Commerce bilatéral : un excédent en baisse d’un tiers en 2024, mais toujours l’un des plus solides au monde
En 2024, les échanges commerciaux entre la France et Singapour se sont élevés à 10,2 Md EUR, en recul de 19,2 %[i] par rapport à l’année précédente. Cette contraction résulte principalement d’un net repli de nos exportations (-24,3 %, à 7,6 Md EUR), après deux années exceptionnellement dynamiques. Ce retournement est à mettre en relation avec la normalisation post-Covid, la baisse de la demande régionale, notamment en Chine, et des contraintes d’offre sur certains secteurs industriels comme l’aéronautique. Singapour recule au 14ème rang de nos clients mondiaux, mais demeure de loin notre premier débouché dans l’ASEAN, concentrant plus de la moitié (52,9 %) de nos exportations vers la région. Si les importations depuis Singapour sont restées stables en 2024 (2,7 Md EUR ; +0,1 %), elles n’ont pas compensé le recul de nos ventes, entraînant une baisse d’un tiers de notre excédent commercial, à 4,9 Md EUR (contre 7,6 Md EUR en 2023, un record). Ce solde reste néanmoins le 2ème plus élevé au monde pour la France, derrière celui enregistré avec le Royaume-Uni.
1. Après deux années de performances exceptionnelles (9,1 Md EUR en 2022, +25,0 % ; 10,0 Md EUR en 2023, +10,3 %), les exportations françaises vers Singapour enregistrent en 2024 un repli marqué de 24,3 %, pour s'établir à 7,6 Md EUR. Ce recul s’explique notamment par la fin de l’effet de rattrapage post-Covid, qui avait dopé la demande en 2022-2023, ainsi que par la contraction de la demande asiatique, en particulier en Chine, pesant sur nos exportations de luxe et de vins & spiritueux. En effet, en tant que hub logistique et de réexportation, environ la moitié des exportations vers Singapour sont en réalité destinées à être réexpédiées vers d’autres marchés asiatiques, notamment l’Asie du Sud-Est et la Chine. Par ailleurs, l’aéronautique a été pénalisée par des retards de production chez Airbus, limitant les livraisons et pesant également sur nos exportations. Singapour recule ainsi au 14ème rang des clients de la France dans le monde (-2 places), dépassé par le Japon et l’Inde, mais toujours devant le Portugal, représentant au total 1,3 % de nos exportations en 2024[ii]. Singapour capte ainsi 52,9 % des exportations françaises vers l’ASEAN en 2024, loin devant la Thaïlande et le Vietnam (10,7 % et 10,6 % respectivement), mais n’est, à l’inverse, que le 4ème fournisseur de la France dans la zone (voir infra). Singapour est par ailleurs le 23ème partenaire commercial de la France dans le monde et le 6ème en Asie derrière la Chine, la Turquie, le Japon, l’Inde et la Corée du Sud, mais devant le Vietnam et les Émirats arabes unis.
2. Le profil sectoriel de nos exportations reste concentré, avec une prédominance marquée du luxe, de l'électronique et de l'aéronautique. Les parfums et cosmétiques arrivent en tête, avec des ventes atteignant 1,4 Md EUR en très légère croissance (+3,0 %). Le secteur de l'électronique, deuxième poste d'exportation, totalise 1,3 Md EUR (+1,5 %), les composants et cartes électroniques en constituant la majeure partie (988 M EUR ; +3,9 %). Le textile, l'habillement, le cuir et les chaussures enregistrent un recul marqué à 1,1 Md EUR (-47,5 %). Ce secteur, qui était devenu en 2023 notre premier poste d’exportation à destination de la cité-État, a subi les répercussions d’une frilosité des consommateurs, notamment en Chine, se traduisant par une moindre performance du secteur du luxe de manière générale[iii]. Les ventes de boissons, essentiellement composées de vins et de Cognac, s'établissent quant à elles à 897 M EUR (-24,0 %), pénalisées par l'ajustement des stocks des distributeurs asiatiques après une accumulation en 2022-2023 et par l’imposition par le gouvernement chinois, en octobre dernier, de droits de douane compris entre 34,8 % et 39,0 %, en représailles aux mesures antidumping prises par l’Union européenne sur les véhicules électriques chinois[iv]. Enfin, les produits de la construction aéronautique et spatiale (9,8 %), qui constituent l’essentiel de nos ventes de matériel de transport, mais dont les exportations ont fondu de moitié en 2024, atteignant 742 M EUR (-48,0 %), contre 1,4 Md EUR en 2023. Cette baisse ne traduit pas une faiblesse de la demande, mais plutôt des contraintes d’offre liées aux retards de production chez Airbus, limitant les livraisons[v]. Comme à l’échelle globale, cette sous-performance ne permet toujours pas de revenir aux niveaux pré-Covid (2,4 Md EUR en 2018, de loin le 1er poste à l’export – 27 % du total).
