Washington Wall Street Watch n°2024-40
Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.
Sommaire
Conjoncture
- Les données du rapport sur l’emploi ont été compromises par les ouragans et plusieurs grèves
Politiques Macroéconomiques
- Donald Trump est élu président et le parti républicain devrait obtenir la majorité dans les deux assemblées du Congrès à l’issue des élections du 5 novembre
- La Fed baisse la fourchette cible des taux directeurs de -25 points de base
Situation des marchés
- Les élections présidentielles et législatives ont joué un rôle déterminant dans l’évolution des marchés financiers au cours de la semaine écoulée
Brèves
Conjoncture
Les données du rapport sur l’emploi ont été compromises par les ouragans et plusieurs grèves
Selon le rapport mensuel du Bureau of Labor Statistics (BLS) sur la situation du marché du travail, publié le 1er novembre, les créations nettes d’emplois ont augmenté de +12 000 en octobre, nettement en-deçà des attentes du marché (+113 000) et de la moyenne au cours des 12 derniers mois (+194 000). Selon le BLS, la collecte de données a été affectée par les ouragans Helene et Milton et à date, le BLS ne parviendrait pas à quantifier avec précision l'ampleur de cet effet. Une publication sur les données du marché du travail par État est prévue le 19 novembre.
Par ailleurs, les créations d’emplois ont été revues à la baisse, de -81 000 en août (à +78 000) et de -31 000 en septembre (à +223 000).
En octobre, les créations d’emplois ont augmenté principalement dans les soins de santé (+52 000), les administrations publiques (+40 000) et baissé dans les services d’aides temporaires (-49 000) et l’industrie (‑46 000), en raison notamment de mouvements de grève.
Le taux de chômage est resté stable à 4,1 %. Les taux d’activité et d’emploi ont légèrement baissé à 62,6 % (après 62,7 %) et à 60,0 % (60,2 %) respectivement. Le salaire horaire progresse de +0,4 % (au même rythme que le mois précédent) mais sa croissance en glissement annuel est restée stable à +4,0 %.
Politiques Macroéconomiques
Donald Trump est élu président et le parti républicain devrait obtenir la majorité dans les deux assemblées du Congrès à l’issue des élections du 5 novembre
À l’issue des élections présidentielles et législatives du 5 novembre 2024 – les résultats définitifs ne sont pas encore connus pour le Congrès, certains scrutins faisant l’objet d’un comptage prolongé des voix et d’éventuels recomptages –, Donald Trump est élu président des États-Unis et le parti républicain prendrait le contrôle des deux assemblées du Congrès.
Le programme économique de Donald Trump repose notamment sur (i) la hausse des tarifs douaniers, (ii) la pérennisation des dispositifs du Tax Cuts and Jobs Act (TCJA) de 2017, dont la plupart expirait en 2025, avec des baisses d’impôts supplémentaires pour les entreprises qui relocalisent leurs capacités productives, (iii) la révision, voire le retrait, de certains dispositifs environnementaux de l’Inflation Reduction Act (IRA), et (iv) un durcissement de la politique migratoire avec des mesures d’expulsion des étrangers en situation irrégulière.
La capacité du nouveau président à mener à bien son agenda politique résidera tout de même dans les compromis et les accords à trouver au sein du Congrès. En effet, malgré une majorité républicaine au Sénat, la procédure législative ordinaire requiert un vote à la majorité qualifiée (60 voix sur 100) pour lever l’obstruction parlementaire (filibuster). En revanche, s’il obtenait la majorité à la Chambre des Représentants, le parti républicain disposerait de la procédure de réconciliation qui permet d’adopter des textes budgétaires par un vote à la majorité simple dans les deux assemblées. Cette procédure a été notamment utilisée en 2017 (sous l’administration Trump) pour adopter le TCJA, et en 2022 (sous l’administration Biden) pour l’IRA.
D’ici le lancement de la nouvelle législature début 2025, le Congrès en place devra voter sur des sujets budgétaires importants : (i) le budget provisoire (continuing resolution) arrive à échéance le 20 décembre 2024 et en l’absence de budget pour l'exercice 2025, l’État fédéral devra suspendre les activités jugées non-essentielles (shutdown). (ii) Le plafond de la dette, suspendu depuis l’accord bipartisan (Fiscal Responsibility Act) du 3 juin 2023, sera réactivé à compter du 1er janvier 2025. Une hausse du plafond ou une prolongation de sa suspension devra être votée pour permettre à l’État fédéral de procéder à des émissions de dettes nouvelles.
La Fed baisse la fourchette cible des taux directeurs de -25 points de base
La réunion du Comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) des 6 et 7 novembre 2024 s’est conclue par la baisse de la fourchette cible des taux fed funds de -25 points de base à [4,5 % - 4,75 %]. Cette décision a été prise à l’unanimité.
Lors de la conférence de presse, le président de la Fed, Jerome Powell a souligné que l’économie américaine demeurait solide. Le marché du travail continue de se détendre mais à un rythme plus faible qu’à l’été, avec la stabilisation du taux de chômage vers 4,1 %. L’inflation continue de baisser également et s’approche de la cible de la Fed de 2 %. Dans ce contexte, les membres du FOMC ont voté à l’unanimité une baisse de ‑25 points de base. J. Powell a précisé que les décisions seraient prises à chaque réunion en fonction des données entrantes, de l’évaluation des perspectives et de l’équilibre des risques entre inflation et emploi. Globalement, J. Powell s’est montré confiant dans la solidité de l’économie américaine et l’efficacité de la politique monétaire.
