Japon-Corée du Sud - Veille économique et financière du 1er au 5 novembre 2025
Cette veille hebdomadaire présente l'actualité économique et financière au Japon du 1er au 5 novembre.
Faits saillants
- Révision à la hausse des prévisions de croissance du Japon à 1,3 % en 2025 (OCDE)
- Les rendements obligataires japonais (JGBs) au plus haut depuis la crise des subprimes ; vers une hausse du taux directeur de la BoJ
- Adoption du budget 2026 en Corée du Sud, à un niveau record et en hausse de +8,1 % par rapport au précédent
Japon
Macroéconomie
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Prévisions de croissance OCDE | Dans le cadre de ses dernières prévisions publiées le 2 décembre, l’OCDE a rehaussé sa projection de croissance du Japon à 1,3 % pour 2025 (contre 1,1 % auparavant), traduisant un rebond conjoncturel plus solide que prévu, l’économie étant moins pénalisée qu’attendu par les droits de douane américains. Les perspectives de croissance ont aussi été rehaussées à 0,9 % en 2026 et 2027, contre 0,5 % précédemment, portée par la progression de la demande intérieure. Par ailleurs, l’OCDE a confirmé le ralentissement de l’activité de la Corée du Sud cette année, à 1 %. La croissance sud-coréenne devrait néanmoins rebondir significativement l’an prochain, à 2,1 % (comme pour 2027) grâce à une accélération de la consommation privée, favorisée par une politique économique accommodante.
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PMI manufacturier et des services | Les indices PMI de novembre ont confirmé la dynamique contrastée entre services (à 53,2, +0,1 point par rapport à octobre) et industrie (à 48,7, à nouveau en contraction malgré un redressement de 0,5 point). L’indice PMI des services a ainsi enregistré un 8ème mois consécutif d’expansion, porté par une hausse des nouvelles commandes domestiques, tandis que les exportations ont reculé pour le 5ème mois consécutif. L’emploi du secteur affiche sa plus forte croissance depuis janvier et la confiance des entreprises est au plus haut depuis le début de l’année. À l’inverse, l’indice PMI du secteur manufacturier a marqué un 5ème mois de repli, avec un rythme des commandes en décélération depuis plus de 30 mois, sous l’effet d’une demande mondiale faible.
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Budget supplémentaire | Le gouvernement japonais a approuvé le 28 novembre un stimulus économique de 21 300 Mds JPY (soit 117 Mds EUR) pour l’exercice 2025, première véritable brique de la politique budgétaire « proactive et responsable » de la Première ministre S. Takaichi, un niveau supérieur de +32 % aux 13 900 Mds JPY du budget supplémentaire adopté en 2024. L’enveloppe totale – qui comprend 17 700 Mds JPY (97,5 Mds EUR) de dépenses supplémentaires, conjuguées à 2 700 Mds JPY (15 Mds EUR) de réductions d’impôts et 900 Mds JPY de réallocation depuis un fonds de réserve – se décline en 4 piliers : (i) soutien au pouvoir d’achat (8 900 Mds JPY, dont la subvention des factures énergétiques et le versement unique de 20 000 JPY, soit 110 EUR, par enfant) ; (ii) investissements stratégiques pour tendre vers une économie robuste et résiliente face aux crises (6 400 Mds JPY, ciblant en particulier les secteurs de l’IA, des semi-conducteurs et de la cybersécurité, et visant à améliorer la sécurité économique, énergétique et alimentaire de l’Archipel) ; (iii) renforcement des capacités de Défense et diplomatiques, avec 1 700 Mds JPY alloués d’une part à l’objectif d’un budget de Défense équivalent à 2 % du PIB nippon dès la fin de l’exercice fiscal en cours et, d’autre part, au soutien aux agences gouvernementales JBIC et NEXI, acteurs centraux de la mise en œuvre du programme d’investissements japonais de 550 Mds USD aux États-Unis promis dans le cadre des négociations commerciales bilatérales ; et (iv) expansion des fonds de réserve. Ce budget supplémentaire sera financé à 60 % par l’émission de nouvelles obligations d’État (11 600 Mds JPY, soit 65 Mds EUR), le solde étant composé de recettes fiscales plus dynamiques qu’anticipé (2 880 Mds JPY) sous l’effet de l’inflation et de la hausse des salaires nominaux, et d’un transfert depuis le budget 2024 (2 710 Mds JPY). Malgré ce nouveau recours à la dette, l’émission totale de Japanese Government Bonds (JGBs) pour l’exercice en cours – qui devrait atteindre 40 000 Mds JPY (220 Mds EUR) en combinant budget initial et budget supplémentaire – reste inférieure aux 42 100 Mds JPY d’obligations émises lors de l’exercice fiscal 2024-2025. Ce budget supplémentaire doit être soumis à la Diète le 8 décembre. Pour mémoire, la dette nippone s’élève à 230 % du PIB, un record parmi les économies avancées.
