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Japon-Corée du Sud — Veille économique et financière du 20 au 24 octobre 2025
Cette veille hebdomadaire présente l'actualité économique et financière au Japon et en Corée du Sud du 20 au 24 octobre 2025.
Faits saillants
- La Première ministre Sanae Takaichi dévoile ses grandes orientations économiques
- Hausse des exportations japonaises en septembre, après 4 mois de repli
- De nouveaux records à la Bourse de Tokyo
- Vers un cadre réglementaire des stablecoins par la Financial Services Commission coréenne
Japon
Macroéconomie
- Gouvernement Takaichi | Elue Première ministre le 21 octobre, Sanae Takaichi a dévoilé dans la foulée la composition de son gouvernement. Aux postes économiques clés figurent Satsuki Katayama en tant que Ministre des Finances (MoF), ancienne ministre de la Revitalisation économique et ex-haute fonctionnaire du MoF, Ryosei Akazawa, ex-principal négociateur de l’accord commercial conclu avec les États-Unis en juillet comme Ministre de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie (METI), et Kimi Onoda, Ministre chargée de la Sécurité économique, également en charge d’un nouveau portefeuille sur la « coexistence harmonieuse avec les ressortissants étrangers », destiné à renforcer le contrôle migratoire. Le nouveau gouvernement bénéficie d’un taux d’approbation élevé de 64 % (Kyodo News), supérieur à ceux enregistrés lors des entrées en fonction des deux dernières administrations Kishida (56 %) et Ishiba (51 %). S. Takaichi a fixé 3 grandes priorités aux nouveaux ministres : (i) atteindre une croissance solide grâce à une politique fiscale « responsable » – en veillant à la soutenabilité de la dette – et « proactive », (ii) redynamiser l’ensemble des préfectures japonaises pour soutenir les communautés rurales, et (iii) renforcer les capacités de Défense en anticipant l’augmentation des dépenses militaires, à 2 % du PIB dès la fin de l’exercice fiscal en cours (i.e. à fin mars 2026), en lieu et place de l’horizon 2027 initialement prévu.
Par ailleurs, la Première ministre s’entretiendra avec le Président Trump à l’occasion de sa visite au Japon prévue du 27 au 29 octobre. Leurs échanges devraient porter sur la mise en œuvre du programme d’investissements japonais aux États-Unis de 550 Mds USD, le rééquilibrage de la balance commerciale bilatérale, l’autonomie militaire du Japon, ainsi que la parité dollar US/yen, en présence notamment du Secrétaire américain au Trésor, S. Bessent.
- Priorités économiques | Première initiative majeure de la politique fiscale « proactive et responsable » de la Première ministre, le nouveau gouvernement travaille sur un budget supplémentaire estimé entre 15 000 et 20 000 Mds JPY (soit entre 85 et 115 Mds EUR), fidèle à la matrice abenomiste que Mme Takaichi incarne ouvertement. En matière d’orientations économiques, S. Takaichi a confié à Satsuki Katayama, Ministre des Finances, la mise en œuvre d’une politique de relance conciliant croissance et discipline budgétaire. Ses priorités incluent la réforme conjointe des dépenses et des recettes publiques dans le cadre d’un Fiscal Revitalization Plan, avec comme mesures ciblées (i) la rationalisation des niches fiscales et des subventions, (ii) une meilleure allocation des ressources via des outils d’Evidence-Based Policy Making, et (iii) une large réforme de la Sécurité sociale nippone. Cette ambition de rationalisation des dépenses publiques fait écho à l’accord de coalition entre le Parti libéral démocrate (PLD – présidé par S. Takaichi) et le parti Ishin (Japan Innovation Party) conclu le 20 octobre, qui comprend la création d’un Bureau de l’efficacité administrative sur le modèle du Department of Government Efficiency (DOGE) américain. La Ministre S. Katayama est également chargée de la création d’un crédit d’impôt remboursable pour les ménages les plus modestes, ainsi que du renforcement du contrôle des IDE entrants au Japon.
- Commerce extérieur | Les exportations japonaises ont progressé de +4,2 % en glissement annuel (g.a.) en septembre, en partie portées par la faiblesse du yen face au dollar US, mettant ainsi fin à 4 mois consécutifs de repli et ce, en dépit d’un impact des droits de douane américains dont la matérialisation est à venir. Ce rebond, légèrement inférieur aux prévisions du marché (+4,6 %), a été surtout porté par les progressions des ventes en direction de la Chine (+5,8 %) et de l’Europe (+5,0 %). Il contraste avec la baisse continue des exports vers les États-Unis (-13,3 % en g.a.), dont -24,2 % pour le secteur automobile et -45,7 % pour les équipements de semi-conducteurs. De leur côté, les importations ont crû de +3,3 % en g.a. (dont +13 % en provenance de l’Europe), creusant ainsi le déficit commercial de septembre à 234,6 Mds JPY (soit 1,3 Md EUR) en septembre, loin de l’excédent attendu.
