Brèves économiques d'Espagne Nº04/2024
Zoom sur : révision de la croissance du PIB espagnol entre 2021 et 2023 de 1,1 point
En septembre, l’institut national des statistiques (INE) a opéré un changement de base, de 2015 à 2020 ainsi que la révision traditionnelle de la comptabilité nationale qui ont entraîné une révision à la hausse ses estimations du PIB des dernières années. L’INE a notamment revu à la hausse ses estimations de la croissance du PIB pour 2021, qui passent ainsi de +6,4% à +6,7% (+0,3 pp) ; pour 2022, de +5,8% à +6,2% (+0,4 pp) ; pour 2023, de +2,5% à +2,7% (+0,2 pp). En termes nominaux, le PIB espagnol s’élevait fin 2023 à 1 498 Md€, soit 36 Md€ de plus par rapport aux estimations précédentes.
Selon le ministère de l’Économie, du Commerce et des Entreprises, le PIB en termes réels serait en définitive supérieur de 1,1 point fin 2023 par rapport aux estimations précédentes grâce à une évolution plus favorable que prévu de la consommation privée (contribution de +0,2 pp), de la consommation publique (contribution de +0,5 pp) et de la FBCF (contribution de +0,8 pp). En revanche, la demande extérieure aurait eu une contribution moins importante que prévu (-0,3 pp).
Cette révision confirme par ailleurs que l’économie espagnole avait atteint le niveau pré-crise (i.e. celui du T4 2019) dès le T2 2022, et non lors du T3 2022, comme estimé auparavant. En outre, la hausse du PIB espagnol fin 2023 par rapport au niveau du T4 2019 est désormais de +3,6 points, contre +2,5 points auparavant.
Les ratios de dette publique, déficit public et pression fiscale par rapport au PIB des dernières années ont connu des trajectoires plus favorables qu’estimé auparavant. Ainsi, fin 2023, la dette publique s’élevait à 105,1% du PIB (contre 107,7% auparavant), le déficit public à 3,55% du PIB (contre 3,64% auparavant) et la pression fiscale à 37,5% du PIB (contre 38,3% auparavant).
Actualité économique
* Les prévisions de croissance du PIB, du taux de chômage et d’inflation correspondent à la mise à jour des prévisions macroéconomiques de septembre 2024 ; les prévisions de déficit public et de dette publique correspondent à la trajectoire de finances publiques de septembre 2024.
** Les prévisions de croissance du PIB et d’inflation correspondent au rapport intermédiaire sur les perspectives économiques de l’OCDE de septembre 2024 ; le reste des prévisions correspond aux prévisions des perspectives économiques de l’OCDE de mai 2024.
*** Les prévisions de croissance du PIB correspondent au rapport intermédiaire sur les perspectives économiques mondiales du FMI de juillet 2024 ; le reste des prévisions correspond aux prévisions de l’article IV pour l’Espagne de juin 2024.
Mesures de réponse à la crise et de relance
Extinction progressive des mesures pour limiter l’impact de la hausse des prix : la réduction de la TVA sur les produits alimentaires de base est partiellement retirée depuis le 1er octobre. Entre octobre et décembre, la TVA appliquée sur les produits de première nécessité, soit le pain, les farines, les laits, le fromage, les œufs, les fruits, les légumes et les céréales, ainsi que sur l’huile l’olive, passera de 0% à 2%. Par ailleurs, la TVA appliquée sur les pâtes alimentaires et les autres huiles passera de 5% à 7,5%.Pour rappel, l’Espagne avait introduit en janvier 2023 une réduction à 0% du taux ultra-réduit de la TVA de 4% pour ces produits de première nécessité (l’huile d’olive y avait été rajoutée en janvier 2024), ainsi qu’une réduction à 5% du taux réduit de 10% pour les pâtes alimentaires et les autres huiles. En juillet 2024, un décret-loi a été voté marquant le retrait progressif de ces mesures. À partir de janvier 2025, tous ces produits reviendront à leur taux de TVA ordinaire, à l’exception de l’huile d’olive qui entrera dans catégorie de produits bénéficiant du taux ultra-réduit de 4% (au lieu du taux réduit de 10% actuellement).
