La production gazière égyptienne poursuit son recul en 2025, creusant le déficit énergétique et renforçant la dépendance aux importations. Face à cette situation, les autorités accélèrent les initiatives pour relancer l’exploration et sécuriser l’approvisionnement, notamment via un accord stratégique avec Israël. Cet accord intervient alors que l’Égypte fait face depuis juillet 2024 à un déficit énergétique croissant, conséquence d’une baisse de près de 18% de sa production gazière.

 

I. Une production gazière en recul, accentuant la dépendance aux importations

La production gazière en Égypte poursuit son déclin en 2025, accentuant la dépendance du pays aux importations - production gazière nationale estimée à 4,3 Mds de pieds cubes par jour (cfd) en janvier 2025 (contre 4,6 Mds en janvier 2024), pour une demande de 6,2 Mds. L'Égypte est déjà dépendante d’environ 1 Md de cfd de gaz acheminé par gazoduc depuis Israël (+18% sur un an), soit près de cinq fois le niveau enregistré en 2019. Le pays a également importé 1,1 M de tonnes de GNL pour sécuriser son approvisionnement – environ 15 cargaisons, au cours du premier trimestre 2025, pourtant caractérisé par une demande plus faible en saison hivernale. La baisse de production du champ Zohr, dont les volumes ont été divisés par plus de deux depuis 2019, constitue le principal facteur du recul global de la production gazière en Égypte. Ces difficultés ont entrainé une contraction de 92% des exportations de gaz naturel entre 2022/23 et 2023/24, ramenées de 7,2 Mds USD à 605 M USD sur la période. Ainsi, l’Égypte est passée d’exportateur net à importateur net, accentuant le déficit commercial qui atteint 10,3% du PIB durant l’exercice 2023/24. En outre, les importations de gaz pèsent significativement sur le budget de l’État, en particulier en raison de coûts de transaction élevés.

II. Stratégies de relance : exploration offshore et incitations pour les investissements en Méditerrannée 

Dans le cadre de sa stratégie de relance de la production nationale de pétrole et de gaz, le ministère égyptien du Pétrole multiplie les initiatives pour ouvrir de nouvelles zones offshores à l’exploration, notamment en Méditerranée. Alors que Chevron a entamé le forage du puits Khanjar-1, ExxonMobil celui du puits Nefertari-1, Eni prévoit deux nouveaux forages sur le champ de Zohr en 2025. Au premier trimestre 2025, plusieurs entreprises ont répondu à l'appel d'offres international lancé par la compagnie égyptienne de gaz naturel (EGAS) à l’été 2024 concernant quatre nouvelles zones d'exploration offshore en Méditerranée. En outre, neuf autres blocs onshore, dont quatre situés dans des champs opérés par les sociétés publiques égyptiennes feront l’objet de « nouveaux développement » pour accroître leurs niveaux de productivité.

Les perspectives d’exploitation de nouveaux champs en mer Rouge demeurent à l’inverse non garanties. En 2019, la South Valley Petroleum Holding Company – filiale du ministère égyptien du Pétrole – avait attribué trois blocs d'exploration offshores à Shell, Chevron et au fonds souverain d’Abu Dhabi Mubadala. Les activités d’exploration sur ces concessions ont représenté un investissement initial de 326 M USD. Toutefois, en avril 2025, les trois entreprises ont annoncé la fin de leurs activités en mer Rouge, jugeant les résultats des études sismiques peu prometteurs et l’exploitation économiquement non rentable. Elles ont ainsi renoncé à l’exploitation des champs, préférant réorienter leurs investissements en Méditerranée.

Dans un contexte de déclin de la production gazière, le gouvernement multiplie les incitations à destination des investisseurs étrangers, notamment via la possibilité d’exporter une part de la production. L’Égypte prévoit également de rehausser le prix d’achat du gaz naturel auprès de certains partenaires étrangers, sur des sites ciblés, dans le cadre d’accords bilatéraux. Cette orientation vise également à rassurer le secteur privé au regard des importants arriérés de paiement des sociétés publiques égyptiennes et tensions de liquidité qui ont conduit certaines entreprises à réduire leurs activités dans le pays.

III. Un accord majeur avec Israël pour sécuriser l’approvisionnement

Le 7 août dernier, l’américain Chevron (40 % du champ Léviathan) et ses partenaires israéliens NewMed Energy (45 %) et Ratio (15 %) ont conclu un avenant à un accord en date du 26 septembre 2019 avec Blue Ocean Energy, acheteur égyptien, visant à presque doubler les livraisons de gaz issues du champ Léviathan, pour atteindre 1,25 Md de pieds cubes par jour (pcj) d’ici 2040, contre 680 M pcj en 2024. L’accord datant de 2019 portait sur la fourniture de 60 Md de m³ sur 15 ans et prévoyait une augmentation progressive des volumes à partir de 2025.

Estimé à 35 Md USD, cet accord représente 21% des réserves du champ Léviathan, soit 130 Md de m³ sur 15 ans, et constitue le plus important contrat d’exportation gazière jamais signé par Israël. Le montant du contrat repose sur l’hypothèse que l’acheteur égyptien consommera l’intégralité des quantités prévues, ainsi que sur les projections du prix du gaz naturel et du Brent sur la période d’approvisionnement. Le prix négocié, fixé à 7,6 USD/MBtu, est supérieur de 30% à celui appliqué au premier trimestre 2025 pour les importations égyptiennes en provenance de Léviathan (5,83 USD/MBtu). Il demeure toutefois inférieur aux 12-13 USD/MBtu payés par les autorités égyptiennes pour leurs importations de GNL, dont le coût devrait continuer à croître sous l’effet de la demande européenne qui cherche à compenser la baisse des livraisons russes. Le contrat prévoit en outre un mécanisme de mise à jour des prix sur toute sa durée.

L’accord prévoit une hausse de l’approvisionnement de gaz israélien en l’Égypte en deux phases. La première, attendue en 2026, porte sur la vente de 20 Md m³, augmentant de 45% les livraisons journalières transitant par l’East Mediterranean Gas Pipeline (EMG).  Sa mise en œuvre est conditionnée à la construction d’un troisième gazoduc reliant le réservoir Léviathan à la plateforme de production, augmentant de 17% la capacité d’exploitation du champ. En parallèle, l’opérateur Israel Natural Gas Lines (INGL) devra avoir achevé l’extension offshore Ashdod–Ashkelon de l’EMG, portant sa capacité de 600 à 800 M pcj. La seconde phase, prévue pour 2029, prévoit la vente de 110 Md m³ supplémentaires d’ici 2040. Elle repose sur deux conditions : (i) l’adoption de la décision finale d’investissement pour la construction d’une nouvelle extension du champ Léviathan destinée à accroître ses capacités de près de 45% d’ici 2029, soit 2 Md pcj contre 1,4 Md pcj attendu en 2026 (les capacités de Léviathan s’élevaient en moyenne à 1,2 Md pcj en 2024) ; (ii) la conclusion d’un accord avec l’opérateur INGL sur le partage des capacités du futur gazoduc Nitzana (65 km, 600 M pcj), reliant le réseau gazier sud d’Israël à l’Égypte.