Après un an de guerre, les fondamentaux de l’économie demeurent solides. Israël a déployé une politique budgétaire expansionniste, facilitée par un faible niveau d’endettement initial et une politique monétaire restrictive pour lutter contre l’inflation et soutenir l'activité économique. La croissance devrait être nulle en 2024. Le redressement de l’activité se poursuit alors que l’environnement des affaires souffre de l’incertitude, cause et conséquence de la dégradation de la note souveraine.

1. La croissance devrait être atone en 2024 alors que le risque sécuritaire demeure élevé.

L'incertitude géopolitique persistante continue de poser des difficultés à l'activité économique et retarde son retour au niveau qui la caractérisait avant la guerre. L'activité économique et commerciale est inférieure au niveau d'avant-guerre, principalement en raison de facteurs liés à l'offre, tels que les pénuries de main-d'œuvre causées par l'absence des travailleurs palestiniens et les préjudices économiques subis par les entreprises dans le nord et le sud. Si les secteurs de la construction, de l’agriculture et du tourisme ont été sévèrement touchés, l'économie a toutefois continué de fonctionner presque sans entrave, y compris dans les secteurs du commerce, des services et de l'industrie. Cette relative stabilité a été obtenue en grande partie grâce à l'aide importante fournie par le gouvernement aux ménages et entreprises affectés par la guerre. Le commerce extérieur de biens semble se tasser en 2024 (-5,5% de janvier à septembre en g.a.) et devrait atteindre 149 Mds USD à la fin de l’année – 60% du total est issu des importations. La balance commerciale des services reste excédentaire (+20 Mds USD au S1 2024). Les indicateurs économiques pour le troisième trimestre 2024 pointent une amélioration modérée de l’activité (+3,8 % en g.a) grâce à une augmentation des exportations de biens, des recettes fiscales et de la consommation (+8,6% en g.a), notamment privée (50% du PIB). Cependant, le niveau d'activité reste inférieur à celui d'avant-guerre et les prévisions de croissance de la Banque d'Israël et du FMI pour 2024 ont été ramenées à 0,5 % et 0,7 %, ce qui face au solde naturel (+2%) signifie une diminution du PIB par habitant. La prime de risque de l'économie (mesurée par l'écart des CDS à 5 ans) reste très élevée par rapport à la période d'avant-guerre mais a sensiblement diminué ce dernier trimestre (à 110 points de base). L'écart entre les obligations d'État israéliennes libellées en dollars et les bons du Trésor américain s'est en effet réduit, reflétant une baisse de la prime exigée par les investisseurs. L'encours des crédits aux entreprises continue de croître, en raison des prêts bancaires et des obligations négociables.

 

Les pressions inflationnistes sont contenues par une politique monétaire restrictive. Au cours des 12 derniers mois, l’inflation a atteint 3,5 % et se situe au-delà de la limite supérieure de la fourchette cible de la Banque centrale (1-3%). L’indice des prix à la consommation (IPC) du Bureau Central de Statistiques (CBS) relève une hausse des prix des produits alimentaires de 4,3% depuis octobre 2023 et en particulier de 12,2% pour les seuls fruits et légumes, en provenance notamment de l’enveloppe de Gaza. Sur le marché immobilier, les prix des logements ont fortement augmenté (+7 % depuis le début de l'année). L’IPC reste très dépendant des développements géopolitiques, des limitations prolongées de l'offre, des développements fiscaux (augmentation de la TVA d’un point de pourcentage en 2025) et de la volatilité du shekel ; la monnaie israélienne s’est néanmoins renforcée de 8 % par rapport au dollar américain depuis début octobre, sous l’effet cumulé du contexte géopolitique (négociations d’un accord au Liban, élection de Donald Trump), d’une gestion adéquate des réserves de change de Banque centrale (216 Mds USD en octobre 2024, 42% du PIB, +13% en g.a) et d’une hausse de l’indice boursier de Tel-Aviv. La Banque Centrale poursuit une politique monétaire restrictive qui se veut prudente ; le 25 novembre, elle a décidé de maintenir le taux directeur à 4,5% pour la 7ème fois consécutive pour stabiliser les marchés.

