Horizon ASEAN n°46
Ces dernières années, l’influence économique de l’Asie du Nord-Est s’est considérablement renforcée au sein de l’ASEAN, avec la Chine, le Japon et la Corée du Sud établissant successivement des partenariats stratégiques globaux en 2021, 2023 puis 2024. Ces partenariats reflètent une volonté accrue de ces pays de sécuriser leurs chaînes d'approvisionnement et de renforcer leur présence économique dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes. La Chine, 1er partenaire commercial de l’ASEAN depuis 2009, devance le Japon et la Corée, qui occupent respectivement les 4ᵉ et 5ᵉ places derrière l’UE et les États-Unis. Toutefois, le Japon et la Corée conservent un positionnement stratégique dans des secteurs clés, tels que les infrastructures et les hautes technologies, particulièrement en Thaïlande et au Vietnam. Le Japon domine l’industrie automobile thaïlandaise, entre autres, tandis que la Corée, portée notamment par l’entreprise Samsung, joue un rôle clé dans le secteur électronique vietnamien. Ces pays abritent par ailleurs l’une des plus grandes diasporas coréennes et japonaises.
Sur le plan des investissements directs étrangers (IDE), le Japon se positionne comme le 2e plus grand investisseur après les États-Unis, tandis que la Chine et la Corée, respectivement 4ᵉ et 5ᵉ, gagnent du terrain grâce à des initiatives telles que la Belt and Road Initiative (2013) et la New Southern Policy (2017) - devenue la Korea-ASEAN Solidarity Initiative en 2022. Ces stratégies, bien que différentes dans leur approche - infrastructurelle pour la Chine, numérique et technologique pour la Corée - illustrent la volonté de ces nations d’accroître leur ancrage dans la région. Le Japon, bénéficiant d’une présence historique et du statut de 1e pourvoyeur d’APD dans la région, s’appuie sur des doctrines diplomatiques telles que celle de Fukuda (1977), axée sur le pacifisme, la confiance et le soutien économique. Plus récemment, le Japon et la Corée ont également lancé des stratégies indopacifiques visant à protéger leurs intérêts dans une région au milieu des grandes puissances.
Bien que le Japon soit confronté à un déclin relatif sur le plan commercial, son influence reste notable, notamment dans le secteur des infrastructures. Cependant, la concurrence avec la Chine est de plus en plus marquée, comme en témoigne le projet de TGV Bandung-Jakarta en Indonésie. Ce contrat, remporté en 2015 par un consortium chinois (CRC) au détriment d’un consortium japonais (avec JICA pour financeur), illustre la domination de la Chine dans le développement des infrastructures en Asie du Sud-Est. Cette dynamique incite le Japon et la Corée à intensifier leur politique de soft power, notamment via le tourisme - les Coréens étant d’ailleurs la 2e source de touristes de l’ASEAN après les Chinois. Le développement d’échanges culturels, éducatifs et technologiques vient également soutenir cette tendance.
Enfin, selon une enquête du think-tank ISEAS menée auprès de personnes influentes dans la région en 2024, si la Chine est perçue comme la 1ère puissance économique dans la région, le Japon est, lui, considéré comme le partenaire le plus fiable, suivi des États-Unis, de l’UE et de la Corée. Cette perception témoigne de la capacité du Japon à inspirer confiance grâce à son image de stabilité et son respect des normes internationales, mais elle pourrait s’éroder face à l’avance technologique rapide de la Chine, notamment dans des secteurs tels que les véhicules électriques. Le Japon et la Corée devront intensifier leurs efforts d’innovation pour maintenir la pertinence de leur offre, un défi d’autant plus pressant que le vieillissement et le ralentissement structurel de leurs économies sur le plan interne pourraient limiter leurs capacités d’influence à l’étranger.