Lettre AGRO Japon – Corée du Sud

  N°80 - Décembre 2024-janvier 2025

 

  drapeau Japon

IMAGE DU MOIS : rizière de la ville d'Aizu Wakamatsu(Japon)

rizière de Fukushima 

Sommaire

Japon
  • Le projet de loi sur la formation des prix agricoles (« EGAlim japonais ») se précise.
  • Les agriculteurs japonais plébiscitent les applications utilisant l’IA pour prédire les maladies végétales et attaques de parasites.  
  • L’épizootie d’influenza aviaire hautement pathogène prend de l’ampleur au Japon. 
  • Le MAFF publie le palmarès des 10 innovations agricoles les plus marquantes en 2024. 
Corée
  • A l’approche des fêtes du Nouvel an lunaire, le gouvernement tente de limiter l’inflation sur les produits agricoles.
  • Sous l’effet du réchauffement climatique, la culture des pommes en Corée se déplace vers le nord.  
  • La Corée poursuit ses efforts pour favoriser l’installation de jeunes agriculteurs.
  • Le gouvernement prévoit de réduire les surfaces cultivées en riziculture pour s’adapter à la baisse de la consommation.

Le Chiffre du mois : 56kg/an

Consommation moyenne de riz par habitant en Corée (contre 132 kg/an en 1980 /49kg au Japon en 2022)

 

Japon 

Le projet de loi sur la formation des prix agricoles (« EGAlim japonais ») se précise.

Le Ministère de l’agriculture, de la pêche et des forêts (MAFF) a présenté au comité agriculture du Parti Libéral Démocrate les grandes lignes du futur projet de loi sur la formation raisonnée des prix agricoles, qui doit être soumis à la Diète début 2025. Ce projet intervient dans un contexte de dégradation de l’équilibre économique de nombreuses exploitations agricoles soumises à des hausses de coûts de production, que les dispositifs d’aides publiques et les prix de vente ne parviennent pas à compenser. Les autorités japonaises, qui ont conduit de larges consultations (y compris sur le retour d’expérience des lois « EGAlim » en France), entendent intervenir dans deux axes principaux. La formation des prix lors des négociations entre agriculteurs et industries aval (grossistes, distribution, industries agroalimentaires) fera l’objet de mesures visant à assurer plus de transparence sur la formation des prix via la mise en place d’indices de référence. A la différence du dispositif français EGAlim, le projet ne prévoit pas d’introduire des clauses obligatoires dans les négociations commerciales mais prévoit dans un premier temps un appel aux engagements volontaires des acteurs privés, qui seront invités à élaborer des plans. En cas d’efforts insuffisants constatés par une « commission des pratiques commerciales équitables », le gouvernement pourra adopter des mesures plus directives afin d’encadrer certaines pratiques. Afin d’accompagner les hausses de prix que ces mesures risquent d’entraîner, un second volet sur la valorisation des produits agricoles auprès des consommateurs devra permettre de mieux expliciter les facteurs du prix liés à la qualité des produits et aux pratiques dans le domaine du développement durable. Comme le précise le MAFF, une hausse significative du pouvoir d’achat des ménages reste néanmoins une condition indispensable à une meilleure répercussion des coûts de production agricoles dans les prix de vente de l’alimentation. Or, les hausses salariales record annoncées au printemps 2024 tardent à se manifester sur le salaire réel et la consommation des ménages, qui reste atone dans le secteur de l’alimentation.  Shokuhin sangyou shinbun, Nikkei Asia, MAFF

 

Les agriculteurs japonais plébiscitent les applications utilisant l’IA pour prédire les maladies végétales et attaques de parasites.  

Afin de mieux anticiper l’apparition de maladies et d’attaques de ravageurs, la société Mirai Vegetable Garden développe une application recourant à l’AI et se fondant sur un historique d’un million d’épisodes passés et sur les données météo. En cours d’expérimentation en partenariat avec les fédérations de coopératives agricoles de plusieurs préfectures, elle inclut une fonction de partage de données et d’alerte pour les agriculteurs à proximité. Ce type de solution, qui permet un recours plus limité aux produits phytosanitaires et plus efficace, en prévenant l’apparition de dommages sur les légumes, est de plus en plus utilisé par les agriculteurs japonais : une application développée par Nihon Nohyaku et NTT, disponible librement depuis 2019 et qui permet d’identifier 1100 maladies et parasites de 25 cultures, a été téléchargée 190 000 fois. Elles permettent selon leurs concepteurs de répondre aux enjeux de vieillissement de la population agricole et de manque de main-d’œuvre qualifiée, en se substituant à l’expérience des agriculteurs et au conseil agricole pour piloter les traitements phytosanitaires. La détection précoce des maladies est d’autant plus essentielle que le réchauffement climatique renforce les risques d’apparition « hors saison » d’épisodes menaçant les cultures : ainsi, en 2024, une attaque de parasites des arbres fruitiers de grande ampleur a été observée au printemps, alors que de tels épisodes se produisent habituellement en automne, conduisant 25 préfectures japonaises à émettre des alertes. Mainichi

 

L’épizootie d’influenza aviaire hautement pathogène prend de l’ampleur au Japon.    

