Commerce extérieur de Singapour en 2024 et perspectives 2025
Le commerce extérieur reste un pilier de la croissance singapourienne, contribuant en moyenne pour 1,4 point de croissance depuis 2019[i] et représentant plus de trois fois son PIB (~1 700 Md USD d’échanges de biens et de services[ii]). En 2024, la progression des exportations de biens (+6 %) a principalement été portée par le cycle global haussier dans le secteur de l’électronique et par le dynamisme des réexportations en fin d’année, en anticipation des nouvelles tensions commerciales provoquées par Trump 2.0. Ces dernières continuent de peser pour plus de la moitié des exportations (57 %), illustrant le rôle de hub commercial et logistique joué par Singapour dans l’ASEAN et le reste de l’Asie. Cette situation est confortée par l’importance du port (2e mondial en volume de containers après Shanghai[iii]) et l’emplacement de la cité-État sur le détroit de Malacca (près de 30 % du trafic maritime global[iv]).
Avant-propos : Les exportations de Singapour se répartissent en deux catégories : d’une part, celles « locales » ou « domestiques », concernant les biens produits ou transformés sur place ; d’autre part, les réexportations, qui sont les biens importés puis réexpédiés. En 2024, les exportations locales non pétrolières ont pesé 26 % du total, les exportations pétrolières 17 %, et les réexportations 57 %.
En 2024, Singapour représente 2,1 % des exportations mondiales de biens (14e mondial)[v], d’après les données des Nations Unies et de l’OMC[vi], derrière la France (2,6 %, 10e), les États-Unis (8,6 %, 2e) et la Chine (14,9 %, 1e). Hors réexportations et pétrole, son poids n’est plus que de 0,5 %. Son modèle est historiquement fondé sur une ouverture commerciale poussée, illustrée par la conclusion d’une trentaine d’accords commerciaux[vii] (dont un avec l’UE depuis 2019).
1. Les exportations totales de biens progressent de 6 % en 2024, portées par le cycle global haussier dans l’électronique et le dynamisme des réexportations en fin d’année
Par géographie, les pays de l’ASEAN restent les premiers clients naturels de Singapour du fait de leur proximité (146 Md USD ; +13 %), pesant près de 30 % de ses exportations. Hors ASEAN, le 1er client est de loin la Chine[viii] (25 %), devenu partenaire de première importance pour la cité-État, du fait de son ascension commerciale depuis vingt ans (cf. partie III). Viennent ensuite les États-Unis (8 %) et l’UE (6 %) – la France étant 24e (0,6 %), derrière l’Allemagne (1,4 %).
1. a. La performance des exportations « locales » ou « domestiques » est largement guidée par les secteurs clés du pétrole, de l’électronique et des produits chimiques/pharmaceutiques
Singapour reste un hub pétrolier majeur : les exportations de produits pétroliers transformés sur place atteignent 85 Md USD, en hausse de 1,0 %, soit 17 % du total des exports et 39 % des exportations locales/domestiques. En effet, bien que Singapour ne dispose pas de gisements d’hydrocarbures, son industrie de transformation du pétrole brut lui permet de comptabiliser ces biens comme des exportations locales. À lui seul, ce secteur contribuerait pour près de 6 % du PIB singapourien[ix]. En 2024, la légère hausse de ces exportations s’inscrit dans un contexte de légère baisse des prix mondiaux du pétrole, effet compensé par une hausse en volume des exportations[x].
Les exportations locales non pétrolières[xi] se maintiennent, elles, à 130 Md USD (+0,2 %), soit 26 % du total des exports et 61 % des exportations locales. Par pays, les expéditions ont surtout progressé vers la Chine (+8 %), la Malaisie (+19 %) et Taïwan (+4 %), compensant les reculs vers les États-Unis (-7 %), l’UE (-21 %) ou le Japon (-18 %).
- Au sein de cette catégorie, les ventes du secteur électronique continuent de constituer une composante clé, représentant 23 % du total et progressant significativement en 2024 (+8,2 %). Ce secteur de pointe contribuerait pour plus de 9 % au PIB singapourien selon les autorités[xii]. En 2024, l’industrie de l’électronique a notamment bénéficié d’un cycle haussier dans le secteur à l’échelle globale en fin d’année[xiii], résultant d'une demande externe particulièrement favorable pour les ordinateurs (+39 %) et les semi-conducteurs[xiv] (+9 %). Si les envois vers les marchés occidentaux ont reculé (UE : -35 % ; États-Unis : -17 %), ainsi qu’à destination du Japon (-8 %), ils progressent vers le reste de l’Asie (Corée du Sud : +21 %, Chine : +7 %, Hong Kong : +50,5 %, Malaisie : +38,5 %)[xv], témoignant d’une intégration croissante des chaînes de valeur asiatiques.