Impôts temporaires sur les secteurs de l’énergie et financier : le ministère des Comptes publics estime que le recouvrement de ces deux impôts extraordinaires a été de 2,9 Md€ en 2024, dont 1,7 Md€ concernant le volet « finances » et 1,2 Md€ concernant le volet « énergie ». Avec ces résultats, le gouvernement indique avoir atteint ses prévisions de recouvrement pour ces deux impôts extraordinaires, estimées à 3 Md€/an.
Pour rappel, ces deux impôts avaient été créés fin 2022 dans le cadre des mesures pour répondre à l’impact économique de la guerre en Ukraine et de la hausse des prix, en parallèle à l’impôt extraordinaire sur les grandes fortunes. Ils sont en vigueur en 2023 et 2024 mais pourraient faire l’objet d’une pérennisation avec des adaptations, selon l’accord de coalition du gouvernement.
Macroéconomie
Croissance du PIB au T2 2024 : selon la 2ème estimation de l’INE, le PIB trimestriel espagnol a enregistré une croissance de +0,8 % au T2 2024 (-0,1 pp par rapport au T1), portant l’acquis de croissance pour l’année à 2,4%. Le résultat s’explique notamment par les bons résultats de la demande nationale (contribution de 0,7 point), alors que la demande externe a eu une contribution de 0,1 point.
Par ailleurs, l’INE a opéré une révision du profil des trimestres précédents : pour 2023, +0,7% t/t[1] au T1 (vs. +0,3 pt estimé auparavant), +0,2% t/t au T2 (vs. -0,3 pt) et +0,7% t/t au T3 (vs. +0,2) ; pour 2024, +0,9% t/t au T1 (vs. +0,1 pt). L’écart du T2 2024 par rapport au niveau antérieur à la crise du covid-19, soit par rapport au T4 2019, est ainsi revu à la hausse de +1,0 point (à +5,7 points, contre +4,7 points précédemment).
Inflation : selon la 1ère estimation de l’INE, l’augmentation de l’indice des prix à la consommation (IPC) s’est établie à 1,5 % en glissement annuel en septembre 2024 (-0,8 pp par rapport à août), son niveau le plus bas depuis mars 2021. L’IPC harmonisé au niveau européen (IPCH) s’élève à +1,7% en g.a (-0,7 pp par rapport à août). L’inflation sous-jacente en Espagne s’élève à 2,4% (-0,3 pp par rapport à août).
Finances publiques
Trajectoire de finances publiques : l’exécutif reporte le vote sur la trajectoire de finances publiques au parlement. Son adoption et vote par le parlement est une exigence de la loi organique de stabilité budgétaire et soutenabilité financière et sert de base pour la préparation d’un budget à l’automne. Le 23 juillet, le Congrès des députés avait rejeté la 1ère trajectoire proposée par le gouvernement. Après avoir adopté le même projet de trajectoire le 10 septembre, le gouvernement a annoncé reporter le vote au Parlement sur cette trajectoire et le projet de budget, pour continuer de négocier avec les groupes parlementaires (notamment les partis indépendantistes dont les voix sont nécessaires au gouvernement espagnol pour former une majorité).
Déficit public : le déficit des administrations publiques (hors municipalités), s’élevait à 37,5 Md€ fin juillet 2024 (2,4% du PIB), soit une hausse de 10,9% par rapport à la même période en 2023. Par administration, l’État central enregistre un déficit de 39,3 Md€ (2,5% du PIB) et les régions de 1,4 Md€ (0,1%). En revanche, la sécurité sociale enregistre un excédent de 4,0 Md€ (0,3% du PIB).
Dette publique :en juillet 2024, la dette des administrations publiques s’est élevée à 1 616 Md€, soit une hausse de 3,8% en glissement annuel. La banque d’Espagne a confirmé que la dette des administrations publiques s’est élevée à 1 626 Md€ au T2 2024, soit une hausse de +3,6% en glissement annuel. Sur la base du PIB nominal cumulé des 4 derniers trimestres, le ratio de dette/PIB a été de 105,3% à l’issue du 2ème trimestre 2024, soit une hausse de 0,2 point par rapport au 1er trimestre. Ces données prennent en compte la mise à jour de la comptabilité nationale réalisée par l’INE (cf. supra).
