La hausse des dépenses de défense prévue en Allemagne pour les années à venir soutiendrait l’activité économique, même si l’ampleur de cet effet demeure incertaine.

La réforme constitutionnelle adoptée le 19 mars 2025 en Allemagne a créé un cadre budgétaire plus favorable à la hausse des dépenses de défense, en vue d’atteindre la cible fixée par l’OTAN. Cette réforme du frein à l’endettement introduit en effet une exemption spécifique pour les dépenses de défense et de sécurité excédant 1 % du PIB — soit les dépenses au-delà de 44 Md€ en 2025. Cette souplesse permet au gouvernement allemand d’accroître son recours à la dette pour financer l’effort militaire afin d’atteindre la cible de l’OTAN à 3,5 % du PIB en 2029 (cf. graphique 1) d’après la trajectoire pluriannuelle. En 2029, les dépenses de défense (et de sécurité) représenteraient 167,8 Md€ tandis qu’elles s’élevaient à 66,8 Md€ en 2024, soit une hausse de 150 %. Cette réforme accélère l’effort engagé en 2022 avec la création du fonds extra-budgétaire Bundeswehr, qui a été doté de 100 Md€ pour renforcer les capacités militaires allemandes sur un horizon de cinq ans à sept ans.   Evolution des dépenses de défense - Structure des dépenses de défense allemandes

Cette trajectoire se confronte au défi du décaissement effectif des crédits. Par le passé, l’Allemagne n’a pas exécuté pleinement les budgets programmés : par exemple, en 2024, le budget fédéral n’a été exécuté qu’à 75 %. C’est également le cas pour le fonds spécial Bundeswehr, en particulier sur la première année du programme − en 2022 − où le taux d’exécution n’était que de 3,5 %. La montée en charge progressive reflète notamment les contraintes qui pèsent sur le secteur de la défense. Les procédures d’acquisition sont longues, séquentielles et soumises à de multiples validations juridiques, ce qui peut étaler les décaissements sur plusieurs années. Cela contribue à expliquer l’amélioration observée en 2023 et 2024, où les taux d’exécution ont atteint 69 % puis 84 %.

Dans ce contexte, une sous-exécution sur l’ensemble de la trajectoire pluriannuelle des dépenses de défense est possible pour plusieurs raisons :

- les contraintes sur les capacités de production de l’industrie allemande : les tensions sur les chaînes d’approvisionnement pourraient ralentir la réalisation des programmes, alors que le secteur est fortement concentré (dix entreprises réalisant deux tiers des commandes en volume) ;

- les difficultés de recrutement au sein de la Bundeswehr – avec un taux d’abandon en période d’essai avoisinant les 25 % – limitent l’augmentation des effectifs et peuvent retarder la mise en œuvre opérationnelle de certains investissements.

La hausse des dépenses de défense soutiendrait l’activité économique, même si l’ampleur de cet effet demeure incertaine. La majorité des crédits supplémentaires relèverait des dépenses capacitaires qui correspondent aux dépenses en équipements (cf. graphique 2) : celles-ci seraient multipliées par plus de 5 entre 2022 et 2026 (48,1 Md€ programmés pour 2026, contre 8,8 Md€ de dépenses effectives en 2022). Cette dynamique est largement amplifiée par les décaissements du fonds spécial Bundeswehr − représentés en encadré du graphique 2 − qui s’ajoutent aux crédits du budget ordinaire pour accélérer la modernisation des équipements de la Bundeswehr.

Le gouvernement allemand estime que les dépenses de défense génèreraient en 2026 une impulsion budgétaire d’environ 0,5 point de PIB, un ordre de grandeur repris par plusieurs instituts de prévision. Une publication académique récente consacrée au multiplicateur budgétaire des dépenses de défense en Allemagne conclut que celui-ci serait vraisemblablement inférieur à 0,5, du fait à la fois de la forte concentration de l’industrie allemande de défense − qui pourrait induire une pression sur les prix − et d’une fuite à l’importation significative vers les États-Unis.