Cette veille hebdomadaire présente l'actualité économique et financière au Japon du 27 au 31 octobre.

Faits saillants 

  • Maintien du taux directeur de la BoJ à 0,5 % et croissance 2025 révisée à la hausse à 0,7 %
  • Première rencontre des dirigeants japonais et coréen en marge du sommet de l’APEC
  • Conclusion de plusieurs accords lors de la visite du Président Trump à Tokyo et Séoul

Région

  • Rencontre LEE-TAKAICHI | En marge du sommet de l’APEC (Asia-Pacific Economic Cooperation) à Gyeongju, la Première ministre japonaise Sanae Takaichi a rencontré pour la première fois le Président sud-coréen Lee Jae-myung, dans une perspective de prolongation de la détente diplomatique entre les deux pays. Dans un contexte géopolitique et commercial sous tensions, les deux dirigeants ont souligné le besoin de renforcer leur coopération « tournée vers l’avenir », au titre des défis communs partagés par les deux pays. Le Président Lee a appelé à consolider les liens bilatéraux, rappelant la proximité géographique et économique des deux pays, tandis que la Première ministre Takaichi a affiché sa volonté de développer des relations stables et pragmatiques avec l’exécutif sud-coréen, en poursuivant la « diplomatie de la navette », engagée et consolidée sous ses prédécesseurs F. Kishida et S. Ishiba. Le Président Lee a ainsi été invité à se rendre prochainement à Tokyo. Cette rencontre a visé à préserver la dynamique positive des échanges bilatéraux entre le Japon et la République de Corée, et trilatéraux avec les États-Unis, malgré les inquiétudes suscitées à Séoul par la ligne nationaliste de Mme Takaichi, sensiblement atténuée depuis sa prise de fonction comme Première ministre.

Japon 

Secteur financier

  • Politique monétaire | Comme attendu, la Banque du Japon (BoJ) a maintenu le 30 octobre, pour la 6ème réunion consécutive, son taux directeur à 0,5 %. Si l’élection le 21 octobre de la Première ministre Takaichi et le succès diplomatique - par ses symboles - de la visite du Président Trump au Japon (27-29 octobre) ont quelque peu réduit les incertitudes politiques et commerciales qui freinaient jusqu’alors la reprise par la BoJ de son cycle de hausse de taux, l’objectif de normalisation de sa politique monétaire reste perturbé par des risques de court et moyen termes, d’une part domestiques (soutenabilité du programme économique pro-relance du nouveau gouvernement, souhait exprimé par la Première ministre du maintien d’un environnement accommodant) et, d’autre part, internationaux (impact à moyen terme des droits de douane américains sur le commerce extérieur, interrogations sur la mise en œuvre effective du programme d’investissements japonais de 550 Mds USD aux États-Unis). Parallèlement, la BoJ est confrontée à des conditions macroéconomiques domestiques qui plaident de plus en plus en faveur d’une nouvelle hausse de son taux directeur : inflation durablement supérieure à son objectif de 2 % depuis 3 ans et demi (2,9 % en g.a. en septembre), sur fond de contraction continue des salaires réels (-1,4 % en g.a. en août, soit un 8ème mois consécutif de baisse), et nouvelle dépréciation marquée du yen depuis l’élection de S. Takaichi à la présidence du Parti libéral-démocrate (-3,8 % face au dollar US). A noter qu’en marge de la réunion de politique monétaire, la BoJ a relevé sa prévision de croissance pour 2025 de +0,1 point à 0,7 %, sur la base des résultats meilleurs qu’attendus de la croissance au T2 (2,2 %).