Emploi
Affiliations à la sécurité sociale : fin septembre, la sécurité sociale enregistre près de 21,2 M d’affiliés corrigé de variations saisonnières (c.v.s), soit près de 22 000 affiliés c.v.s. supplémentaires par rapport au mois d’août et 388 000 affiliés c.v.s en plus depuis le début de l’année 2024
Chômage : fin septembre, le nombre de personnes inscrites au chômage s’élève à 2,58 M de personnes. Par rapport au mois d’août, le nombre de personnes au chômage a augmenté de près de 3 000 personnes mais diminué de près de 23 000 personnes c.v.s. Sur un an, la réduction est de près de 147 000 personnes.
Entreprises
Chiffre d’affaires : selon l’INE, en juillet l’indice de chiffre d’affaires des entreprises (ICNE) est en baisse à - 0,8 % c.v.s. en variation mensuelle. Les services marchands non financiers ont affiché la plus forte hausse (2,2%), tandis que L’approvisionnement en électricité, eau, l’assainissement et la gestion de déchets ont enregistré la plus forte baisse (-1,4%).
Chiffre d’affaires industrie et services : selon l’INE, en mai le chiffre d’affaires du secteur industriel (ICN) enregistre une baisse de -0,8 % c.v.s. en variation mensuelle. Les biens de consommation non durables (1,6%), les biens intermédiaires (0,4%) et les biens de consommation durables (0,3%) ont affiché des taux mensuels positifs. L'énergie (-4,9%) et les biens d'investissement (-4,1%) ont enregistré des taux négatifs. Le chiffre d’affaires du secteur services (IASS) se situe à 0,6 % c.v.s. en variation mensuelle en juillet 2024.
Indices PMI : En septembre, l’indice PMI du secteur industriel reste au-dessus des 50 pts (expansion) et augmente par rapport au mois précédent de +2,5 pt à 53,0 pts. L’indice PMI du secteur services reste au-dessus de 50 pts (expansion), à 57,0 pts pour le mois de septembre (variation mensuelle de +2,4 points). Pour le mois de septembre, le PMI composite de l’Espagne augmente fortement (+2,8 pt à 56,3 pts)
Création d’entreprises : selon l’INE, 9 704 sociétés ont été créées en juillet 2024, soit 17% de plus par rapport au mois de juillet de 2023. Le capital déposé cumulé pour leur création a été de 343 M€ (-2,6 % par rapport à juillet 2023), avec une moyenne de 35 386 € (-16,7 % g.a.). Toujours en juillet, l’institution enregistre la liquidation de 1 585 sociétés (augmentation du nombre de liquidation de sociétés de 2,4% par rapport au mois de juillet de l’année dernière).
Commerce de détail : l’indice de commerce de détail (ICM) enregistre une variation mensuelle de 0,5 % c.v.s. en juillet 2024. Par mode de distribution, ce sont les grandes surfaces qui ont le plus progressé (1,1%). Par produit, les produits alimentaires ont augmenté de 0,6%.
Numérique
Transformation digitale : Óscar López Águeda a été nommé ministre de la Transformation numérique et de la Fonction publique le 6 septembre, en remplacement de José Luis Escrivá, qui a été nommé gouverneur de la Banque d'Espagne. Óscar López Águeda est un proche de P. Sánchez, il a été Secrétaire du PSOE de 2012 à 2024. En 2021, il avait été nommé chef de cabinet du président du gouvernement.
Secteur bancaire et financier
Renouvellement des mandats de la banque d’Espagne : l’exécutif de la banque d’Espagne a été renouvelé début septembre. C’est l’ancien ministre de la Transformation numérique et de la Fonction publique, José Luis Escrivá qui a été nommé nouveau gouverneur de la banque d’Espagne et Soledad Núñez sous-gouverneure, qui a été entre autres directrice générale du Trésor. Tous deux ont été nommés pour un mandat de 6 ans.