Secteur financier
- Marchés | La perspective de l’élection de Sanae Takaichi à la tête du gouvernement japonais a déclenché depuis deux semaines une « Takaichi Trade », marquée par un afflux de capitaux vers les actifs japonais et une nouvelle dépréciation du yen en anticipation d’une ligne budgétaire expansionniste, conjuguée à un environnement monétaire toujours accommodant. Le Nikkei 225, principal indice de la Bourse de Tokyo, a ainsi frôlé le seuil symbolique et historique des 50 000 points le jour de l’élection de la Première ministre, porté par les valeurs industrielles et financières. Sur le marché des changes, le yen s’est affaibli, glissant à 152,8 JPY pour 1 USD et 177,5 JPY pour 1 EUR. La nouvelle Ministre des Finances, S. Katayama, partisane d’une devise plus forte (entre 120 et 130 JPY pour 1 USD), a indiqué que « les taux de change devraient évoluer de manière stable, en reflétant les fondamentaux ». Sur le marché obligataire, les rendements des obligations d’État japonaises (JGBs) ont progressé de +3,8 pbs à 10 ans et de +2,8 bps à 30 ans le 20 octobre, avant la conclusion de l’accord de coalition entre le PLD et le parti Ishin, avant de marquer un léger repli (hausse de la demande) au cours des jours suivants (taux à 10 ans à 1,65 %, et à 30 ans à 3,06 %, le 24 octobre). Les acteurs de marché adoptent ainsi une posture mêlant optimisme prudent et vigilance macro-financière.
Secteurs non financiers
- Gaz | En amont de la visite du Président Trump au Japon, le Secrétaire au Trésor américain - S. Bessent - a appelé le Japon à interrompre ses importations de gaz russe. L’ancien ministre de l’économie Y. Muto (remplacé depuis par R. Akazawa – auparavant négociateur commercial en chef du Japon) a rappelé que la priorité du Japon était de répondre avant tout aux intérêts nationaux – rendant improbable la suspension des livraisons de GNL depuis la Russie à court terme malgré la pression américaine. Le gaz russe représente 9 % des approvisionnements en GNL du Japon, issus en majorité des contrats long-terme du projet Sakhaline-2 dans lequel deux entreprises japonaises, Mitsui&Co. et Mitsubishi Corp, détiennent respectivement 12,5 % et 10 % du capital. Ces contrats long-terme, qui représentaient 5,58 Mt en 2024, assurant la production de près de 3 % de l’électricité du Japon, garantissent une sécurité d’approvisionnement conséquente pour le pays, en volumes comme en stabilité des prix. Les acteurs japonais entendent par ailleurs profiter également de la croissance des marchés du GNL dans la région Asie-Pacifique, via le renforcement de leurs activités de négoces (environ 35 % des achats japonais de GNL sont destinés aux activités de revente). Dans ces conditions, et malgré un rapprochement constaté avec les producteurs américains de GNL (contrats long-terme de 20 ans pour un total de 5.5 Mt GNL signé par JERA aux Etats-Unis en 2025), les entreprises nippones ne sont clairement pas enclines à stopper leurs achats de gaz russe de façon anticipée.
- Spatial | La startup japonaise ispace a levé 25 Mds JPY (environ 170 M USD) pour financer son programme d’atterrissage lunaire, dont le lancement est prévu en 2027 (Missions 3 et 4). Cette levée de fonds a été réalisée grâce à une offre publique d'actions et des placements privés, avec le soutien de plusieurs entreprises, dont le groupe Toyota Motor. Malgré l’échec de sa mission d'alunissage de juin dernier, ispace espère que cette levée de fonds favorisera la production à grande échelle de ses transporteurs, relancera son cours de bourse qui avait chuté et financera la conception d’un atterrisseur de nouvelle génération (Mission 5) prévu pour 2029. Le soutien de Toyota témoigne de l'intérêt croissant des grands groupes japonais pour les start-ups dans le secteur du NewSpace, en pleine expansion. Les projets gouvernementaux et des financements privés, nationaux et étrangers, stimulent le développement de l’industrie spatiale japonaise. Selon les prévisions, le marché mondial de l’exploitation de la surface lunaire pourrait atteindre 170 Mds USD d’ici 2040. Ce phénomène s'inscrit dans une tendance plus large de soutien des grandes entreprises japonaises aux start-ups, via notamment des fonds de capital-risque.