 

2. Les dépenses liées à la guerre ont aggravé le risque sur les finances publiques

Le déficit public s’est creusé au cours des 12 derniers mois. Après 18 mois de hausse successive, le ratio déficit/PIB s’est contracté pour la première fois en octobre 2024. Il s’établit à 7,9% du PIB, alors que le budget 2024 visait un objectif de déficit public à 6,6% du PIB d’ici la fin de l’année. Sa réduction sera le cheval de bataille du gouvernement en 2025 (objectif de 4,3% de déficit) et implique autant des coupes de budgétaires de 35 Mds ILS que des mesures fiscales pour accroître les recettes publiques (augmentation de l’impôt sur le revenu, de la TVA, etc.).

 

Le stock de dette publique a augmenté à 68% du PIB en 2024, en raison de l’accroissement des dépenses liées à la guerre (250 Mds ILS, 67 Mds USD). Cette tendance devrait se poursuivre en 2025 et le ratio se stabilisera autour de 70% jusqu’en 2027. Ce niveau est jugé soutenable par le gouvernement, qui a disposé d’une marge de manœuvre en bénéficiant d’un faible niveau d’endettement pré-guerre. Le risque que le ratio dette/PIB atteigne 80%, décrit selon le scénario d’une guerre à haute intensité sur plusieurs fronts et modélisé par la division macroéconomique de la Banque Centrale, semble à ce stade écarté suite à l’accord de cessez-le-feu au Liban. Toutefois, la capacité du gouvernement à maîtriser les dépenses de défense et à contrôler ce ratio sera cruciale pour rassurer les marchés.

 

3. Des points de vigilance au niveau des entreprises et du système financier

Plutôt robustes, les entreprises restent confrontées à un marché du travail tendu. Grâce aux mesures de soutien du gouvernement, le nombre de faillites a été limité depuis le début de l’année (baisse de 20 % en g.a. de janvier à juillet 2024 des demandes de procédures d’insolvabilité déposées). Le marché du travail reste relativement tendu, malgré un certain assouplissement au cours des derniers mois. La production des entreprises a augmenté de 5,4 % en termes annuels au 3ème trimestre et l'écart par rapport à la ligne de tendance est de 4,6 %. Cette déviation s'explique par les limitations de l'offre (manque de travailleurs non-israéliens, absence de travailleurs en raison du service de réserve et limitations de l'emploi dans le nord du pays) et par la baisse significative du tourisme entrant. Les entreprises du Nord portent le plus lourd tribut. Le taux de postes vacants a légèrement diminué en octobre 2024. Il reste supérieur à son niveau d’avant-guerre, bien qu’il ait décliné depuis le début de l’année. Les taux d’activité des personnes âgées de 15 ans et plus et d’emploi demeurent stables à respectivement 62,6 % et 61 % mais n’ont pas retrouvé leurs niveaux d’avant-guerre. Le taux de chômage général est tombé à 3,3 % en octobre (cf. annexes 4 et 5).

 

3.2.- La stabilité financière potentiellement menacée par un niveau de risque élevé. La Banque centrale estime que la forte incertitude actuelle présente un risque élevé pour la stabilité macrofinancière par les trois canaux principaux : (i) canal du marché : les indices boursiers locaux ont montré des performances inférieures par rapport à ceux des pays développés (en particulier américains) mais se redressent désormais. Le niveau des prix en Israël est relativement bas et influencé par des attentes de croissance plus faible des bénéfices des sociétés cotées ; (ii) canal du crédit : depuis le déclenchement de la guerre, le crédit au secteur privé non financier a augmenté de 51 Mds ILS principalement dans les secteurs de l'immobilier et des prêts hypothécaires ; (iii) canal macroéconomique : il est négativement affecté par l'impact sur l'activité commerciale, les besoins de financement gouvernementaux accrus, les coûts plus élevés associés au service de la dette publique et les conséquences négatives sur le commerce international. En revanche, la Banque Centrale juge positivement la stabilité du secteur assurantiel (ratios de solvabilité élevés) et celle du système bancaire : les ratios de capital et de liquidité sont restés à un niveau élevés (fonds propres de base à 11,5% au S1 2024), notamment en raison de la haute rentabilité du système par rapport aux dernières années, principalement due à la croissance du portefeuille de crédit, à la baisse des pertes sur crédit et à l'environnement de taux d'intérêt. Le rythme de croissance du portefeuille de crédit, dont les prêts non performants demeurent sous contrôle malgré la guerre, est similaire à celui observé en 2023.