Secteurs financiers
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Marché obligataire | Les rendements obligataires japonais prolongent la dynamique haussière engagée depuis février 2025, alimentée à la fois par l’attente d’un relèvement du taux directeur de la Banque du Japon (BoJ) à l’issue de sa réunion du 19 décembre, et surtout l’ampleur du budget supplémentaire préparé par le gouvernement. Cette hausse est observée sur l’ensemble de la courbe : les JGBs à 2 ans oscillent autour de 1,02 % depuis le 1er décembre (au plus haut depuis la crise des subprimes). Le taux à 10 ans s’élève quant à lui à 1,95 % en ce 5 décembre, au plus haut depuis 17 ans. En dépit de ce contexte, l’adjudication des JGBs à 10 ans du 2 décembre a révélé une demande plus soutenue qu’escompté, avec un ratio bid-to-cover de 3,59 (contre 2,97 en octobre), soit son plus haut niveau depuis septembre. Néanmoins, la pression à la vente sur le marché obligataire japonais demeure forte : selon la Japan Securities Dealers Association (JSDA), les investisseurs domestiques et étrangers ont cédé 545,7 Mds JPY (≈3 Mds EUR) nets de JGBs en octobre, un record depuis mai, et les banques nippones ont été vendeuses nettes en octobre pour la première fois en 6 mois. Cette semaine, le Gouverneur de la Banque du Japon, K. Ueda, a surpris les marchés par une déclaration au ton résolument hawkish (« We will […] consider the pros and cons of raising interest rates »), nourrissant les anticipations d’une hausse de 25 pbs du taux directeur, pour atteindre 0,75 %, le 19 décembre, une probabilité que les analystes évaluent désormais à près de 80 %.
Secteurs non financiers
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Semi-conducteurs | Le fabricant de semi-conducteurs américain Micron Technology prévoit d’investir 9,6 Mds USD pour construire une nouvelle usine de puces mémoire à large bande passante (HBM) à Hiroshima. Le chantier devrait débuter en mai 2026 avec des premières livraisons attendues en 2028. Le projet bénéficierait d’un soutien de l’État japonais à hauteur de 500 Mds JPY (≈3,2 Mds USD) dans le cadre de la stratégie de relance de l’industrie des semi-conducteurs. Cette initiative vise à répondre au développement rapide de l’IA et à son adoption massive, ainsi qu’à la demande croissante en mémoire HBM, plébiscitée pour le calcul intensif (centres de données, entraînement de l’IA). Elle s’inscrit aussi dans la volonté de Micron de diversifier ses capacités de production en dehors de Taïwan, dans un contexte de tensions géopolitiques accrues, d’une part, et de concurrence des acteurs sur le marché HBM (dont le sud-coréen SK Hynix), d’autre part. Pour le Japon, l’investissement constitue un signal fort du retour de l’industrie des semi-conducteurs, alors que le pays cherche à retrouver une place de premier plan dans ce secteur. En 2024, le constructeur taïwanais TSMC, leader mondial de la fabrication de semi-conducteurs avancés, avait déjà inauguré une usine à Kumamoto, avant de démarrer en octobre dernier la construction d’une 2ème usine adjacente.