3. Les importations françaises en provenance de Singapour progressent légèrement (+0,1 %), atteignant 2,7 Md EUR en 2024. Singapour est notre 40ème fournisseur de la France dans le monde derrière la Malaisie mais devant la Finlande et l’Indonésie, représentant 0,4 % de nos importations totales, et le 4ème dans l’ASEAN (12,8 % de nos approvisionnements depuis la région) derrière le Vietnam (33,6 %), la Thaïlande (16,9 %) et la Malaisie (13,7 %). Cette relative stabilité masque toutefois de fortes variations selon les postes. Les produits informatiques et électroniques dominent (667 M EUR ; +9,2 %), portés par une demande accrue en ordinateurs et équipements périphériques (180 M EUR ; +61,2 %). Le regain des imports français dans cette catégorie s’inscrit en phase avec la reprise du cycle électronique mondial[vi], ayant notamment permis de stimuler la contribution de ce secteur au PIB de la cité-État (pour rappel : 4,4 % de croissance en 2024 contre 1,8 % en 2023[vii]). Les importations de produits pétroliers raffinés connaissent une hausse significative à 643 M EUR (+77,3 %). Cette hausse survient à contre-courant de la légère baisse des cours à l’échelle globale[viii], témoignant vraisemblablement d’un effet volume et de substitution (Singapour ayant pu se substituer à d’autres pays fournisseurs). En 2024, la cité-État était le 12ème fournisseur de la France en produits pétroliers (2,4 % des importations), derrière l’Algérie (3,1 %). À l'inverse, nos achats de matériel aéronautique et spatial reculent à 322 M EUR (-22,9 %), tout comme ceux de produits pharmaceutiques (11,3 %), qui accusent le plus fort retrait (-37,7 % ; 299 M EUR) ; et les machines (10,8 %), dont nos achats ont diminué de -23,0 % pour un montant de 286 M EUR.
4. L'excédent commercial français avec Singapour recule fortement en 2024, sans remettre en cause son rang parmi les plus élevés au monde. Malgré une baisse significative de 33,1 %, il s'établit à 4,9 Md EUR en 2024. Singapour demeure ainsi le 2ème excédent commercial de la France dans le monde derrière le Royaume-Uni (10,6 Md EUR ; +0,8 %), mais devant Hong Kong (4,6 Md EUR ; -10,1 %) et les Émirats arabes unis (4,5 Md EUR ; +61,2 %).
[i] Données des douanes françaises, compilation par le SER de Singapour. Les montants indiqués dans cette note sont présentés en « Franco à bord » (FAB) pour les exportations et en « Coût, assurance et fret » (CAF) pour les importations, en accord avec la méthodologie des douanes pour comptabiliser le commerce extérieur de la France. Ces mêmes montants n’incluent pas les échanges de matériel militaire.
[ii] En tant que hub logistique et de réexportation, la cité-Etat ne constitue pas systématiquement la destination finale des marchandises importées depuis la France. Environ la moitié des exportations vers Singapour sont en réalité destinées à être réexpédiées.
[iv] China targets brandy in EU trade tit-for-tat after EV tariff move | Reuters. Sur le dernier trimestre 2024, les dépôts de garantie exigés par les douanes chinoises aux importateurs de brandy européen, dont le Cognac, auraient entrainés une baisse de 60 % de nos exportations de Cognac à destination de la Chine, voir : French foreign minister plans visit to China, says tariff-hit cognac lobby | Reuters.
[v] Cf. rapport sur le commerce extérieur de la France en 2024 (DGT). Par ailleurs, les données d’Airbus de décembre 2024 révèlent que la société doit encore livrer 18 avions à la compagnie Scoot et 7 avions à Singapore Airlines. Deux avions seulement ont été livrés l’année dernière.
[vi] En 2024, les ventes mondiales de semi-conducteurs ont augmenté de 19,1 %, et une croissance à deux chiffres est prévue pour 2025. Cette progression est soutenue par la demande croissante dans des secteurs tels que l'intelligence artificielle, les smartphones et les centres de données. Voir : WSTS/SIA (7/2/2025).
[viii] Selon CEIC, le prix moyen du panier OPEC est passé de 82,9 USD le baril en 2023 à 79,9 USD le baril en 2024, soit une baisse d’environ 4 %, après une forte augmentation en 2022 (+43 %) du fait de la guerre en Ukraine.