Secteurs non financiers 

  • US – JP : investissements japonais aux Etats-Unis | Dans le cadre de l’accord commercial Japon-États-Unis – dans lequel la partie japonaise s’est engagée à investir 550 Mds UDS sur le territoire américain d’ici janvier 2029 – les gouvernements ont édité une « fiche d’information » détaillant de possibles investissements nippons aux Etats-Unis. Cette publication prend la forme d’une liste de 21 entreprises américaines et japonaises ayant manifesté un intérêt potentiel pour des projets conjoints aux Etats-Unis. Contrairement à ce qu’affirme la Maison Blanche, le document ne représente pas des engagements fermes d’investissements, le Ministre des Finances japonais ayant précisé qu’aucun projet spécifique n’avait, à ce stade, été finalisé. Cette liste indique toutefois vers quels secteurs s’orienteraient les investissements japonais aux Etats-Unis ces prochaines années : en majorité, ils porteraient sur la construction de réacteurs nucléaires, qui pourrait représenter selon les premières estimations décrites dans la fiche jusqu’à 40 % des 550 Mds USD. Les activités de production d’énergie ou d’infrastructures énergétiques feraient ensuite l’objet des principaux projets envisagés, comme la construction ou les équipements de centrales électriques, les systèmes de distribution d’électricité, infrastructures de transport de GNL ou de pétrole, stockage de l’énergie, etc. D’autres secteurs sont aussi concernés, à plus petite échelle, dont les composants électroniques et autres équipements destinés aux infrastructures d’IA ou des usines de production/transformation des ressources minérales (cuivre, lithium-fer-phosphate, grain de diamant). 
  • US – JP : minerais critiques | Dans le cadre de la visite du Président américain, la Première ministre japonaise et D. Trump ont signé un accord-cadre pour la sécurisation de leurs approvisionnements, couvrant l’ensemble de la chaine de valeur. Le document reste toutefois vague, mentionnant de potentiels futurs investissements conjoints – sur le territoire américain comme en pays-tiers – dans l’extraction minière et le raffinage, ainsi que d’éventuels plans de stockage coordonnés et de possibles mesures réglementaires et diplomatiques communes. Le Japon et les Etats-Unis sont convenus de tenir une réunion ministérielle dans les 180 prochains jours, pour préciser les actions et projets concrets à mettre en œuvre, une étape cruciale pour attester de la valeur de l’accord. Cet accord intervient dans un contexte de pression extrême sur les approvisionnements américains – et dans une moindre mesure japonais - en terres rares lié aux restrictions chinoises à l’export, conduisant les gouvernements à accélérer leurs efforts pour diversifier leurs partenaires. Le Président américain a ainsi conclu un florilège d’accords bilatéraux dans la région Asie-Pacifique ce mois-ci (AU, MY, KH, TH, VN et JP), visant à renforcer l’accès des US aux fournisseurs de ces pays. A court-terme, Trump a obtenu hier à Séoul du Président chinois Xi Jinping un report d’un an de la mise en œuvre des dernières mesures radicales de contrôle export en date du 9 octobre, qui portaient non plus seulement sur les minerais eux-mêmes mais aussi sur les pièces, composants et assemblages contenant des terres rares chinoises ou fabriqués à l’aide de technologies chinoises.
  • US – JP : coopération technologique | Les Etats-Unis et le Japon ont signé le 28 octobre un accord de coopération sur la « prospérité technologique », visant à approfondir leur coopération dans les domaines de l’intelligence artificielle, des télécommunications, des biotechnologies, de l’informatique quantique, de la fusion nucléaire et de l’exploration spatiale. Concernant l’IA, le texte prévoit un renforcement des échanges entre institutions de recherche, un soutien accru aux technologies sous-jacentes (quantique, semi-conducteurs). Il aborde également la question de la gouvernance, en mentionnant une harmonisation des régulations et le recalibrage de la coopération entre Japan AI Safety Institute et U.S. Center for AI Standards pour promouvoir l’innovation et le développement de l’IA avant tout. Cet accord non-contraignant s’inscrit dans le cadre d’une riche coopération technologique entre les Etats-Unis et le Japon, marquée sur le plan institutionnel mais également au travers d’investissements de SoftBank dans OpenAI (jusqu’à 40 Mds USD) et Nvidia (dont il détient 1% des actions).
  • US – JP : construction navale | Dans le cadre de la visite du Président américain, le Ministre japonais des territoires, des infrastructures, des transports, et du tourisme (MLIT) M. Yasuyuki KANEKO, et le Secrétaire américain au Commerce, Howard LUTNICK ont signé un MoU dans le secteur de la construction navale visant à (i) accroître les capacités de construction, (ii) promouvoir les investissements japonais aux Etats-Unis, (iii) développer des initiatives de R&D communes sur l’innovation technologique et (iv) assurer la formation de la main d’œuvre. Un groupe de travail sur la construction navale doit être mis en place pour identifier des mesures concrètes de mise en œuvre de ces champs de coopérations. Cet accord s’inscrit dans un objectif de développement des industries navales des deux pays. Le gouvernement japonais ambitionne ainsi de doubler la production de navires d’ici 2035 alors que la part de marché mondiale japonaise dans la construction navale est passée en l’espace de 20 ans de 36 % à 13 %, reléguant le pays au 3ème rang derrière la Chine et la Corée du Sud. Si les ambitions américaines sont très fortes, la part de marché des États-Unis apparaît marginale (0,2 %).
  • Politique énergétique I La Première Ministre Takaichi a confirmé lors de son discours de politique général le 24 octobre, la priorité accordée à la sécurité énergétique, à la fois en termes de stabilité et de faible coût de l’énergie. A ses fins, la Première Ministre prévoit de renforcer le développement de l’énergie nucléaire, notamment via l’accélération de la remise en service des centrales, de la construction de réacteurs de nouvelle génération et de la R&D sur la fusion nucléaire. En parallèle, les autorités devraient soutenir l’émergence de nouvelles technologies de décarbonation produites localement dans le secteur des renouvelables (comme le solaire pérovskite et la géothermie) ou de l’efficacité énergétique (comme la convergence photonique-électronique). Par ailleurs, le gouvernement devrait toujours accorder une place conséquente aux énergies fossiles dans le mix énergétique – notamment le GNL – et la Première Ministre a réaffirmé le 28 octobre lors d’une réunion bilatérale avec le Président Trump son intention de poursuivre les importations de GNL russe.

