles. Ces mesures, qui entreront en vigueur le 1er janvier 2026, constituent un dispositif transitoire de protection dans la perspective de la prochaine révision de l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (USMCA). Le nouveau cadre remettrait en cause le modèle de chaîne de valeur fondé sur l’exportation de composants vers le Mexique avant assemblage final. La hausse des droits supprime aussi l’avantage coût de ce pont logistique, contraignant les groupes coréens à absorber des surcoûts ou à accélérer la localisation de la production dans la zone USMCA. L’an dernier, la Corée du Sud a exporté vers le Mexique 13,6 Mds USD de biens, avec un excédent de 6 Mds USD. Selon certains analystes, l’inclusion explicite de la Corée du Sud dans un dispositif visant prioritairement la Chine traduit un déclassement du partenariat avec Séoul et un affaiblissement des logiques de « friend-shoring », mettant en lumière le coût stratégique de la non-adhésion de la Corée au Comprehensive and Progressive Agreement for Trans-Pacific Partnership (CPTPP). Selon le Ministère du Commerce, de l’Industrie et des Ressources (Ministry of Trade, Industry and Resources – MOTIR) coréen, l’impact du nouveau cadre sur les industriels du pays resterait limité du fait du maintien des dispositifs tels que le Sectoral Promotion Program (PROSEC) et le Manufacturing, Export Processing and Services Industry Program (IMMEX), qui exemptent ou plafonnent les droits de douane dans certains secteurs industriels.
Secteurs financiers
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Fonds souverain | Le gouvernement sud-coréen a publié une feuille de route relative à la création du nouveau Fonds national de croissance, doté de 150 000 Mds KRW (100 Mds USD) sur 5 ans, issu de financements publics et privés. Conçu sur un modèle proche de Temasek, le fonds prévoit un premier déploiement de plus de 30 000 Mds KRW (20 Mds USD) pour soutenir 12 industries stratégiques de pointe : les principaux secteurs ciblés sont l’IA (4 Mds USD), les semi-conducteurs (3 Mds USD), la mobilité (2,1 Mds USD), la biotech-vaccins (1,6 Md USD) et d’autres technologies clés, en associant des grands groupes et PME afin de dynamiser l’ensemble de l’écosystème industriel. Le dispositif inclut un fonds participatif ouvert aux particuliers (600 Mds KRW, soit 415 Mi USD), assorti d’incitations fiscales, ainsi qu’un fonds d’investissement technologique de très long terme visant des placements sur plus de 10 ans, tandis que les fonds publics existants seront rationalisés et intégrés au nouveau cadre. En complément, l’État prévoit 20 000 Mds KRW (13 Mds USD) pour les infrastructures industrielles et des prêts à taux bas (de 2 à 3 %) afin de soutenir les investissements lourds, avec une mise en œuvre opérationnelle prévue ces prochaines semaines.
Secteurs non financiers
- Minerais critiques | Korea Zinc, 1er producteur mondial de zinc raffiné et l’un des grands acteurs mondiaux de la métallurgie non ferreuse, a conclu un partenariat stratégique avec les départements américains de la Défense et du Commerce pour construire une fonderie intégrée à Clarksville (Tennessee). L’investissement, de 7,5 Mds USD, permettrait de produire dès 2029 près de 540 000 tonnes par an de métaux, dont du zinc, du cuivre et des minéraux critiques pour la Défense tels le gallium et le germanium. Soutenu à hauteur de 1,4 Md USD d’aide conditionnelle du Pentagone, l’accord prévoit un « accès préférentiel » des États-Unis à une part de la production de Korea Zinc, ce qui revient à sécuriser la chaîne d’approvisionnement du groupe au service des objectifs américains de sécurité nationale. À cet égard, le projet constitue une réponse stratégique des États-Unis à la domination chinoise sur certains métaux de niche essentiels aux industries de Défense et des semi-conducteurs.