Règles macroprudentielles : la banque d’Espagne a approuvé la révision à la hausse du coussin de fonds propres contra-cyclique[1] à 0,5% pour les entités exposées en Espagne à partir du 4ème trimestre 2024, estimant que les risques systémiques cycliques se situent à un niveau standard (intermédiaire entre un niveau élevé et un niveau faible). L’application du nouveau cadre macroprudentiel sera exigible à partir du 1er octobre 2025. Ce nouveau cadre devrait renforcer la résilience du secteur bancaire tout au long du cycle macro-financier, en particulier durant les phases cycliques défavorables. Le déblocage de ce volant de fonds propres contribuera à faciliter un financement plus stable de l'économie réelle par les banques. Le superviseur prévoit d'augmenter progressivement ce coussin jusqu'à un niveau de 1 % à partir de 2025.
Défaut de paiement : le ratio de prêts non performants (NPL) du secteur financier (entités de dépôts et établissement financiers de crédits) atteint 3,4% en juillet (-0,2 pp par rapport à mai), soit le niveau le plus bas depuis 2008.
Prêts immobiliers : selon les dernières données provisoires de l’INE, en juillet le nombre de prêts immobiliers octroyés a augmenté de 23,5% en glissement annuel. Parmi ces nouveaux prêts, 41% étaient à taux variables et 59% à taux fixe. Le taux d'intérêt moyen des nouveaux prêts s’élève 3,17% pour une durée moyenne de 25 ans. Le taux d'intérêt moyen à la signature du prêt est de 2,99% pour les prêts immobiliers à taux variable et de 3,32% pour les prêts immobiliers à taux fixe.
Projet de fusion BBVA-Sabadell : début septembre 2024, l’OPA a reçu l'approbation de l’autorité de régulation prudentielle du Royaume-Uni (Prudential Regulation Authority, PRA) suivi de l’avis de non-objection de la BCE. La non-objection du régulateur européen était la condition sine qua non pour que l’autorité des marchés financiers espagnols, la CNMV, puisse statuer sur l’opération. Cette OPA hostile, peu commune dans le secteur financier, est encore en attente des autorisations préalables des autorités espagnoles des marchés financiers et de la concurrence.
Marché de l'immobilier
Financement du logement social en Catalogne : un prêt de 31M€ a été accordé par la banque de développement social pour l’Europe à Sostre Civic SCCL, une coopérative de logement social à but non lucratif, pour construire et rénover plus de 300 unités de logement social dans la région de Catalogne. Le programme, dont le coût total s’élève à 62M€ et qui est partiellement financé par des fonds de l’UE (13%), est le plus grand projet de logement coopératif en Espagne. Les bénéficiaires finaux seront les habitants de la Catalogne qui n’ont pas les moyens d’acheter ou de louer au prix du marché. Environ 25% des logements seront réservés à des personnes socialement et économiquement vulnérables. Ce prêt bénéficiera de la garantie partielle d’InvestEU.
Marché locatif : les loyers ont augmenté de 10,2% en moyenne au T3 en glissement annuel selon le principal portail immobilier Idealista mais ont baissé de 2,4% par rapport au T2. En glissement annuel, toutes les capitales de régions ont vu leur prix des loyers augmenter, les hausses les plus importantes ont été enregistrées à Palma (18,9%), Madrid (15,7%), Valence (15,4%), Alicante (13,9%) ainsi que Malaga (13,2%). Le prix moyen du m2 sur le territoire espagnol se situe à 13€.
Marché immobilier : les prix de vente dans l’ancien ont enregistré une augmentation de 8,7 % en glissement annuel au cours du T3 2024 selon le principal portail immobilier Idealista. Selon le portail, le prix moyen du mètre carré en Espagne atteint 2 182€, la valeur la plus haute enregistrée. En glissement annuel, toutes les communautés autonomes ont vu leur prix augmenter, les hausses les plus importantes ont été enregistrées aux Canaries (+16,4%), la région de Madrid (+14,1%), les Baléares (13,1%), la Communauté Valencienne et la région de Murcie (12,7% chacune).