Corée du Sud
Macroéconomie
- Marché du travail | En septembre, l’économie sud-coréenne a créé 312 000 emplois sur un an, soit la plus forte hausse depuis 19 mois, portant le taux d’emploi (15 ans et plus) à 63,7 % et le taux d’activité à 65 %, leur plus haut niveau jamais enregistré pour un mois de septembre. Le taux de chômage, quant à lui, s’est maintenu à 2,1 %. Cette forte progression masque toutefois des déséquilibres structurels. La quasi-totalité des nouveaux emplois a profité aux travailleurs de 60 ans et plus (+381 000), alors que l’emploi des moins de 60 ans a reculé de -69 000. Par ailleurs, la dynamique reste concentrée dans les services à faible productivité - hébergement, commerce de détail, loisirs - tandis que l’industrie manufacturière (-61 000), la construction (-84 000) et l’agriculture (-146 000) ont subi de nouvelles pertes. Ce déplacement de l’emploi vers des secteurs moins productifs soutient les chiffres de l’emploi à court terme, mais pourrait peser sur la progression des salaires et de la productivité.
- Investissements directs étrangers | Les flux d’investissements directs étrangers (IDE) déclarés à destination de la Corée ont reculé de -18 % sur les trois premiers trimestres de 2025 par rapport à l’an dernier, s’établissant à 20,7 Mds USD, soit leur plus bas niveau depuis 2021. Selon le Ministère de l’industrie et du commerce (MOTI), ce repli serait imputable aux incertitudes politiques précédant l’élection présidentielle de juin, aux tensions commerciales internationales, ainsi qu’à la dépréciation du won. Par type d’investissement, les IDE greenfield ont diminué de ‑6,1 %, à 17,8 Mds USD, les opérations de fusion-acquisition enregistrant pour leur part une chute de ‑54 %, à 2,9 Mds USD. Par pays d’origine, les IDE en provenance des États-Unis ont nettement augmenté (+59 % à 4,9 Mds USD), tandis que ceux en provenance du Japon (-23 % à 3,6 Mds USD), de la Chine (-37 % à 2,9 Mds USD) et de l’UE (-37 % à 2,5 Mds USD) se sont fortement contractés.
Secteur financier
- Politique monétaire | La Banque de Corée a maintenu son taux directeur à 2,5 %, marquant un troisième maintien consécutif, après la baisse opérée en mai dernier. L’institution a justifié sa décision par des inquiétudes liées au marché immobilier, à la volatilité du won et aux incertitudes commerciales persistantes. Le comité a toutefois relevé que, malgré un contexte encore incertain, la reprise de l’activité se poursuivait, portée par la consommation et les exportations. Le comité a précisé qu’une réduction de taux lors de la réunion de novembre restait envisageable.
- Monnaie numérique | La Financial Services Commission (FSC), principale autorité de régulation financière du pays, a annoncé que la Corée du Sud était entrée dans la dernière phase de coordination précédant l’introduction d’un cadre législatif sur les stablecoins, en particulier ceux adossés au won. Le projet de loi, encore en cours de finalisation, prévoit l’instauration d’un système de licence pour les émetteurs, l’obligation de maintenir des réserves équivalentes à 100 % ou plus du montant émis, l’interdiction du versement d’intérêts sur les stablecoins à usage de paiement, ainsi que des garanties renforcées pour les droits de rachat des utilisateurs. Le texte devrait être soumis à l’Assemblée nationale d’ici la fin de l’année.
Secteurs non financiers
- Aérospatial | À l’occasion du salon ADEX (Seoul International Aerospace and Defense Exhibition), le président LEE Jae-myung a déclaré l’ambition de la Corée de devenir la quatrième puissance mondiale dans le secteur de la défense. En marge de cet événement, Airbus Defense and Space (DS) et Lig Nex1, entreprise coréenne d’aérospatiale et de défense, ont signé un protocole d’accord visant un élargissement de la coopération industrielle au-delà des projets existants afin d’inclure des systèmes intégrés de défense aérienne et des solutions de défense numériques. Korean Air a parallèlement signé un accord-cadre de partenariat avec Lockheed Martin, entreprise américaine de défense et de sécurité, afin de fournir un soutien logistique aux avions militaires américains, renforçant ainsi son rôle de partenaire dans le domaine de la maintenance dans la région Indo-Pacifique. Korean Air a également signé un partenariat avec Archer Aviation, société américaine spécialisée dans la mobilité aérienne, pour développer d’abord des applications de leurs drones dans des projets de défense et gouvernementaux, avant d’envisager une extension à des applications plus larges.