Le déploiement du véhicule bas-carbone mis à l’épreuve
Comptant parmi les leaders mondiaux de la mobilité bas-carbone, la Corée du Sud a également engagé une transition de son propre parc automobile. Le pays a vu une nette accélération de ses ventes de véhicules électriques au cours des 5 dernières années et est de loin le premier pays en vente de véhicules hydrogène. Pour maintenir cette dynamique positive, le gouvernement renforce les dispositifs d’incitation et maintient un cap d’augmentation du nombre de stations de recharge.
Le déploiement du véhicule bas-carbone est un enjeu majeur pour la Corée
Le verdissement du parc automobile coréen est au cœur de la transition écologique de la Corée. En vue d’atteindre son objectif de neutralité carbone à horizon 2050, la Corée souhaite diviser par 10 les émissions de gaz à effet de serre dues aux transports d’ici 2050. Les possibilités de report vers d’autres modes de transport que l’automobile, quoique prometteuses dans l’agglomération de Séoul, sont globalement limitées, et un tel objectif suppose donc la transition massive de son parc automobile (26 millions de véhicules) vers le bas-carbone.
Le gouvernement déploie depuis une quinzaine d’années une politique de transition vers le véhicule bas-carbone. Les premières politiques visant à réduire l’empreinte carbone des transports remontent à la fin des années 2000, avec une première loi-cadre adoptée en 2009, et le premier dispositif de bonus écologique sur les véhicules hybrides et zéro-émission datant de 2011. Elles ont ensuite été révisées à la hausse, notamment dans le cadre des engagements pris à la COP21, des politiques de soutien à l’économie de l’hydrogène mises en place en 2019, ou encore du volet verdissement du plan de relance post-Covid coréen de 2020, qui consacre 17 Md$ à la mobilité bas carbone avec un objectif de 1,13 million de véhicules électriques et 200 000 véhicules hydrogène d’ici 2025. En 2021, les autorités ont fixé l’objectif de 7,85 millions de véhicule zéro-émission d’ici 2030, soit 33 % du parc automobile d'ici 2030, puis 85 % à horizon 2050.
Une hausse notable des ventes de véhicules bas-carbone
Les ventes de véhicules électriques (VE), affichent une bonne dynamique au cours des 5 dernières années, malgré un ralentissement en 2023. La Corée compte 607 000 VE en circulation en date de juin 2024, un nombre multiplié par 7 en 5 ans, et l’accélération des ventes observée entre 2018 et 2022 laisse entrevoir la possibilité d’atteindre l’objectif de 1,13 million de véhicules d’ici 2025. 2023 a marqué la première année de baisse du parc automobile thermique en Corée (-0,4 % par rapport à 2022). Dans le même temps, les ventes de VE ont stagné en 2023 à 200 000 véhicules, et affichent sur les premiers mois de 2024 une tendance à la baisse, tandis que les ventes de véhicules hybrides sont en forte hausse.
La Corée du Sud est de loin le premier pays de déploiement du véhicule hydrogène, même si le nombre de véhicules est relativement plus faible. La Corée est un des rares pays à avoir parié relativement tôt sur le développement du véhicule hydrogène personnel et représente à elle-seule 48 % du parc mondial. Le parc du pays atteint près de 35 000 véhicules hydrogène, avec 4 631 nouvelles immatriculations en 2023, ce qui représente environ un véhicule hydrogène pour 17 VE.
La volonté de maintenir une dynamique positive
Le gouvernement sud-coréen maintient une politique incitative. En 2023, le ministère coréen de l’Environnement a dédié le quart de son budget au déploiement du véhicule écologique, dont 2 Md$ pour les subventions à l'achat de véhicules écologiques et 364 M$ pour les stations de recharge, un budget en hausse depuis 2019 (source : KDI). En mai 2023, le ministère a décidé le renforcement des primes à la casse des véhicules à environ 725 $, de nouvelles subventions à l’achat pour les véhicules à hydrogène, qui couvrent désormais plus de la moitié du prix d’achat pour une Hyundai NEXO, et un soutien fiscal et en R&D pour les entreprises. En outre, le gouvernement a imposé une obligation de promotion des VE aux concessionnaires et mis en place un malus à l’achat de véhicules émettant plus de 160 g/km de CO2, pouvant atteindre 7 % du prix. Enfin, le gouvernement ne devrait plus considérer les véhicules hybrides comme écologiques d’ici 2025 ou 2026, les sortant ainsi du périmètre des mesures incitatives.
La Corée souhaite aussi renforcer les infrastructures de recharges. La Corée est le pays de l’OCDE qui possède le plus grand nombre de stations de recharge de VE en proportion du parc, mais une partie de la population coréenne conditionne l’achat d’un VE à une densification encore plus importante. Il en va de même des stations de recharge hydrogène : on comptait 271 stations en 2023, un nombre qui a doublé en deux ans mais qui ne permet pas encore un déploiement du véhicule hydrogène sur tout le territoire. En outre, un seul distributeur par station est autorisé en raison des réglementations strictes en matière de sécurité des gaz. Dans les deux cas, le gouvernement pousse pour un renforcement des infrastructures : 90 000 nouveaux chargeurs pour VE annoncés en août 2024 et un objectif de 1 200 stations de recharge hydrogène d’ici 2040.
Le gouvernement coréen souhaite également répondre aux préoccupations de sécurité de sa population. Selon une étude de Deloitte de janvier 2024, ce facteur est cité par 45 % des Coréens comme un frein à l’achat de véhicules électriques, soit le pourcentage le plus élevé parmi les pays de l’échantillon. Si la probabilité d’incendie est plus élevée en Corée pour un véhicule thermique, les incendies de véhicules électriques, qui occasionnent davantage de dégâts et sont généralement relayés dans les médias, ont un impact psychologique plus fort sur le consommateur. C’est dernièrement le cas de l’explosion d’un véhicule électrique dans un parking souterrain de Séoul en août 2024, qui a blessé 23 personnes et détruit 140 véhicules. En réponse, le gouvernement a émis des lignes de conduite à l’endroit des constructeurs, les invitant à divulguer leurs fournisseurs de batteries et à proposer des inspections gratuites. La ville de Séoul a, de son côté, interdit la présence de VE dans les parkings souterrains s’ils sont chargés à plus de 90 %.