Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.

Sommaire

Conjoncture

  • Les créations d’emplois restent dynamiques

Politiques macroéconomiques

  • La Maison-Blanche publie une version préliminaire de sa demande de budget pour l’année 2026
  • La Fed maintient la fourchette cible de ses taux directeurs
  • L’administration Trump renforce le recouvrement des prêts étudiants

Services financiers

  • Warren Buffet quittera ses fonctions de CEO de Berkshire Hathaway fin 2025, après 60 ans à la tête du conglomérat qu’il a créé
  • Le Sénat franchit la première étape d’abrogation d’une règle de l’OCC sur les concentrations bancaires

Situation des marchés

Brèves

 

 

Conjoncture

 

Les créations d’emplois restent dynamiques

Selon le rapport mensuel du Bureau of Labor Statistics (BLS) sur la situation du marché du travail, publié le 2 mai, les créations nettes d’emplois ont augmenté de +177 000 en avril, soit un niveau largement supérieur aux attentes des marchés (+130 000). La moyenne au cours des douze derniers mois s’établit à +152 000.

Les créations d’emploi ont principalement augmenté dans la santé (+51 000), le transport et le stockage (+29 000), les services financiers (+14 000), partiellement compensées par un recul dans l’administration (-9 000), en baisse de ‑26 000 par rapport à son niveau de janvier.

Les créations d’emploi ont toutefois été révisé à la baisse en mars à +185 000 (‑43 000) et en février à +102 000 (‑15 000).

Le taux de chômage est resté stable à 4,2 % après avoir précédemment augmenté en mars par rapport à février (4,1 %), un niveau en ligne avec celui anticipé par les marchés.

Les taux d’activité et d’emploi ont légèrement augmenté à 62,6 % (après 62,5 %), et à 60,0 % (après 59,9 %) respectivement. De plus, le salaire horaire progresse de +0,2 % sur un mois (après +0,3 %) et s’établit à +3,8 % en glissement annuel (après +3,8 %).

 

 

Politiques macroéconomiques

 

La Maison-Blanche publie une version préliminaire de sa demande de budget pour l’année 2026

Le président Donald Trump a publié le 2 mai une ébauche (skinny budget) de sa demande de budget pour l’année budgétaire 2026 (du 1er octobre 2025 au 30 septembre 2026), officialisant ainsi le début du processus d’élaboration budgétaire. Cette proposition n’engage toutefois pas le Congrès qui est libre de s’en détacher. Une version plus complète du budget, contenant notamment les prévisions de finances publiques et de trajectoire économique, sera publiée prochainement.

Les priorités économiques avancées dans cette ébauche de demande de budget sont (i) le renforcement de la sécurité intérieure à travers la sécurisation des frontières et la lutte contre l’immigration ; (ii) la réduction des dépenses discrétionnaires hors défense ciblant en particulier les administrations et les programmes qualifiés de « woke » par l’administration ; (iii) le soutien à la défense, la lutte contre l’influence de la Chine et le développement de l’industrie de l’armement.

Dans la version publiée, les dépenses discrétionnaires de base s’élèvent à 1 450 Md USD (‑163,1 Md USD par rapport au budget 2025), dont 892,6 Md USD de dépenses militaires, soit un niveau inchangé par rapport à 2025, et 557,4 Md USD de dépenses civiles (‑163,1 Md USD). L’administration y ajoute, bien qu’hypothétique, un supplément de dépenses qui serait adopté via la procédure de réconciliation, soit +119 Md USD pour les dépenses militaires et +44 Md USD pour les dépenses civiles. Selon une source anonyme de la Maison-Blanche, ce choix s’expliquerait par la possibilité d’adopter des mesures à la majorité simple via la procédure de réconciliation, évitant ainsi de devoir négocier avec les Démocrates qui exigent souvent une hausse des dépenses civiles. En somme, les dépenses discrétionnaires totales resteraient inchangées par rapport au niveau de 2025, à savoir 1 613,1 Md USD, composées de 1 011,9 Md USD de dépenses militaires et 601,2 Md USD de dépenses non-militaires.

La proposition prévoit d’augmenter les dépenses dans la Défense et la Sécurité intérieure, au détriment d’autres ministères « civils » comme les Affaires étrangères, le Logement, la Santé, l’Éduction ou encore l’Environnement (en lien avec la lutte contre le changement climatique).

