Les tensions entre le Pakistan et l’Inde, survenues après l’attentat de Pahalgam le 22 avril, interviennent dans un contexte de stabilisation économique, confirmée par le FMI avec l’approbation de la première revue de l’EFF et d’un nouveau programme climatique. Le maintien de certaines mesures – notamment la suspension du Traité des eaux de l’Indus – au-delà de la fin des hostilités militaires le 11 mai, pourrait fragiliser une reprise encore précaire.

1/ L’escalade de tensions avec l’Inde depuis le 22 avril intervient dans un contexte macroéconomique plus favorable (stabilisation de l’économie, repli de l’inflation, réduction du déficit budgétaire, excédent du compte courant, stabilisation de la roupie et reconstitution des réserves de change) :

  • Croissance : le Pakistan devrait enregistrer une croissance de 2,6 % en 2025, contre 2,5 % en 2024. Cette estimation, revue à la baisse par le FMI (prévision initiale de 3,2 %), s'explique par la dégradation des perspectives économiques mondiales, la faiblesse du secteur industriel et une grave sécheresse affectant les cultures majeures dans le Sind et le Sud du Pendjab.
  • Inflation : elle a fortement ralenti, atteignant 0,7 % en mars et 0,3 % en avril en glissement annuel, grâce à la baisse des prix de l’énergie et de l’alimentation. Ce contexte a permis à la Banque centrale (SBP) d’abaisser son taux directeur à 11 %, cumulant une baisse de 1100 points de base sur un an.
  • Budget : malgré des recettes fiscales inférieures aux objectifs, l’excédent budgétaire primaire prévu (2,1 % du PIB) dépasse les cibles du FMI. Cette performance repose sur une hausse des revenus non fiscaux (SBP, pétrole, télécoms). Le déficit budgétaire (objectif : 5,6 % du PIB) est jugé atteignable sous réserve de discipline budgétaire renforcée.
  • Compte courant : sur les huit premiers mois de l'exercice 2025, un excédent de 0,7 Md USD a été enregistré (contre un déficit de 1,7 Md USD en 2024), grâce à une forte hausse des transferts de fonds de la diaspora, qui pourraient atteindre 38 Md USD sur l’année (+30 %), soutenus par des mesures incitatives de la SBP.
  • Réserves et taux de change : les réserves de change ont culminé à 12 Md USD (novembre 2024), avant de retomber à 10,7 Md USD en mars 2025 après remboursement de dette. Le taux de change s’est stabilisé à 280 PKR/USD, et l’écart avec le marché informel a disparu.
  • Dette publique : jugée viable mais exposée à un risque élevé de surendettement, la dette publique s’établit à 282 Md USD (70,9 % du PIB) fin 2024, en baisse grâce à l’austérité budgétaire et à l’évolution favorable des taux.

Ces  performances économiques encourageantes  peuvent être portées au crédit de la stratégie économique du gouvernement Sharif et de son ministre des Finances, Muhammad Aurangzeb qui ont réalisé d’importants progrès pour restaurer la stabilité macro-économique, après la crise financière de 2022-2023. Ces bons résultats sont aussi à mettre en perspective avec la décision de l’agence de notation Fitch de relever la note de crédit souveraine du Pakistan à B- avec une perspective stable le 15 avril 2025[i].

2/ Le soutien renouvelé du FMI confirme la trajectoire positive de l’économie pakistanaise

Le conseil d’administration du FMI du 9 mai dernier s’est conclu par l’approbation de la première revue du programme du Pakistan au titre de la facilité élargie de crédit (EFF) avec un décaissement immédiat d’environ 1 Md USD – sommes allouées aux réserves de la banque centrale - et celle d’un programme au titre de la Facilité de Résilience et de Durabilité (RSF Resilience and Sustainability Facility) donnant accès à environ 1,3 Md USD mais dont les décaissements ne pourront avoir lieu qu’après la première revue en septembre prochain.

3/ Un impact économique du conflit qui devrait être limité à court terme

Au plus fort des tensions entre l’Inde et le Pakistan, les agences de notation ont rapidement alerté sur les risques pour la stabilité économique de la région en cas d’escalade prolongée du conflit. S&P a ainsi déclaré que, bien que n’envisageant pas de dégradation immédiate des notations, un conflit mal maîtrisé pourrait aggraver les déséquilibres économiques du Pakistan. De son côté, Moody’s a estimé que ces tensions pourraient nuire à la croissance économique du Pakistan, déjà fragile, en détournant l’attention des autorités des réformes économiques.

En réponse, le ministre pakistanais des Finances, Muhammad Aurangzeb, a déclaré que la récente escalade militaire avec l'Inde n'aurait pas d'impact budgétaire significatif et pouvait être gérée dans le cadre du budget 2025, sans nécessité de le réviser.

L’escalade militaire entre l’Inde et le Pakistan s’est aussi accompagnée de l’adoption de mesures (suspension unilatérale par l’Inde du Traité sur les eaux de l’Indus de 1960, interdiction réciproque des survols aériens, rupture des liens commerciaux) dont les conséquences à moyen terme pourraient être plus dommageables et qui n’ont, à ce jour, pas été remises en cause suite à l’annonce d’un cessez-le-feu samedi 10 mai :

  • L’Inde et le Pakistan ont pris des mesures réciproques affectant le commerce entre les deux pays : le 4 mai 2025, le ministère pakistanais du Commerce a décidé d’interdire l’importation de marchandises en provenance d’Inde par tous les moyens de transport, y compris la voie maritime, terrestre et aérienne. Cette interdiction concerne également les biens en transit à travers le Pakistan, suspendant ainsi les échanges commerciaux directs et indirects entre les deux pays. Toutefois, les envois en cours, soutenus par des lettres de crédit ou des connaissements datant d’avant l’ordonnance, ne sont pas affectés par cette mesure. En réaction, l’Inde a mis en place une interdiction sur les importations et le transit de produits en provenance du Pakistan. Cette décision vise à interrompre les échanges commerciaux directs et indirects, impactant ainsi les exportations pakistanaises vers l'Inde ainsi que vers des pays tiers via l'Inde. Ces mesures ont également perturbé le commerce régional, notamment avec l’Afghanistan.
  • La suspension du Traité des eaux de l’Indus par l’Inde le 23 avril 2025 pourrait affecter le Pakistan qui dépend fortement des rivières occidentales (Indus, Jhelum, Chenab) pour son agriculture et son approvisionnement en eau en permettant à l'Inde de modifier les flux d'eau, affectant ainsi l'irrigation et la production hydroélectrique au Pakistan.


[i] Cette notation s’appuie notamment (i) sur la confiance croissante dans la capacité du Pakistan à s’inscrire dans les grandes lignes du programme de la FEC du FMI ; (ii) sur la réduction du déficit budgétaire qui repose sur l’élargissement de l’assiette fiscale et la mise en place de contrôles budgétaires plus stricts sur les dépenses ; (iii) sur la crédibilité du gouvernement pour mettre en œuvre des réformes structurelles.