- En parallèle, les produits chimiques (26 % du total), notamment les produits pharmaceutiques (8 %) accusent d’une baisse marquée (-11 % et -34 %, respectivement), liée à la fin du cycle post-COVID,. La chute des ventes de ce secteur concerne principalement l’UE (-33 %), le Japon (-62 %) et les États-Unis (-30 %)[xvi].
1. b. Les réexportations, reflet du rôle de hub logistique de Singapour, progressent significativement
Les réexportations s’élèvent à un niveau record de 290 Md USD en 2024 (+10 %), soit près de 57 % des exportations totales, reflet du rôle de hub logistique de la cité-Etat. La moitié concerne des produits électroniques, eux-mêmes composés à trois quarts de semi-conducteurs. La très forte concentration des réexportations vers l’Asie (plus de 80 %), avec un tiers à destination de la Chine et 10 % vers la Malaisie, illustre à nouveau le rôle de plateforme joué par Singapour dans la région et l’intégration régionale croissante. Les données de fin d’année montrent une forte hausse des réexportations hors pétrole en novembre et décembre (+14 % puis +22 % en glissement annuel), liée probablement à des effets d’anticipation avant le durcissement de la politique commerciale des États-Unis.
2. Les importations grimpent de 8 %, portées par les machines, l’électronique et le matériel transport ; la France demeure le premier fournisseur au sein de l’Union européenne
Les importations atteignent 457 Md USD : les achats pétroliers restent stables (88 Md USD ; -0,3 %), tandis que les importations hors pétrole bondissent de 10 %, à 369 Md USD – une performance à relier en partie à la hausse des réexportations. Singapour importe massivement des machines et équipements de transport (53 % du total), notamment des composants électroniques : les semi-conducteurs représentent à eux seuls 23 % des importations totales.
Comme à l’export, le premier fournisseur de Singapour est l’ASEAN (89 Md USD ; 20 % des importations totales). Les deux principaux fournisseurs, hors ASEAN, sont Taïwan (14 %) et la Chine (13 %), talonnés par les États-Unis (12 %) et la Malaisie (11 %). Hors ASEAN, l’UE est le 4e fournisseur (10 %). Par ailleurs, la France détient toujours la 1e part de marché en Europe (8e fournisseur tous pays confondus), en dépit d’une perte de vitesse (2,8 % vs 3,3 % en 2023) ; et ce, devant l’Allemagne (2,1 %) et le Royaume-Uni (2,0 %).
3. Un excédent commercial structurellement élevé, sauvé en 2024 par les services
Du fait d’une hausse plus rapide des importations (+8 %) que des exportations (+6 %), le solde commercial sur les biens se dégrade de 6 Md USD et atteint +47 Md USD. La dégradation est cependant compensée par un excédent des services en progression de 11 Md USD, à +43 Md USD[xvii], porté par les secteurs de la finance et du tourisme. L’excédent commercial global atteint ainsi +90 Md USD (+5 Md) tandis que l’excédent courant s’établit à 17,5 % du PIB – contribuant dès lors à l’accumulation de réserves de chance, particulièrement importantes dans le cas de Singapour[xviii].
Le premier excédent commercial de Singapour est avec la Chine (+66 Md USD). La tendance n’est pas nouvelle : en une vingtaine d’année, les échanges commerciaux de Singapour avec la Chine ont triplé, pour représenter désormais 19 % de son commerce extérieur. Illustrant l’intensité de la relation, l’accord commercial bilatéral (CSFTA) a été amélioré à trois reprises – dont la troisième version depuis le 31 décembre 2024 – tandis que le Premier ministre Wong a choisi la Chine pour sa première visite officielle hors ASEAN en juin 2025. À l’inverse, la cité-État creuse son déficit commercial bilatéral avec les États-Unis, qui atteint -13 Md USD en 2024, contre -8 Md USD en 2023.
