Brèves économiques de juin 2025
Autriche : Croissance 2025 - une lueur d'espoir +++ Le double budget 2025-2026 enfin adopté +++ Excédent de la balance des paiements +++ Hausse des dépenses de santé +++Slovénie : Loi climat - 2 Mrd EUR mobilisés +++ le spatial au coeur des relations bilatérales +++ Croatie : accélératon de l'utilisation des fonds européens +++ L'infrastruture financée par les fonds de pension +++ 1,7 Mrd EUR pour le réseau ferroviaire +++ allègement des mesures en lien avec la peste porcine africaine (PPA).
Pénurie de main-d’œuvre et attractivité migratoire : un défi pour les politiques de l’emploi en Autriche, en Croatie et en Slovénie
L’Autriche, la Croatie et la Slovénie se caractérisent par des performances remarquables en matière d’emploi, avec des taux de chômage parmi les plus faibles d’Europe. Cette situation dissimule néanmoins des déséquilibres profonds : les trois pays sont confrontés à des pénuries de main-d’œuvre qui entravent leur potentiel de croissance et la mise en œuvre des transitions écologique et numérique. L’inadéquation structurelle des compétences avec les besoins du marché du travail et les tendances démographiques défavorables confrontent les trois pays, à l’instar de nombreux autres Etats européens, à des tensions croissantes sur leur marché du travail. Dans ce contexte, le recours ciblé à de la main-d’œuvre étrangère apparaît comme un levier stratégique pour atténuer les effets négatifs des tendances démographiques sur la prospérité à long terme. Néanmoins, les réponses apportées à ces déséquilibres restent fragmentées et peu coordonnées. L’Autriche a tenté de favoriser l’entrée de travailleurs hautement qualifiés sans succès significatif, tandis que la Croatie s’oriente vers le recrutement de main-d’œuvre saisonnière et peu qualifiée en raison de la forte dépendance de son économie au secteur touristique. La Slovénie privilégie les coopérations bilatérales ciblées pour résoudre ses déséquilibres sectoriels.
Les mutations démographiques et l’émigration intra-européenne freinent les dynamiques de croissance et de transition.
A l’instar de nombreux pays européens, l’Autriche, la Croatie et la Slovénie sont confrontés au défi du vieillissement démographique dans un contexte de faibles taux de fécondité. Ils se distinguent en revanche par la faiblesse de l’emploi des séniors. Les trois pays connaissent une diminution du nombre de jeunes entrants sur le marché du travail en raison de taux de natalité faibles. Parallèlement, la part des personnes âgées de plus de 65 ans atteint des taux particulièrement élevés, en particulier en Croatie (jusqu’à 23 %) et en Slovénie (21,8 %) en 2024, où l’âge médian se situe à plus de 45 ans. Pour autant, l’emploi des séniors demeure un défi dont les solutions peinent à être trouvées. En effet, le taux d’emploi des travailleurs autrichiens, croates et slovènes âgés (55-64 ans), en légère hausse en 2024 pour atteindre respectivement 58,8 %, 53,9 % et 56,3 %, demeure comme en France très en-deçà de la moyenne européenne (à 65,2 %).
Les déséquilibres démographiques sont exacerbés par l’émigration intra-européenne des travailleurs liée à l’écart des salaires, dont l’Autriche tire les bénéfices à l’échelle de la zone. La proximité de l’Allemagne entraîne une fuite des travailleurs vers ce marché, stimulée depuis 2015 par l’adoption d’un salaire minimum qui a bénéficié aux « mini jobs » et emplois saisonniers. Mais l’économie autrichienne reste attractive puisqu’elle est la première destination de l’émigration slovène (21 % des émigrés de nationalité slovène ont rejoint l’Autriche en 2023). En outre, alors que l’accès au marché du travail autrichien n’est pleinement ouvert aux citoyens croates que depuis juin 2020, l’Autriche représente déjà en 2023 le deuxième pays d’accueil de l’émigration croate derrière l’Allemagne.
La pénurie de main-d’œuvre et l’inadéquation structurelle des compétences dans des secteurs clés freinent la croissance et la double transition verte et numérique de ces pays. Les tensions concernent aussi bien les emplois qualifiés que non-qualifiés. Les secteurs de la construction et du tourisme se retrouvent parmi les principaux touchés, mais les trois pays peinent également à recruter et à retenir leurs talents dans les secteurs de la santé et des technologies de l’information et des communications. La Slovénie enregistre de surcroît des besoins critiques dans le transport et l'industrie manufacturière. La pénurie de main-d’œuvre illustre aussi l’inadéquation entre les compétences disponibles et les besoins du marché du travail, notamment dans le domaine du numérique et les secteurs liés à la transition écologique. Selon une enquête EY auprès de 500 entreprises (PME et ETI) autrichiennes, les difficultés de recrutement sont le premier frein à leur croissance (67 %), avant même le repli économique, les coûts de l’énergie et l’inflation.
