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Flash Conjoncture Pays avancés - Zone euro : la faiblesse industrielle depuis mi-2023 dépasse le seul choc énergétique
La baisse de l'indice de production industrielle (IPI) manufacturier dans la zone euro depuis mi-2022 (par rapport à sa moyenne sur la période entre 2015 et 2019) dépasse le seul choc énergétique consécutif à l’invasion russe de l’Ukraine et s'explique depuis la mi-2023 principalement par les difficultés de deux secteurs clés : l’automobile et la production de machines et équipements.
L'industrie manufacturière en zone euro traverse depuis plusieurs années une phase de recomposition, marquée par un affaiblissement durable de la production dans plusieurs grands pays de la zone euro. Par rapport à sa moyenne 2015-2019, l’indice de production industrielle (IPI) manufacturier dans la zone euro s’est contracté, passant de +6,3 pts en janvier 2023 à −0,3 pt en décembre 2024.
Si le choc énergétique consécutif à l’invasion russe de l’Ukraine explique une partie du repli observé depuis 2022, il ne constitue plus aujourd’hui le principal moteur de la baisse. Les secteurs énergo-intensifs — métallurgie, chimie, cokéfaction, raffinage, caoutchouc et plastique – ont été parmi les plus touchés, particulièrement en Allemagne dont le tissu industriel reste fortement orienté vers ces filières. La France et l’Italie ont également subi une baisse de la production dans les secteurs énergo-intensifs, notamment du fait de la contraction de la chimie. Au 3e trimestre 2025, ces secteurs contribuent encore négativement à l’évolution de l’indice de production industrielle (hors construction et production d’énergie), par rapport à son niveau moyen sur la période 2015-2019 : −3,7 pts en France, −3,6 pts en Allemagne et - 2,8 pts en Italie, cf. Graphiques 1 et 2. L’affaiblissement de la demande mondiale, en particulier dans l’automobile et l’emballage, pénalise aussi la production de caoutchouc et de plastiques. Toutefois, ces industries se stabilisent progressivement depuis 2023, ce qui limite désormais leur rôle dans le recul de l’IPI.
La poursuite de la baisse manufacturière depuis mi-2023 s’explique principalement par les difficultés de deux secteurs clés : l’automobile et la production de machines et équipements (cf. Graphique 3). L’industrie automobile européenne se trouve dans une phase de transition vers le véhicule électrique, tandis qu’elle est confrontée à une intensification de la concurrence internationale et une réduction de certaines aides publiques. Les conséquences sont particulièrement marquées en Italie (−33,7 pts au 3e trimestre par rapport à la moyenne 2015-2019), mais aussi en France (−22,4 pts) et en Allemagne (−21,8 pts). La production de machines et d’équipements demeure également très dégradée, sous l’effet d’un environnement macroéconomique incertain, de la faiblesse de l’investissement productif et du ralentissement des importations chinoises dans ce secteur. La production industrielle de machines et équipements en Allemagne et en France enregistrent respectivement des reculs de −15,1 pts et −10,7 pts au 3e trimestre 2025 par rapport à la moyenne 2015-2019.
Parallèlement, certains secteurs dynamiques soutiennent la production industrielle, sans toutefois suffire à compenser les pertes enregistrées ailleurs, notamment en raison de leur faible poids. Les « autres matériels de transport » affichent une performance remarquable en Italie (+41,1 pts au 3e trimestre par rapport à la moyenne 2015-2019) et, dans une moindre mesure, en Allemagne (+24,6 pts), tandis que la France reste légèrement en retrait (−1,8 pt), notamment du fait des difficultés d’approvisionnement temporaires rencontrées par Airbus. Néanmoins, le poids limité de ce secteur dans la production industrielle limite son impact agrégé. Le secteur de l’informatique et l’électronique contribue également positivement dans la plupart des grandes économies de la zone euro, porté par un cycle d’innovation soutenu. Seule l’Allemagne voit sa production industrielle dans le secteur de l’informatique et de l’électronique en baisse au 3e trimestre 2025 par rapport à la moyenne enregistrée entre 2015 et 2019 (−2,6 pts). Enfin, l’industrie pharmaceutique s’impose comme un moteur stable de croissance : +37,5 pts en France, +48,0 pts en Espagne, +29,3 pts en Italie et +7,4 pts en Allemagne au 3e trimestre 2025.
Dans l’ensemble, l’industrie européenne reste marquée par l’héritage du choc énergétique et par la faiblesse de l’investissement, qui continuent de peser sur plusieurs secteurs, tandis que des filières plus dynamiques — technologies de l’information et de la communication, pharmacie, certains matériels de transport — soutiennent l’activité mais ne suffisent pas encore à inverser durablement la tendance.