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Japon-Corée du Sud - Veille économique et financière du 13 au 19 septembre 2025
Cette veille hebdomadaire présente l'actualité économique et financière au Japon et en Corée du Sud du 13 au 19 septembre.
Faits saillants
- Au plus haut, les indices boursiers coréen et nippon poursuivent leur ascension
- La Banque du Japon maintient son taux directeur à 0,5 %
- Le retrait de Mitsubishi Corp. de 3 projets éolien en mer menace les objectifs énergétiques japonais
- Absence d’avancées dans les négociations commerciales Corée du Sud – Etats-Unis
Japon
Macroéconomie
- Inflation | Selon le Statistics Bureau of Japan, l’inflation a légèrement décéléré en août à +2,7 % en glissement annuel (g.a), sous la barre des +3 % pour la première fois depuis 8 mois mais toujours au-dessus de la cible de la Banque centrale de +2 %. L’inflation core (hors produits frais) s’est élevée à +2,7 % en g.a, tandis que l’inflation core core (excluant aussi l’énergie) a atteint +3,3 %. Selon la Banque du Japon, l’inflation devrait s’élever à +2,7 % sur l’ensemble de l’exercice fiscal 2025-2026, avant de ralentir à +1,8 % sur la prochaine année fiscale 2026-2027.
- Commerce | En août, les exportations japonaises ont enregistré une nouvelle contraction, pour le 4ème mois consécutif, de -0,1 % en g.a, pénalisées par la forte baisse des ventes vers les Etats-Unis (-13,8 % en g.a.). En particulier, les exportations du secteur automobile vers les Etats-Unis (soit le tiers du total des importations américaines depuis le Japon) ont chuté en valeur de - 28,1 % pour les véhicules assemblés et de -7,1 % pour les pièces automobiles. Le décret présidentiel signé par D. Trump le 4 septembre formalisant l’accord commercial Japon-Etats-Unis fixe désormais les droits de douane « réciproques » et pour les importations automobiles à 15 %, après des tarifs à 27,5 % en vigueur en août pour le secteur automobile. À noter que les exportations vers l’Europe, en revanche, ont affiché sur le mois une progression de +5,5 %.
Secteur financier
- Politique monétaire | À l’issue de sa réunion de politique monétaire des 18 et 19 septembre, la Banque du Japon a maintenu inchangé son taux directeur (uncollateralized overnight call rate) à 0,5 % (en vigueur depuis janvier 2025), à 7 voix contre 2. Si la Banque affiche toujours un objectif de normalisation de sa politique monétaire, la reprise du cycle de hausse des taux reste perturbée par les incertitudes sur les plans domestique (instabilité politique après l’annonce de la démission du Premier ministre Ishiba) et international (impact des droits de douane de l’administration Trump sur le commerce extérieur nippon).
- Indices boursiers | Le 16 septembre, le principal indice boursier nippon, le Nikkei 225, a passé pour la première fois la barre des 45 000 pts (+14,5 % depuis le début de l’année 2025). Cette performance reflète les gains des entreprises de la Tech sur le marché américain (notamment pour les semiconducteurs), ainsi que l’optimisme des investisseurs induit par l’entrée en application de droits de douane états-uniens « réciproques » fixés à 15 % pour le Japon. Après des signaux prometteurs pour l’économie américaine à l’issue de la réunion mensuelle de la Fed, le Nikkei 225 a clôturé à 45 303 pts, record historique. L’indice TOPIX, dont la base est plus large, a également enregistré un record le 16 septembre en dépassant brièvement les 3 180 pts (+13,3 % depuis le début de l’année).
- Taux de change USD/JPY | Le 11 septembre, le US Department of Treasury et le ministère des Finances japonais ont publié un communiqué conjoint réaffirmant leur conviction partagée de voir le taux de change USD/JPY déterminé uniquement par le marché. Ce communiqué fait suite aux échanges entre les ministres K. Katō et S. Bessent en marge des négociations nippo-américaines sur les barrières tarifaires, et représente un signal rassurant pour les acteurs du Forex après les accusations de D. Trump à propos de manipulations supposées du taux de change des autorités japonaises en faveur d’un yen faible. Dans les faits, le ministère des Finances japonais serait intervenu l’an dernier à plusieurs reprises sur le marché de change dans le but de soutenir le yen, pour un montant cumulé d’à peu près 100 Mds USD.