Principaux postes de dépenses

(en Md USD)

FY2025

FY2026 (demandé)

Agriculture

27,3

22,3

Commerce

10,2

8,5

Défense

848,3

961,6

Éducation

78,7

66,7

Énergie

49,8

45,1

Santé et affaires sociales

127

93,8

Sécurité intérieure

65,1

107,4

Logement et développement urbain

77

43,5

Intérieur

16,8

11,7

Justice

36

33,2

Travail

13,3

8,6

Département d’Etat et programmes internationaux

58,7

9,6

Transport

25,2

26,7

Trésor

14,2

11,5

Anciens combattants

129,2

134,6

Autres

36,3

28,3

Total (Dépenses discrétionnaires de base)

1613,1

1613,1

Autres dépenses (hors base)

217,8

78,0

Total (Dépenses discrétionnaires)

1830,9

1691,1

Source : Maison-Blanche

En réaction à cette demande, plusieurs élus se sont exprimés, notamment chez les Républicains : la présidente de la commission des crédits du Sénat, Susan Collins (R-Maine), le président de la commission des forces armées du Sénat, Roger Wicker (R-Mississippi), et le sénateur Mitch McConnell (R-Kentucky) ont tous dénoncé la proposition de la Maison‑Blanche de maintenir le financement militaire à un niveau constant de 892,6 Md USD pour l’exercice 2026. De leur côté, les Démocrates, notamment Patty Murray (D-Washington), estiment que ces choix budgétaires renverraient le pays « des décennies en arrière », et appellent à un effort bipartisan pour faire lever ce gel.

 

La Fed maintient la fourchette cible de ses taux directeurs

La réunion du Comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) des 18 et 19 mars 2025 s’est conclue par le maintien de la fourchette cible des taux fed funds à [4,25 % - 4,5 %], en ligne avec les attentes des marchés. Cette décision a été prise à l’unanimité.

Dans son discours liminaire, le président de la Fed, Jerome Powell a souligné la solidité de l’économie américaine, notamment du marché du travail qui demeure robuste, et une désinflation qui se poursuit. Selon lui, la contraction du PIB au premier trimestre 2025 résulterait de la forte hausse des importations en anticipation de l’entrée en vigueur des droits de douane, mais les fondamentaux demeureraient globalement sains. Il a toutefois reconnu que l’incertitude liée aux annonces de droits de douane pesait sur le sentiment des ménages et des entreprises. Dans ce contexte, les risques d’augmentation de l’inflation et du taux de chômage ont tous les deux crû, rendant difficile la conduite de la politique monétaire. La Fed privilégie la prudence en attendant d’observer les effets des droits de douane sur l’inflation et l’emploi, et lequel des deux s’éloigne le plus des objectifs fixés dans son mandat afin d’ajuster ses taux directeurs en conséquence.

 

L’administration Trump renforce le recouvrement des prêts étudiants

Le Ministère de l’Éducation (Department of Education – DE) a annoncé le  5 mai la reprise des recouvrements de prêts étudiants, notamment défaillants, qui ont été interrompus depuis la pandémie liée au Covid-19. À ce titre, le DE lance une procédure de recouvrement auprès de 5,3 M d’emprunteurs en défaut, notamment par saisie sur salaires ou prestations.

La directive enjoint également les établissements d’enseignement à contacter leurs anciens étudiants avant le 30 juin 2025, pour les accompagner dans le remboursement de leurs prêts et prévenir ainsi une augmentation de leur taux de défaut. Le DE a notamment rappelé qu’en vertu de la Section 435 de la loi HEA, les établissements qui ne suivent pas cette directive risquent de perdre leur éligibilité aux aides et financements fédéraux. Le DE indique qu’il publiera d’ici la fin du mois un taux de non-remboursement par institution sur le site de Federal Aid Data Center.

 

 

Services Financiers

 

Warren Buffet quittera ses fonctions de CEO de Berkshire Hathaway fin 2025, après 60 ans à la tête du conglomérat qu’il a créé

Samedi 3 mai, à l’occasion de la 60ème assemblée générale annuelle de Berkshire Hathaway organisée à Omaha (Nebraska), Warren Buffet, 94 ans, fondateur et PDG du conglomérat valorisé à 1 200 Md USD, a annoncé sa décision de quitter ses fonctions exécutives d’ici la fin de l’année 2025, tout en restant président du Conseil d’Administration. Son successeur, Greg Abel, actuel vice-président de Berkshire Hathaway, prendra ses fonctions début 2026.

W. Buffet, surnommé « l’Oracle d’Omaha », est une figure emblématique du secteur financier américain, investisseur de long terme dans des entreprises disposant de fondamentaux économiques robustes et d’un potentiel de croissance à long terme, profitant des corrections de marché pour les acquérir lorsqu'elles sont sous-évaluées et les détenant dans la durée.