Corée du Sud 

Macroéconomie 

  • Croissance économique | Au 3ème trimestre 2025, le PIB réel de la Corée du Sud a progressé de 1,2 % en rythme trimestriel, marquant une nette accélération par rapport au trimestre précédent (0,6 %), soit la plus forte hausse depuis début 2023. La croissance a été tirée principalement par la demande intérieure, qui a contribué à hauteur de 1,1 point de pourcentage. La consommation privée (1,3 %) a bénéficié des subventions en espèces déployées par l’administration LEE Jae-myung et de l’amélioration du moral des ménages, tout comme la consommation publique qui a de nouveau soutenu l’activité (1,2 %). Les investissements en équipements ont crû de +2,4 %, tandis que ceux dans la construction, pénalisés de longue date par la faiblesse du marché immobilier, sont restés atones (-0,1 %). Malgré des exportations dynamiques portées par l’automobile et les semi-conducteurs, le solde extérieur a affiché contribution limitée (+0,1 point) en raison de la hausse des importations.
  • Accord commercial États-Unis-Corée | À l’issue du sommet bilatéral TRUMP-LEE du 29 octobre à Gyeongju, la Corée du Sud et les États-Unis ont finalisé les détails de leur nouvel accord commercial, précisant le cadre défini en juillet. Séoul a obtenu un abaissement effectif des droits de douane américains sur les automobiles et pièces coréennes de 25 % à 15 %, aligné sur les taux appliqués au Japon et à l’Union européenne, ainsi que des avantages ciblés (traitement de la nation la plus favorisée - MFN ou suppression des droits) hors secteur automobile (produits pharmaceutiques génériques, bois, pièces aéronautiques, ressources naturelles non disponibles aux États-Unis) et une clause de non-déclassement par rapport à Taïwan sur les semi-conducteurs. Les deux pays ont aussi précisé les modalités du plan d’investissement coréen de 350 Mds USD aux États-Unis : 200 Mds USD en liquidités, plafonnés à 20 Mds USD par an pour éviter un choc sur le marché des changes, et 150 Mds USD destinés à la coopération navale, pilotée par les entreprises coréennes. Les États-Unis et la Corée du Sud ont également signé un Mémorandum of Understanding (MoU) pour renforcer leur coopération scientifique et technologique dans des domaines stratégiques tels que l’IA, les télécommunications (6G), la biotechnologie, les technologies quantiques et l’exploration spatiale. Un projet de loi devrait également être déposé prochainement, les réductions tarifaires devant s’appliquer rétroactivement à compter du mois de dépôt du projet de loi. Au-delà du volet économique, le président américain a donné son accord à la construction par la Corée du Sud de sous-marins à propulsion nucléaire, décision saluée la presse coréenne comme une victoire diplomatique et un tournant stratégique dans la coopération de défense bilatérale, alors que le pays ambitionne de figurer dans le top 4 des exportateurs d’armements.

Secteurs non financiers 

  • Spatial | Le 5ème Forum spatial Corée–France s’est tenu le 27 octobre à Séoul. L’événement, organisé conjointement par la Korea Aerospace Administration (KASA), créée en mai 2024, et le Centre national des études spatiales (CNES), s’inscrit dans la continuité des rencontres spatiales bilatérales initiées depuis 2015 et visait à renforcer la coopération industrielle et technologique à l’ère du New Space. À cette occasion, les deux agences ont signé un accord-cadre sur les activités spatiales globales, destiné à étendre la collaboration publique aux acteurs privés et à stimuler la recherche conjointe. En marge du forum, une rencontre B2B a réuni 15 entreprises coréennes et 17 françaises, explorant des opportunités de co-développement dans les domaines des solutions d’observation de la Terre, des capacités orbitales de nouvelle génération, de l’exploration spatiale et de l’espace commercial.
  • APEC CEO Summit 2025 | Lors du APEC CEO Summit 2025 tenu à Gyeongju, plusieurs groupes internationaux ont annoncé de nouveaux projets d’investissement en Corée du Sud. Sept géants mondiaux - Amazon Web Services (AWS), Renault, Amkor Technology, Corning, Air Liquide, Siemens Healthineers et Umicore - ont annoncé un plan d’investissement combiné de 9 Mds USD sur 5 ans, principalement dans les secteurs des semi-conducteurs, de l’IA, des batteries et des Medtechs, représentant l’une des plus promesses d’investissements directs étrangers les plus élevées de ces dernières années. AWS concentrera la majeure partie de l’enveloppe, avec 5 Mds USD investis d’ici 2031 pour développer les infrastructures cloud coréen. Renault Korea a, de son côté, annoncé des investissements supplémentaires dans ses installations de production de véhicules électriques à Busan, tout en soumettant un rapport d’investissement détaillant le montant prévu à court terme. Au-delà des annonces d’engagements en capital, des partenariats industriels plus larges ont été évoqués, Nvidia ayant ainsi indiqué qu’elle fournirait des puces d’intelligence artificielle (GPU et NPU) à plusieurs grandes entreprises sud-coréennes, dont Samsung Electronics, Hyundai Motor, SK et Naver.