Retrouvez la note sur la gestion de l'eau au Canada

La gestion de l’eau au Canada

Géant mondial de l’eau douce, le Canada dispose de 7% des réserves renouvelables du monde entier, pour moins de 0,5% de la population mondiale. La gestion de cette ressource, jadis illimitée mais qui est de plus en plus contrainte e, repose essentiellement sur le niveau local, selon des modalités variables, et parfois tâtonnantes. Pour sortir progressivement d’un monde d’abondance et moderniser des infrastructures vieillissantes, les collectivités n’ont eu d’autres moyens que d’augmenter progressivement les redevances. La pression démographique conduit toutefois à des besoins croissants qui constituent autant d’opportunités pour des entreprises françaises déjà bien positionnées sur le marché.

La gestion de l’eau courante au Canada repose essentiellement sur l’échelon local, le secteur privé n’intervenant souvent que pour la construction et l’entretien des infrastructures

L’eau constitue au Canada un bien de la Couronne, dont la gestion est généralement organisée à l'échelle provinciale et municipale. Le gouvernement fédéral ne joue qu’un rôle consultatif et de soutien dans la gestion de l'eau ; il élabore également les normes garantissant la qualité de l'eau potable et la protection des ressources hydriques et des écosystèmes aquatiques. C’est à ce titre qu’il a publié en 2017 son Plan d’action eau douce. Chaque province canadienne a la responsabilité opérationnelle de la gestion de l'eau sur son territoire (excepté pour les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut où le secteur reste géré par le gouvernement fédéral) : cela couvre en particulier la réglementation des infrastructures hydrauliques, la distribution de l'eau potable et la collecte et le traitement des eaux usées. À l'échelle municipale, environ 90% des administrations locales gèrent les services d'eau potable et d'assainissement des eaux usées, en régie, par les services municipaux ou à travers des sociétés de services publics municipales spécialisées.  Parmi les plus importantes du pays, on retrouve (Cf Annexe 1) : Metro Vancouver qui fournit de l’eau potable propre et salubre aux 2,7 millions d’habitants du grand Vancouver ; Toronto Water, responsable de la distribution de l’eau potable, de la récolte et du traitement des eaux usées pour les 3,6 millions d’habitants de Toronto ; le Service de l’eau à Montréal qui gère la production et la distribution de l’eau potable, ainsi que la collecte et le traitement des eaux usées de la métropole québécoise. En faisant appel à Veolia, la ville de Moncton fait partie des rares exceptions qui sollicitent des organismes privés pour la gestion de l’eau.  

Si les services d'eau potable et d'assainissement des eaux usées sont essentiellement gérés en régie, elles s’appuient sur les entreprises du secteur pour ce qui concerne les infrastructures. Les entreprises jouent surtout un rôle dans la construction, la modernisation et la maintenance des infrastructures en eau, en réponse aux appels d’offre émis par les provinces et/ou les municipalités. Bien que ces projets soient gérés à l’échelle locale, ils sont souvent financés à la fois par le gouvernement fédéral et provincial et/ou municipal. A titre d’illustration, en 2018, dans le cadre du programme Investir au Canada, chacune des provinces et chacun des territoires a signé une entente bilatérale avec le gouvernement fédéral, pour une durée de 10 ans. Ces ententes servent à définir les modalités par lesquelles chacune des provinces pourra bénéficier de financements du gouvernement fédéral pour ses différents projets. Parmi les entreprises françaises présentes sur le marché de l’eau canadien se trouvent Vinci, Egis Eau, Veolia ou encore Derichebourg (Cf Annexe 2). Des entreprises canadiennes sont également positionnées à l’image de WSP Global Inc, Stantec, Aecom, Hatch et AktinsRéalis (anciennement SNC-Lavalin).

Historiquement faible, le prix de l’eau a eu tendance à augmenter récemment afin notamment de mieux couvrir le coût des infrastructures

La tarification de l’eau varie en fonction des provinces et des municipalités. En général, des redevances pour les services liés à l’eau sont prélevées auprès des particuliers ; elles couvrent la production et la distribution, les services d’ingénierie, le service à la clientèle ainsi que la maintenance des infrastructures. Leur montant et leur forme varient en fonction des provinces et des municipalités. En Ontario, par exemple, la redevance est fondée sur la tarification en volume et le principe de l’utilisateur-payeur est appliqué. A Ottawa, ces redevances dépendent du type de résidence et du lieu d’habitation (urbain ou rural) ; la consommation d’eau fait quant à elle l’objet d’une redevance variable en fonction du niveau d’eau consommée (d’une échelle de 1 à 4, avec un tarif variant de 1,73 CAD/m 3 (soit 1,16€/m3) pour une consommation entre 0 et 6m3 par mois à 4,26 CAD/m3 (soit 2,86€/ m3) pour une consommation supérieure180 m3). La province de Québec fait figure d’exception : les ménages ne sont pas facturés pour leur consommation d’eau et ne s’acquittent que d’un prélèvement intégré à la taxe foncière.