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Robotique | Les fabricants japonais de composants électroniques et de semi-conducteurs, dont Renesas, Sumitomo Heavy Industries et Sumitomo Electric, mettent en commun leurs technologies (capteurs, microcontrôleurs, etc.) afin de développer et produire en série des robots humanoïdes d’ici 2027. Ces efforts s’inscrivent dans le cadre de l’extension de la Kyoto Humanoid Association (KyoHA), qui réunit désormais 13 acteurs industriels majeurs et dont la finalité vise à répondre aux enjeux du vieillissement démographique. Deux modèles sont en cours de développement : un robot de 2,5 m pour les interventions d’urgence, et un modèle de taille humaine destiné à la R&D. Le projet doit permettre à l’industrie japonaise de rattraper son retard sur le segment « humanoïde » face à la Chine, désormais leader mondial au plan de la production. Acteur central de la robotique industrielle, via une spécialisation technologique de longue date et des fabricants leaders (Fanuc, Kawasaki), le Japon est plus en retrait sur le segment humanoïde, le pays étant surtout présent sur la R&D.
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Industrie navale I Trois armateurs japonais majeurs — Nippon Yusen Kaisha, Mitsui O.S.K Lines et Kawasaki Kisen Kaisha — ont pour la première fois mis en commun leurs capitaux avec les grands constructeurs navals Mitsubishi Heavy Industries et Imabari Shipbuilding Co. en investissant dans leur co-entreprise MILES (Marine-design Initiative for Leading Edge Solution). Cette coopération vise à faire émerger un champion national capable de concevoir et développer les nouvelles générations de navires : porte-vracs, méthaniers (GNL) et nouvelles énergies (CO2 liquide, hydrogène, e-méthanol, etc.). Elle intervient dans un contexte d’érosion significative de la part du marché japonais dans la construction navale mondiale. Alors que le Japon représentait près de 50 % des parts du marché (pdm) dans les années 1990, il n’affiche aujourd’hui que 12 % de pdm, distancé par la Chine et la Corée du Sud. Cette nécessaire adaptation de la filière devrait s’accompagner d’un concours de l’État à un fonds public-privé de 5,5 Mds EUR sur 10 ans, visant à doubler les volumes de productions navales d’ici 2035.
Corée du Sud
Macréconomie
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Budget 2026 | L’Assemblée nationale sud-coréenne a adopté le 3 décembre un budget record de 727 900 Mds KRW (495 Mds USD) pour l’année 2026, en hausse de +8,1 % sur un an. Il s’agit du premier vote dans les délais depuis 2019. Par rapport au projet initial du gouvernement, l’accord entre les deux partis réduit l’enveloppe de 100 Mds KRW en redéployant des crédits depuis certains programmes technologiques jugés moins prioritaires vers des investissements considérés comme stratégiques, dont la Korea–U.S. Strategic Investment Corporation. Les crédits dédiés à l’IA ont triplé par rapport au niveau de 2025, atteignant 10 000 Mds KRW (6,8 Mds USD), dont plus de la moitié dédiée au développement des infrastructures et des données IA. Les enveloppes consacrées aux « nouveaux moteurs de croissance » et à la R&D progressent de +19,3 %, à 31,9 Mds USD, et les dépenses de Défense augmentent de +7,5 %, à 45 Mds USD, afin de financer la modernisation capacitaire et l’intégration de technologies avancées. Le gouvernement prévoit d’engager 75 % des crédits dès le 1er semestre, afin de soutenir la demande et d’activer rapidement les programmes d’investissement. Quant aux recettes, les deux partis sont convenus d’une hausse d’un point du taux de l’impôt sur les sociétés (de 24 % à 25 %) et d’une taxation renforcée des institutions financières les plus bénéficiaires. Sur le plan macro-budgétaire, le déficit est attendu à 4,0 % du PIB en 2026, après 4,2 % en 2025, ce qui ferait passer le ratio dette/PIB de 49,1 % à 51,6 %.