Après un début de saison d’ampleur limitée en octobre et novembre, le rythme d’apparition des foyers en élevage s’accélère depuis un mois. Le 29 décembre, un élevage de plus d’un million de volailles a ainsi été affecté, et le nombre d’abattages de volailles a dépassé 3 millions, pour 25 foyers dans 14 préfectures. Ce niveau est encore loin de celui atteint lors de l’année 2022, qui avait conduit à l’abattage de 9 millions de volailles à la même période et entrainé une explosion du prix des œufs. Cette année, l’effet sur les prix reste contenu (+25% en glissement annuel) mais certains distributeurs anticipent des hausses accrues si la dynamique de l’épizootie se poursuit. Le MAFF a appelé à une vigilance accrue et s’est inquiété de retards observés dans les déclarations sanitaires de certains élevages. Toutes les exploitations de plus de 200 000 animaux feront l’objet d’une nouvelle inspection pour s’assurer du respect des mesures de biosécurité. Agrinews

 

Le MAFF publie le palmarès des 10 innovations agricoles les plus marquantes en 2024.

Le classement, établi par un jury composé de 30 entreprises et médias spécialisés, distingue les innovations ayant l’impact économique et social le plus important. Parmi les projets primés cette année, figurent deux technologies ouvrant la voie à un développement de la riziculture bio : une technologie de repiquage du riz avec un haut niveau de précision permet ainsi un désherbage mécanique plus efficace et un robot autonome limite la croissance des adventices par une augmentation de la turbidité de l’eau. Parmi les autres innovations primées figure : une variété de pommier permettant une croissance verticale des arbres facilitant la récolte, tout en maintenant un taux de sucre adapté ; un IA générative entraînée à partir de documentation spécialisée permettant d’apporter des réponses plus pertinentes aux questions techniques ; une variété d’insecte prédateur de plusieurs ravageurs, utilisable comme outil de biocontrôle ; deux variétés de soja à haut rendement (+30% par rapport aux variétés traditionnelles) et aux propriétés adaptées à l’alimentation humaine (tofu) ; un outil de calcul permettant aux éleveurs laitiers d’optimiser l’alimentation de leur cheptel ; un dispositif permettant de protéger les serres des dégâts des corbeaux efficacement et à moindre coût ; un service de prévisions météo adaptées au secteur agricole pour prévenir les évènements extrêmes comme le gel et la grêle (maillage étroit) ; une application de télémédecine vétérinaire. MAFF

Corée

 

A l’approche des fêtes du Nouvel an lunaire, le gouvernement tente de limiter l’inflation sur les produits agricoles.

La période des fêtes du nouvel an lunaire, prévue cette année du 25 au 30 janvier, est généralement marquée par des hausses des prix des ingrédients couramment utilisés dans les repas de fête (chou nappa, radis blancs, pommes). Elle intervient cette année dans un contexte déjà fortement inflationniste sur les produits frais – ceux-ci ont ainsi enregistré leur plus forte hausse depuis 2010 (+9,8% sur 2024 en glissement annuel), sous les effets de rendements faibles et de conditions météo défavorables pendant l’été. Pour tenter de limiter les pressions inflationnistes, le gouvernement augmentera de 50% la quantité mise sur le marché pour les 16 principaux produits concernés, en recourant selon les cas aux stocks publics et aux contingents douaniers exceptionnels. Des aides à la commercialisation sont également prévues afin de limiter les comportements d’attentisme de producteurs, tentés d’attendre les hausses de prix pour mettre leurs produits en vente. Des mesures de soutien au pouvoir d’achat ont également été annoncées, sous la forme de coupons de réduction alimentaires « onnuri » pouvant être utilisés sur les marchés et les petits commerces alimentaires, ainsi qu’une aide aux exploitations agricoles petites et moyennes. JoongAng Daily, MAFRA

 

Sous l’effet du réchauffement climatique, la culture des pommes en Corée se déplace vers le nord.