[i] Données FMI article IV sur Singapour, voir « Table 1. Singapore: Selected Economic and Financial Indicators, 2019–25 »
[ii] Les données du commerce extérieur singapourien sont issues du département officiel des statistiques de Singapour (données des douanes pour les biens ; balance des paiements pour les services). Toutes les valeurs sont exprimées en dollars (taux de change utilisé : 1 USD = 1,363875 SGD, moyenne de fin de mois pour 2024). Les variations en volume utilisent les prix de 2018. La cité-État emploie la Classification type pour le commerce international (SITC, 4.1).
[iii] Singapore’s container throughput hits over 40 million TEUs in 2024, breaks record - The Business Times
[iv] These are the world's most vital waterways for global trade | World Economic Forum
[v] Au sein de ce classement, les données des exportations pour la Chine (3 575 Md USD) et Hong Kong (641 Md USD) sont présentées séparément, Hong Kong occupant ainsi la 9e place juste devant la France (627 Md USD). Par ailleurs, en incluant les réexportations, Singapour se classe 14e au niveau mondial (505 Md USD), mais hors réexportations et exports de pétrole, la cité-État dégringole à la 37e place, avec 130 Md USD d’exportations locales hors pétrole (NODX).
[vi] Trademap, données en USD, sur la base d’un montant d’exportations de biens globales de 23 880 Md USD (Chine : 3575 Md USD ; US : 2 064 Md UD ; France : 627 Md USD ; Singapour : 505 Md USD – 128 Md hors réexportations et pétrole)
[vii] D’un point de vue tarifaire, l’impact de ces accords reste limité, Singapour appliquant déjà un tarif douanier de 0 % sur la quasi-totalité des lignes : 99 % des produits importés sont exonérés de droits de douane, à l’exception de quelques boissons alcoolisées. Cette politique ancienne vise à conforter le positionnement de la cité-État comme hub commercial ouvert et compétitif.
[viii] Sauf mention contraire, les données sur la Chine mentionnées dans cette note incluent Hong Kong et Macao.
[ix] Selon les dernières données disponibles (2022), la catégorie « Chimie » représentait environ 3,3 % de la valeur ajoutée nominale totale de Singapour (soit 21 Md SGD pour 2022). Or, les secteurs du pétrole (raffinage) et de la pétrochimie constituaient 63,7 % de cette même catégorie, soit environ 2,1 % du PIB (14 Md SGD en 2022). Au sein du commerce de gros (18,6 % du PIB – 120 Md SGD), le segment « carburants et produits chimiques » (dominé par les produits pétroliers) représentait 21,4 % de la valeur ajoutée du secteur, soit environ 4 % du PIB global (26 Md SGD). Ainsi, les activités associées au secteur pétrolier dans son ensemble représentaient environ 6 % du PIB singapourien en 2022.
[x] À 85 Md USD, les exportations domestiques de pétrole ont renoué avec une légère croissance positive en 2024 (+1 % contre une baisse de 14 % en 2023), face cependant à une progression en volume toujours plus importante (+6 %), reflétant une baisse des cours internationaux moins marquée qu’en 2023. En effet, le prix du baril de pétrole (moyenne OPEP) a diminué de 4 % l’an dernier contre 17 % l’année précédente. Pour rappel, ce type d’exportations avait augmenté de 52 % en 2022, sur fond d’éclatement de la guerre en Ukraine.
[xi] Dénomination « NODX » utilisée par les autorités locales (« Non Oil Domestic Exports »)
[xiv] Cette catégorie regroupe les circuits intégrés, les diodes et transistors et les circuits imprimés assemblés.
[xv] Voir tableau : « Non-oil Domestic Exports to Top Markets (% Growth) » en page 4 du rapport : mr00425_review-of-2024-trade-performance.pdf
[xvi] Voir tableau : « Top Products Contributing to the Decline in Non-Electronic NODX to Top Markets (% Change) » en page 5 du rapport : mr00425_review-of-2024-trade-performance.pdf
[xvii] Les services de transport ont contribué tout autant à la croissance des exportations (387 Md USD ; +10 %), que des importations de services (344 Md USD ; +7 %).
[xviii] Réserves de changes de l’Autorité Monétaire de Singapour (MAS) en moyenne de 370 Md USD en 2024. Une partie peut cependant être transférée au fonds souverain GIC dont les réserves atteindraient au moins 800 Md selon SWF Institute.