Lors de la conférence de presse, le président de la Fed a été principalement interrogé sur l’impact sur l’économie et la politique monétaire de l’élection de Donald Trump, ainsi que sur son appréciation de la conjoncture économique et de la trajectoire de politique monétaire. Selon J. Powell, à court terme, le FOMC ne tiendra pas compte des résultats des élections et prendra ses décisions sur la base des données. À moyen et long termes, la Fed pourra prendre en compte des répercussions des politiques économiques quand les processus d’élaborations engagés par le Congrès seront suffisamment avancés. Tout en reconnaissant que la trajectoire de déficit public des États-Unis n’était pas soutenable, J. Powell a refusé de commenter les politiques budgétaires, en rappelant que la Fed prenait ses décisions « à politique budgétaire donnée ». S’agissant de la conjoncture, J. Powell a indiqué que les membres du FOMC étaient confiants quant à la tendance baissière de l’inflation. En matière de politique monétaire il a rappelé la recherche d’équilibre entre les deux objectifs de la Fed. Par conséquent, le FOMC pourrait décider d’accélérer ou de ralentir la baisse des taux directeurs en fonction de la situation de l’inflation et de l’emploi.
Situation des marchés
Les élections présidentielles et législatives ont joué un rôle déterminant dans l’évolution des marchés financiers au cours de la semaine écoulée
Les indices boursiers ont nettement progressé au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi) : +4,7 % pour l’indice S&P 500 (à 5 973), +6,5 % pour le Nasdaq (à 19 269) et +4,7 % pour le Dow Jones (à 43 729).
Cette hausse a été particulièrement marquée au cours des deux jours suivant les élections, et reflèterait les anticipations de relance de l’activité à travers notamment des baisses d’impôts sur les sociétés promises durant la campagne par le candidat élu. Cette hausse a notamment été marquée pour les petites entreprises cotées, susceptibles de profiter des projets de mesures protectionnistes : au cours des deux derniers jours, la hausse de l’indice Russell 2000 (+5,4 %) a été supérieure à celle du S&P 500 (+3,3 %).
Par ailleurs, les secteurs (i) technologiques, (ii) de l’énergie et (iii) des services financiers, connaissent les augmentations les plus marquées sur les deux derniers jours.
L’indice Nasdaq connait une hausse de +4,5 %, tout comme l’indice représentant les 7 plus grosses capitalisations boursières de l’indice (Magnificent 7) (+5,2 %), porté en particulier par l’envolée du cours du groupe Tesla (+18,1 %). Les semi-conducteurs enregistrent également une belle progression (+5,1 % pour le NYSE semiconductor index) le programme de dérégulation de D. Trump pouvant accélérer le rythme de construction des data-centers et le développement de l’intelligence artificielle.
Le secteur de l’énergie mise quant à lui sur l’augmentation de la production d’énergie fossile permise par l’assouplissement des normes : l’indice des principales entreprises d’exploration et de production de pétrole et de gaz (S&P 500 oil & gas) était en hausse de +3,0 %.
Probablement porté par l’espoir de dérégulation bancaire, le secteur financier est particulièrement dynamique, et l’indice reflétant le cours des grandes banques (le KBW bank index) progresse de +7,3 %, en dépit d’une nette correction aujourd’hui (‑2,7 %), et celui des banques régionales de +9,3 % (KBW regional banking index).
Le marché des crypto-actifs a fortement augmenté, porté par le Bitcoin dont le cours a progressé de +10,3 % depuis mercredi, pour atteindre jeudi 76 536 USD, sa valeur record. L’Ether, deuxième crypto-actif mondial, se négocie à 2 890 USD, soit +16 % depuis mercredi. Les plateformes de crypto-actifs profitent également d’une très forte hausse de leur cours (Coinbase : +25 %, Robinhood : +15 %). L’optimisme du marché traduit le positionnement pro-crypto du nouveau Président, qui avait annoncé pendant sa campagne qu’il souhaitait faire des États-Unis « la capitale des cryptos de la planète ».
Les rendements des obligations souveraines américaines (Treasuries) à 2 ans et à 10 ans ont augmenté le 6 novembre à 4,3 % (+0,2 point par rapport au 31 octobre) et 4,4 % (+0,1 point) respectivement, avant de baisser à 4,2 % et 4,1 %. Cette progression s’expliquerait notamment par des anticipations (i) de relance de l’activité sous l’effet d’une politique budgétaire expansionniste, (ii) de hausse de l’inflation avec l’augmentation des tarifs douaniers, et (iii) d’une offre plus importante de Treasuries associée au creusement du déficit public.
La devise américaine (USD) s’est nettement apprécié vis-à-vis des principales devises (+1,7 % le 6 novembre pour l’indice DXY qui représente une moyenne pondérée des taux de change – EUR, JPY, GBP, CAD et SEK) sous l’effet notamment des anticipations de mesures de protectionnisme et de relocalisation des entreprises.
Brèves
- Le 31 octobre, Nasdaq Private Market (NPM), un fournisseur de solutions de liquidités aux entreprises non cotées, a annoncé le lancement de Tape D, une plateforme de données spécialisée sur les marchés non cotés, accessible via la plateforme de trading de titres secondaires propriétaire NPM SecondMarket. Tape D propose aux investisseurs institutionnels des indicateurs de valorisation sur 2 000 startups et des analyses sur 1,7 M d’opérations. Tape D vise à améliorer la transparence et l’intégrité des marchés non cotés.
- Le 31 octobre, la Securities and Exchange Commission (SEC), l’autorité des marchés financiers, a infligé une amende de 151 M USD à JP Morgan, pour i) communication d’informations trompeuses aux investisseurs (misleading disclosures), ii) non-respect de son devoir fiduciaire (fiduciary duty), iii) réalisation de transactions interdites et iv) manquements à l’obligation de faire des recommandations dans le meilleur intérêt des clients. La banque a immédiatement annoncé des mesures pour résoudre ces défaillances.