La province de Gangwon, la plus au nord, a ainsi vu sa superficie de vergers multipliée par 10 en vingt ans, pour atteindre désormais 5% de la surface nationale. A l’inverse, les provinces du Gyeongsang du nord et du Nord Chungcheong ont vu leur superficie diminuer sur la période de 3 points chacune. Les effets du réchauffement climatique se manifestent à la fois par une croissance moindre des fruits en raison des températures élevées et d’un différentiel jour/nuit trop faible, une augmentation des attaques de ravageurs et des maladies. L’impact des aléas climatiques sur la production a été l’un des facteurs des fortes hausses de prix observés en 2024 sur plusieurs produits de base du régime coréen, comme le chou nappa et les oignons. En 2023, les pommes avaient atteint un prix moyen de 10 000 wons pièce (environ 7 euros) avant les fêtes de Chuseok, suscitant l’essor de l’expression « golden apples » dans la presse. Selon le ministère de l’environnement coréen, le pays a connu une hausse de température moyenne de 1,6°C entre 1912 et 2020. L’administration pour le développement rural estime quant à elle que la part du territoire coréen exposé à un climat subtropical pourrait atteindre 18% en 2030 et 55% en 2050, contre 6% aujourd’hui. Le faible taux d’autosuffisance alimentaire en Corée, dont la production de céréales ne couvre que 19% des besoins, augmente son exposition à la hausse des prix générée par le réchauffement climatique (« AgFlation »), observée dans de nombreux pays. JoongAng Daily

 

La Corée poursuit ses efforts pour favoriser l’installation de jeunes agriculteurs.

Le Ministère de l’agriculture, de l’alimentation et des affaires rurales (MAFRA) a annoncé la suppression de plusieurs règles liées au non cumul d’activités, susceptibles de freiner l’installation de jeunes actifs en zone rurale. Les agriculteurs bénéficiant de l’aide à l’installation (d’un maximum d’1,1 millions de won - environ 700 euros - par mois pendant 3 ans), pourront ainsi exercer des activités non agricoles hors saison pendant un maximum de cinq mois, contre trois à l’heure actuelle. Le plafond annuel de ressources issues d’activités non agricoles du foyer bénéficiaire, fixé à 37 millions de wons (environ 20 000 euros) et qui conditionne l’accès aux aides, est également supprimé. Ces mesures s’accompagnent d’efforts d’attractivité, par le biais de soutiens spécifiques aux entreprises certifiées « de convergence rurale », qui contribuent à l’activité en zone rurale. Le programme de construction de logements pour les jeunes actifs s’installant en zone rurale se poursuit par ailleurs, avec l’ajout de 10 unités aux 27 existantes (chaque unité comportant 30 logements). Les industries alimentaires font enfin l’objet de mesures, avec l’ouverture en novembre 2024 d’un incubateur d’entreprises alimentaires, ouvert en novembre 2024, ainsi que d’un fonds de 20 Mds de won (environ 13 M€) finançant des prêts pour les startups du secteur dirigées par des entrepreneurs de moins de 40 ans. MAFRA

 

Le gouvernement prévoit de réduire les surfaces cultivées en riziculture pour s’adapter à la baisse de la consommation.

Afin de limiter les risques de surproduction, le MAFRA vise une diminution de 80 000 ha de la surface cultivée cette année, soit une baisse de 11%, par le biais d’aides incitatives. Le MAFRA souhaite dans le même temps porter les surfaces rizicoles appliquant des modes de culture favorables à l’environnement à 68 000 ha en 2029, contre 35 000 cette année. Le MAFRA fixe un objectif d’augmentation des exportations à 180 000 tonnes en 2029 (contre 100 000 cette année) et prévoit une hausse des dons aux programmes d’aide humanitaire en Asie et en Afrique, pour 160 000 tonnes en 2025 contre 110 000 tonnes en 2024. Le développement des autres usages du riz, comme les alcools traditionnels, est également recherché, pour faire face à la diminution tendancielle de la consommation de riz par les ménages coréens, qui s’élevait à 56 kg en moyenne par habitant en 2024 contre 61 kg en 2018. Ces mesures interviennent alors que la régulation du marché du riz fait l’objet de polémiques vives en Corée : le parti démocrate, majoritaire au parlement, a tenté à deux reprises de faire adopter un projet de loi instaurant une obligation de rachats par le gouvernement dès que les prix descendent en dessous d’un seuil fixé, afin de soutenir les prix et les revenus des agriculteurs. Le Président Yoon avait apposé son veto à ce projet en 2023, dénonçant leur caractère populiste et préférant des mesures structurelles permettant à la production de mieux s’adapter aux besoins du marché. Une nouvelle tentative en novembre 2024 pour faire adopter ce texte a également été mise en échec par le veto présidentiel. Yonhap, MAFRA

 

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 Rédigé par : Le pôle agriculture et alimentation du Service économique régional de Tokyo et le Service économique de Séoul.

 Contacts : Jérôme PERDREAU, Conseiller agricole, jerome.perdreau@dgtresor.gouv.fr 
Claudine GIRARDO,Conseillère agricole référente SPS claudine.girardo@dgtresor.gouv.fr   
Ryoko ISODA, Attachée sectorielle au pôle agriculture et alimentation ryoko.isoda@dgtresor.gouv.fr                                      
Jina AHN, Attachée économique, SE de Séoul jina.ahn@dgtresor.gouv.fr 

 

 Illustration : pôle agro SER Tokyo