Secteurs non financiers
- Intelligence artificielle | La première réunion de l’AI Strategic Headquarter, qui s’est tenue le 12 septembre, a permis de dégager un premier projet en faveur d’une stratégie nationale de l’IA, que le gouvernement espère finaliser d’ici à la fin de l’année, alors que le Premier ministre démissionnaire S. Ishiba a récemment déclaré que l’IA était un secteur prioritaire pour la sécurité nationale. Cette stratégie ambitionne d’accélérer la promotion et le développement de l'IA, renforcer les capacités de développement via la recherche et l’innovation, devenir un leader de la gouvernance autour de l’IA, et favoriser un environnement capable d’assurer une intégration éthique de l’IA dans la société. Cette réunion fait suite à l’adoption de l’Act on the Promotion of Research and Development and the Utilization of AI-Related Technologies le 28 mai dernier. Le Japon entend rattraper son retard dans la course au développement face à des acteurs comme les Etats-Unis et la Chine. En novembre 2024, le Premier ministre Ishiba avait déjà annoncé un plan d’investissement de 100 000 Mds JPY (690 Mds USD) jusqu’à 2030.
- Energie | Mitsubishi Corporation (MC) a annoncé le 27 août dernier son retrait des 3 projets éolien en mer remportés en 2021 dans le cadre du premier appel d’offre (AO) du Japon, d’une capacité totale de 1,76 GW et qui devaient entrer en service entre 2028 et 2030. MC avait soumis des offres particulièrement agressives, comprises entre 11,99 et 16,49 JPY/kWh, soit 50 % de moins que la moyenne des autres candidats. Face à une hausse de 20 % des coûts de construction et un doublement du prix des turbines depuis 2021, l’entreprise s’est finalement retirée et devra s’acquitter d’une pénalité de 135 M USD. En février 2025, l’entreprise avait déjà enregistré une charge de dépréciation de 354 M USD, laissant planner de sérieux doutes quant à sa capacité à réaliser le projet, désormais confirmé avec ce retrait officiel. Cette décision a été accueillie de façon mitigée par les industriels, certains ayant estimé dès 2021 qu’une telle offre ne pouvait aboutir et que ce retrait permettrait d’accélérer les déploiements avec des acteurs plus crédibles ; d’autres redoutent un signal négatif pour la filière au Japon. En réponse, le gouvernement a indiqué (i) ne pas remettre en cause sa trajectoire -très ambitieuse- de déploiement de l’éolien en mer (30-45 GW en 2040, contre seulement 0,25 GW en 2025), (ii) procéder à une remise rapide aux enchères des sites abandonnés par MC, et (iii) proposer des conditions plus favorables qui s’appliqueront aux projets en cours et aux futurs AO (probablement en 2026) comme l’extension de 10 années supplémentaires des contrats de concession. Le cas de MC n’est pas isolé, la filière offshore connaissant également des difficultés en Europe et aux USA, en raison d’une augmentation généralisée de ses coûts.
Corée du Sud
Macroéconomie
- Négociations commerciales | La visite aux États-Unis du ministre sud-coréen du Commerce, de l’Industrie et de l’Énergie, Kim Jung-kwan (11-12 septembre) auprès de son homologue américain Howard Lutnick, n’a pas permis d’aboutir à des progrès tangibles dans la mise en œuvre de l’accord-cadre tarifaire. Annoncé fin juillet, l’accord prévoit l’abaissement des droits de douane américains de 25 % à 15 %, en contrepartie d’un engagement de 350 Mds USD d’investissements aux États-Unis, dont 150 Mds USD dans la construction navale, et de 100 Mds USD d’achats de produits énergétiques américains sur 4 ans. Les négociations achoppent sur plusieurs points: (i) Séoul propose un « paquet financier » mêlant prêts, assurances et garanties, là où Washington exige un fonds composé exclusivement d’investissements directs ; (ii) les États-Unis réclament jusqu’à 90 % des bénéfices et un droit de regard quasi exclusif sur la gouvernance, demandes jugées disproportionnées par Séoul ; (iii) enfin, le Corée souhaite instaurer une ligne de swap KRW-USD illimitée pour contenir l’impact sur le marché des changes et le cours du KRW. Pour rappel, la FED a conclu des accords de swap permanents avec les banques centrales du Canada, de la Grande-Bretagne, du Japon, de l’Union européenne et de la Suisse. Des lignes de swap temporaires de 60 Mds USD avaient été établies avec la Banque de Corée en mars 2020 pendant la pandémie sanitaire. Faute d’avancées, les exportations d’automobiles coréennes restent taxées à 25 %, alors que le Japon bénéficie depuis le 16 septembre d’un tarif réduit à 15 %, accentuant le désavantage compétitif pour les constructeurs coréens. Plus largement, le contexte diplomatique entre la Corée et les Etats-Unis s’est récemment tendu avec l’arrestation de plus de 300 travailleurs coréens dans une usine de Hyundai-LG en Géorgie (États-Unis), conduisant Séoul à rapatrier les travailleurs arrêtés et demander la création d’une nouvelle catégorie de visa adaptée.