Au début des années 1960s, W. Buffet rachète plusieurs sociétés de textile et fonde Berkshire Hathaway. Au cours des décennies suivantes, il transforme le groupe en un conglomérat diversifié (e.g., assurances, agro-alimentaire, aéronautique, technologies) qui compte aujourd’hui plus de 200 entreprises dont Bank of America, Coca-Cola, American Express, Apple (etc.), générant des performances exceptionnelles. Entre 1965 et fin 2024, le titre de Berkshire Hathaway enregistre une croissance de +5 502 284 % (croissance annuelle moyenne de +20 %), soit le double du S&P 500. Depuis le début de l’année 2025, le titre de Berkshire Hathaway a augmenté de +20 %, alors que le S&P 500 cédait -3 %. En raison des niveaux élevés de valorisation sur les marchés ces deux dernières années, W. Buffet avait cédé des actions des entreprises de son portefeuille depuis sans réinvestir, laissant à son successeur 350 Md USD de cash à réallouer.

Lors de l’assemblée générale, W. Buffet a également dénoncé la politique commerciale de Donald Trump, estimant que les droits de douane ne doivent pas servir « d’arme », et que leur modération est essentielle pour le bon fonctionnement du commerce international.

Classé parmi les personnes les plus riches du monde (6ème), W. Buffet a fait don d’une partie de sa fortune à des fondations dont la Bill & Melinda Gates Foundation.

 

L’OCC et le Sénat avancent vers l’abrogation d’une règle sur les concentrations bancaires

Le 7 mai, le Sénat a adopté (52-47) une résolution visant à abroger une règle durcissant les conditions d’approbation d’une fusion ou acquisition bancaire qui avait été publiée le 17 septembre 2024 par l’Office of the Comptroller of the Currency (OCC), le régulateur des national banks. Cette règle (i) supprimait la disposition relative à la procédure d’examen accélérée (expedited review), qui accordait automatiquement une autorisation lorsque l’OCC ne se prononçait pas avant le 15ème jour suivant la clôture de la période de commentaires publics, (ii) tendait à réserver cette procédure accélérée aux opérations résultant en la création d’une banque de moins de 50 Md USD de bilan, et (iii) supprimait la procédure de constitution de dossier simplifiée (streamlined business combination application). A cette règle s’ajoutaient des lignes directrices (Policy Statement) précisant l’interprétation par l’OCC de cette règle.

Adoptée dans le cadre du Congressional Review Act (CRA), si elle était définitivement adoptée par le Congrès, cette abrogation empêcherait l’OCC d’émettre une nouvelle règle « substantiellement » similaire, à moins d’obtenir une autorisation légale par le Congrès.

Le président de l’American Bankers Association (ABA) s’est félicité de ce vote, estimant que cette règle introduisait des critères arbitraires et limitait la prévisibilité des autorisations.

Une résolution similaire a été introduite par le représentant Andy Barr (R - Ky) à la Chambre, mais n’a pas encore été votée.

Dès le lendemain, l’OCC a publié une règle intérimaire restaurant la procédure d’examen accélérée et la procédure simplifiée susmentionnées, ainsi que les lignes directrices accompagnant la règle.

Elle emboîte le pas de la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), chargée de la supervision des state banks, qui avait dès le 3 mars proposé une règle abrogeant ses lignes directrices de 2024, qui durcissaient également le contrôle des concentrations.

 

 

Situation des marchés

 

Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi), les indices boursiers ont progressé de +0,3 % à la fois pour le S&P 500, à 5 664, et pour le Nasdaq, à 17 928.

Les rendements des obligations souveraines américaines (Treasuries) à 2 ans et à 10 ans ont progressé de +17 pb, à 3,88 % et +15 pb 4,38 % respectivement.

Après un recul en début de semaine, les indices boursiers se sont redressés, soutenus par un possible assouplissement des restrictions à l’exportation de semi-conducteurs, les déclarations rassurantes du président de la Fed sur l’état de l’économie, et l’annonce d’un accord commercial entre les États-Unis et le Royaume-Uni.

 

Brèves


Le 8 mai, le Sénat a voté, à 49 voix contre 48, le blocage du GENIUS Act, une proposition de loi bipartisane visant à encadrer les stablecoins. Le texte, qui nécessitait un minimum de 60 voix pour pouvoir être débattu et voté en séance plénière, n’a recueilli aucun soutien du côté démocrate (alors que ces derniers avaient pour certains voté en faveur du texte lors des précédentes étapes procédurales), estimant qu’en l’état, le texte ne contient pas encore les mesures nécessaires à la bonne protection des consommateurs. Trois sénateurs républicains se sont également prononcés contre. Elizabeth Warren, (D – Massachussets), a souligné que le texte exacerbait le risque de corruption de l’industrie. Ce vote compromet le calendrier fixé par l’administration républicaine pour l’adoption, d’ici l’été, d’un cadre législatif sur les stablecoins.