Les politiques fragmentées peinent à instaurer des conditions suffisamment incitatives pour capter et fidéliser la main-d’œuvre étrangère qualifiée.
Ayant misé sans franc succès sur l’immigration de travailleurs qualifiés, l’Autriche concentre ses efforts sur la formation et l’emploi des séniors. L’introduction en 2011 d’un permis (carte « Rouge-Blanc-Rouge ») destiné aux travailleurs qualifiés de pays tiers devait permettre de couvrir les besoins identifiés par les autorités autrichiennes dans une liste de professions dites en pénurie. Attribué sur la base de critères professionnels et académiques, le permis offre un titre de séjour et de travail de deux ans, et ouvre l’accès aux prestations sociales autrichiennes et à des formations linguistiques subventionnées. Une variante de la carte a été créée pour attirer spécifiquement les créateurs de start-ups. Les bénéficiaires proviennent principalement de Bosnie-Herzégovine, de Serbie, d’Inde et des Philippines, avec une augmentation nette en 2024 de ressortissants chinois. Le dispositif n’a néanmoins jamais eu le succès escompté en raison des complexités administratives et de l’attractivité du marché voisin allemand. Face à la sensibilité politique du sujet migratoire, le gouvernement capitalise sur la formation professionnelle (en particulier l’apprentissage, point fort de l’Autriche) et sur l’emploi des séniors via des programmes incitatifs (Fit to Work) et l’introduction envisagée d’un système de retraite partielle. L’amélioration de l’emploi des séniors constitue d’ailleurs une des recommandations de la Commission européenne à l’Autriche dans son paquet de printemps 2025.
En Croatie, le poids du secteur des services (notamment liés au tourisme) dans l’économie a poussé les autorités croates, dès 2021, à s’engager dans une politique d’attractivité des travailleurs extra-européens pour les emplois peu qualifiés, notamment en provenance d’Asie. Selon les prévisions de la banque mondiale, à l'horizon 2035, la Croatie aura besoin de plus de 300 000 travailleurs pour faire face aux besoins du marché, liés notamment au tourisme, au développement de l’économie de plateformes (livraison à domicile) et au secteur de la construction. Les autorités croates ont mis en place en 2021 une législation facilitant le recours à la main-d’œuvre étrangère via un système de quotas de permis de travail attribués par secteurs d’activité. Le gouvernement a ainsi délivré 206 529 permis de travail en 2024, soit une augmentation de 20 % par rapport à l’année précédente, principalement dans les secteurs de la construction, du tourisme, de l'hôtellerie, de l'industrie et du transport. La Bosnie-Herzégovine a reçu le plus grand nombre de permis, suivie du Népal, de la Serbie, de l'Inde et des Philippines. Le déséquilibre entre main-d’œuvre qualifiée et non-qualifiée appellerait néanmoins, selon les milieux d’affaire croates, une politique visant à attirer également des profils qualifiés (ex. mesures visant à favoriser l’octroi de permis de travail à l’issue de leurs études en Croatie aux étudiants étrangers dans certaines filières).
La Slovénie s’appuie sur l’emploi des travailleurs en provenance des Balkans occidentaux, facilité par les circuits historiques d’immigration et affermi par des accords bilatéraux. Le gouvernement slovène a introduit en 2023 deux réformes visant à assouplir l’embauche de non-ressortissants de l’UE (simplification des procédures administratives, assouplissement des possibilités pour les travailleurs étrangers de changer d’employeur ou d’en cumuler plusieurs, réduction des délais de carence). La majorité des permis de travail a été accordée à des travailleurs originaires des Balkans occidentaux, avec lesquels la Slovénie a conclu en parallèle des accords de coopération centrés sur l’échange mutuel d’informations en vue de combler les déficits des marchés du travail respectifs (ex. Bosnie, Serbie), doublés d’accords sur les droits de sécurité sociale. Face à l’épuisement de ce bassin d’emploi historique, la Slovénie envisage désormais d’élargir ces accords vers plusieurs pays d’Asie (Inde, Népal, Bengladesh et Indonésie), dont la part des travailleurs augmente déjà dans les secteurs de la construction, de l’industrie manufacturière, de l’hôtellerie et des transports. Fin 2024, la main-d’œuvre étrangère représentait environ 16 % de la main-d’œuvre totale, jusqu’à 48 % dans le secteur de la construction et 33 % dans celui des transports. Les travailleurs étrangers restent concentrés dans des secteurs à bas salaires à défaut de stratégie nationale pour mobiliser les talents qualifiés.