Secteur financier
- Budget et réforme institutionnelle | Le gouvernement sud-coréen a présenté un projet de budget pour 2026 en forte progression par rapport à celui de cette année (+8,1 % à 780 000 Mds KRW, soit 528,5 Mds USD). En tenant compte des deux budgets supplémentaires adoptés en 2025, le projet de budget afficherait en réalité des dépenses en légère baisse de -0,5 %. Le budget de 2026 vise avant tout à stimuler la croissance, via notamment un triplement des dépenses consacrées à l’IA (7,3 Mds USD), assortis d’investissements massifs dans les infrastructures. Les dépenses de R&D devraient également croître à un niveau record (+19 % à 25,6 Mds USD), avec un ciblage accru sur six secteurs stratégiques : l’IA, la biotechnologie, les contenus culturels, la défense, l’énergie et les industries manufacturières de pointe. Ce budget, qui sera examiné par la commission de l’Assemblée nationale en octobre et novembre pour une adoption prévue début décembre, porterait le déficit public à 4,0 % du PIB et le ratio dette/PIB à 51,6 %. Parallèlement à ces orientations budgétaires, le gouvernement a engagé une réforme institutionnelle d’envergure, effective au 2 janvier 2026. Côté finances publiques, les fonctions budgétaires de l’actuel ministère de l’Économie et des Finances (MOEF) seront transférées à un Bureau de la planification et du budget rattaché au Premier ministre. En matière financière, les compétences de politique nationale, jusqu’ici exercées par la Financial Services Commission (FSC), autorité des marchés financiers, seront recentrées au sein du MOEF, tandis que la FSC et la Financial Supervisory Services (FSS), autorité de supervision des institutions financières, fusionneront pour donner naissance à une Commission de supervision financière. Enfin, un nouveau ministère du Climat, de l’Énergie et de l’Environnement sera créé, regroupant les compétences jusque-là relevant du Ministère de l’Industrie, du Commerce et des Ressources (MOTIE), à l’exception du nucléaire et des ressources extérieures.
- Bourse | Le KOSPI, indice boursier de la Corée, a poursuivi sa progression spectaculaire amorcée depuis le printemps, franchissant pour la première fois la barre des 3 400 points, et culminant le 16 septembre à 3 449 points. Au total, l’indice affiche une hausse de plus de +40 % depuis le début de l’année, soit la meilleure performance parmi les grands indices mondiaux. La progression a d’abord été portée par les avancées dans les négociations tarifaires et les réformes et plans de relance de la nouvelle administration. Depuis fin août, la dynamique s’est renforcée sous l’effet d’anticipations d’un assouplissement monétaire de la Fed et de la surperformance des valeurs technologiques (notamment SK Hynix et Samsung Electronics). Les flux ont largement été portés par les investisseurs étrangers, dont les achats nets, positifs chaque mois depuis mai, se sont nettement accélérés en septembre (plus de 6 700 Mds KRW au 16 septembre, leur plus haut niveau depuis février 2024).
Secteurs non financiers
- Politique industrielle | Le 16 septembre, le MOTIE a présenté un plan industriel et énergétique visant à consolider la position de la Corée comme puissance industrielle et technologique mondiale. Les axes stratégiques s’articulent autour de nouveaux relais de croissance (IA industrielle, humanoïdes, bio-santé, K-culture, défense/aérospatial et climat-tech), de l’innovation dans les industries stratégiques (semi-conducteur, batteries, construction navale, etc.), du commerce et de la sécurité économique, des « autoroutes » de l’énergie (modernisation du réseau, intégration des renouvelables, développement de l’IA énergétique), de la transition énergétique, de la neutralité carbone et de l’économie circulaire et du développement régional équilibré et inclusif (décentralisation). Le plan entend répondre au programme du président LEE Jae-myung, articulé autour de 5 grands objectifs : (i) politique de rassemblement, (ii) économie innovante, (iii) croissance équilibrée et inclusive, (iv) renforcement de la base sociétale, et (v) diplomatie et sécurité centrées sur l’intérêt national.