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Exportations | En novembre, les exportations sud-coréennes ont progressé de +8,4 % en glissement annuel (g.a.), à 61 Mds USD, un record. Sur la période de janvier à novembre, les ventes à l’étranger ont atteint 640 Mds USD, confortant la perspective d’un dépassement et ce, pour la première fois, du seuil des 700 Mds USD sur l’ensemble de l’année. La progression de novembre a de nouveau été portée par les semi-conducteurs, dont les ventes ont crû de +39 % en g.a., à 17,3 Mds USD, et par l’automobile, enregistrant également une hausse marquée (+14 %, à 6,4 Mds USD). Par destination, les exportations ont notamment progressé vers la Chine (+6,9 %, à 12,1 Mds USD), l’ASEAN (+6,3 %, à 10,4 Mds USD) et le Moyen-Orient (+33,1 %, à 2,2 Mds USD). Les ventes vers les États-Unis sont quant à elles restées quasi stables (-0,2 %, à 10,4 Mds USD) : le recul dans l’acier (-24 %) et la machinerie (-18 %) a été compensé par le rebond des ventes automobiles (+11 %), soutenues notamment par la réduction rétroactive des droits de douanes américains à compter du 1er novembre.
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Inflation | L’inflation est restée stable à +2,4 % en novembre, à son plus haut niveau depuis juillet 2024 et dépassant la cible de +2 % fixée par la Banque de Corée (BoK) pour le 3ème mois consécutif. Cette hausse est principalement imputable aux produits agricoles, d’élevage et de la pêche (+5,6 %), tirés par la forte progression des prix du riz, ainsi qu’aux produits pétroliers (+5,9 %) du fait de la réduction progressive de la ristourne fiscale sur les carburants. Les tensions sur ces catégories de biens, pour une large partie importés, seraient aussi amplifiées par la récente dépréciation du won, revenu à des seuils proches de ceux observés lors du pic des tensions commerciales avec les États-Unis en avril dernier. L’inflation sous-jacente, qui exclut les composantes plus volatiles alimentaires et énergétiques, s’est élevée à +2,0 % en novembre.
Secteurs non financiers
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Hydrogène | Hyundai Motor Group a coorganisé à Séoul, du 2 au 4 décembre, le Hydrogen Council Global CEO Summit, réunissant près de 200 dirigeants pour définir la stratégie mondiale en matière d’hydrogène et accélérer son déploiement. L’évènement a été marqué par plusieurs annonces clés, dont l’arrivée de François Jackow (Air Liquide) à la coprésidence du Hydrogen Council, et la publication d’une feuille de route commune pour stimuler la demande et développer les infrastructures. En mettant en avant ses solutions de mobilité et l’écosystème sud-coréen, Hyundai Motor Group a souligné son ambition de faire de l’hydrogène un pilier de la transition énergétique.
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Pétrochimie | Le Ministère du Commerce, de l’Industrie et des Ressources a annoncé fin novembre que HD Hyundai Oilbank, HD Hyundai Chemical et Lotte Chemical avaient déposé un plan conjoint de restructuration visant à regrouper leurs activités du complexe de Daesan, pour rationaliser les capacités et créer une chaîne raffinage-pétrochimie intégrée. Il s’agit du premier dossier soumis depuis la signature de la feuille de route sectorielle en août, ouvrant potentiellement droit à des incitations fiscales et réglementaires, tandis que d’autres plans de restructuration sont attendus d’ici la fin de cette année. Lotte Chemical et HD Hyundai Chemical ont sollicité le 4 décembre un soutien financier à la Korea Development Bank (KDB) afin de poursuivre le financement des investissements visant la spécialisation et la montée en gamme, et de sécuriser leurs opérations courantes. Le secteur de la pétrochimie sud-coréen connaît une crise sans précédent, liée notamment à un ralentissement de la demande mondiale et une hausse de l’offre chinoise : la production d’éthylène en Chine a presque triplé en 10 ans, passant de 20 Mt en 2014 à 53 Mt en 2024. Le taux d’utilisation des capacités productives est quant à lui tombé de 87 % en 2021 à 60 % en 2025.