Des initiatives régionales voient le jour pour suppléer l’action des pouvoirs publics en matière de recrutement des travailleurs détachés et de garanties de leurs conditions de travail – à l’exemple du secteur de la construction. Le syndicat autrichien de la construction et du bois (Gewerkschaft Bau-Holz) a créé depuis 2017 un centre d’accompagnement situé à la frontière slovène (et accessible en ligne) pour aider les travailleurs détachés slovènes et croates à trouver un emploi dans le secteur autrichien de la construction et les informer de leurs droits en vertu des conventions collectives autrichiennes. Cette initiative « Faire Arbeit » avait bénéficié à son lancement du soutien de la région autrichienne de Styrie et du syndicat croate de l’industrie de construction SGH (Sindikat graditeljstva Hrvatske) avant d’être portée par le syndicat autrichien seul. Le centre fournit dans les trois langues (allemand, croate, slovène) des services de conseil pour améliorer les conditions de travail et relayer les signalements d’abus dans le secteur de la construction en coopération avec d'autres parties prenantes (ministères, partenaires sociaux et entreprises).
AUTRICHE
Le chiffre du mois à retenir
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Selon l’office fédéral de l’Environnement (Umweltbundesamt), l’ensemble des émissions autrichiennes de gaz à effet de serre (GES) est en recul depuis 2021 pour passer de 78,07 millions tCO2eq à 66,61 millions tCO2eq en 2024. L’institut de conjoncture Wifo, à l’occasion de la présentation de ses prévisions d’été le 26 juin 2025, estime les émissions de GES attendues pour 2025 et 2026 à respectivement 65,99 tCO2eq et 64,34 tCO2eq. Malgré ce repli, le Wifo signale que ce recul serait insuffisant pour atteindre l’objectif 2040 formulé par le gouvernement et chiffre l’écart en 2026 à 23 %.
etc.
SLOVENIE
Le chiffre du mois à retenir
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Novo mesto est en train de s’imposer comme la nouvelle capitale économique de la Slovénie, grâce à un tissu industriel dynamique et à une main d’œuvre hautement qualifiée. Petite ville de 40 000 habitants située entre Ljubljana et Zagreb, elle se distingue par une concentration industrielle exceptionnelle pour une commune de cette taille, avec près de 10 000 emplois créés par des grands groupes tels que Krka, Revoz (Renault), Adria Mobil (Trigano) ou encore TPV. Les entreprises de la ville emploient en moyenne 6,7 personnes, bien au-dessus de la moyenne nationale (4,4), et génèrent un chiffre d'affaires annuel moyen de 1,39 M EUR, soit presque le double de la moyenne slovène (732 000 EUR). Ce dynamisme économique se reflète aussi dans les salaires : avec un salaire brut moyen de 2 746,8 EUR par mois, Novo mesto est la deuxième municipalité slovène en termes de rémunération, juste derrière Mengeš, et devant Ljubljana.
etc.
CROATIE
Le chiffre du mois à retenir
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Le secteur des technologies de l'information en Croatie
La Chambre d'économie croate (HGK) a publié son rapport annuel sur le secteur des technologies de l’information en Croatie, soulignant une croissance soutenue en 2024. Le nombre d’entreprises a progressé de 10 % pour dépasser 7 300 et le secteur emploie près de 41 200 personnes (+10 %), pour un chiffre d’affaires en hausse de 11,7 %, à 4,3 Mrd EUR. Les investissements ont crû de 5,6 %, et la part des exportations dans le chiffre d’affaires total s’établit à 46,5 %. Sur la période 2020-2024, le secteur a enregistré une progression annuelle moyenne de 12,4 % du nombre d’entreprises, 8 % des effectifs, 17 % du chiffre d’affaires et près de 23 % des investissements, traduisant une dynamique solide. Les principales entreprises du secteur sont Ericsson-Nikola Tesla, Infobip, Nexi, Span et King ICT et la filiale numérique du groupe industriel Končar qui se développe par croissance externe. Cette analyse met également en avant certaines vulnérabilités structurelles, en particulier une fragmentation importante du marché et une forte concentration sur le développement de logiciel. La HGK souligne également l’importance de renforcer la souveraineté numérique nationale, en particulier via le développement d’infrastructures cloud locales.
etc.
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