Les prix de l’eau ont tendance à augmenter depuis le début des années 2000. Les redevances d’eau ont augmenté durant les dernières années afin de mieux refléter le véritable « coût » de l’eau. En effet, pendant de nombreuses années, le montant des redevances prenait en compte le traitement de l’eau mais pas le coût de l’entretien, ni du renouvellement des infrastructures ; ceci a conduit à des infrastructures vieillissantes et à des surcoûts au moment de réinvestir dans ces dernières. La situation a évolué au tournant des années 2000. Par exemple, en 2003, la ville de Montréal a mis en place une nouvelle taxe sur l’eau dédiée aux infrastructures. Depuis 2006, la ville de Toronto a opté pour l’augmentation des tarifs afin de financer son plan d’investissement dans les infrastructures en eau. La tarification de l’eau reste toutefois un enjeu débattu dans l’opinion publique. Ainsi la ville de Montréal a lancé à l’été 2023 une grande consultation pour sonder ses habitants sur leurs préférences, en soulignant notamment l’écart grandissant entre les besoins de financements (5,4 Md CAD, soit 3,6 Md€ prévus) et les subventions prévues (2,3 Md CAD, soit 1,5 Md€) sur les dix prochaines années. La 3ème recommandation du rapport de restitution, rendu public en février 2024, appelle la ville à se doter « d’un plan de financement pérenne pour les 10 prochaines années, afin de prévoir le budget et les investissements nécessaires pour rattraper le déficit d’entretien des infrastructures ».  

Le renouvellement prévisible des infrastructures en eau associé à des exigences environnementales plus grandes dans le secteur devraient créer des opportunités pour les entreprises françaises

La pression démographique, l’urbanisation et le développement économique renforcent structurellement les besoins en eau, nécessitant des investissements importants dans de nouvelles infrastructures. La croissance de la population (supérieure à 2% par an ; la plus forte parmi les pays du G7), conjuguée à l’urbanisation, nécessite des investissements accrus dans les systèmes d'eau potable et d'eaux usées. De fait, 60% de l’eau douce au Canada se trouve au nord du pays tandis que 85% de la population habite au sud. Les besoins s’étendent toutefois bien au-delà des grands centres urbains, comme l’illustrent les débats récurrents sur l’approvisionnement en eau des régions isolées du Canada (engagements répétés par le Premier ministre Trudeau). Enfin, le développement économique, notamment des industries gazières, minières, nucléaires, agroalimentaires ou encore de pâtes et papier, induit une consommation croissante d'eau par rapport au marché municipal (historiquement 50% du marché).

Les besoins de modernisation des infrastructures existantes devraient à l’avenir constituer des opportunités pour les entreprises françaises. La modernisation des infrastructures vieillissantes, qui représentent 50% des actifs immobiliers des municipalités, devient une nécessité : le Fonds Canadien des Municipalités estime les besoins à 98 Mds CAD (67 Mds €), sur les 175Mds CAD (120 Mds €), toutes infrastructures municipales confondues. Les segments les plus dynamiques sur le marché canadien sont les infrastructures vieillissantes et en particulier les réseaux de tunnels. Sur ce segment et au vu de la taille des infrastructures, les principaux marchés se répartissent entre 4 grand pôles (Vancouver, Toronto, Montréal et Calgary (cf. annexe 1). Le plan « Investir dans le Canada », lancé en 2016, vise à promouvoir une croissance résiliente en s’appuyant sur des investissements dans plusieurs volets.  Parmi eux, le volet « Infrastructures vertes » est doté d’un programme consacré au traitement des eaux et à la gestion de cette ressource. Avec à la clef des priorités, besoins et défis très différents selon les provinces (cf. annexe 4).

Enfin de nouvelles exigences environnementales en matière de gestion de l'eau courante pourraient être porteuses pour nos entreprises. Le rejet de l’eau usagée dans les lacs et rivières après un simple filtrage mécanique est au centre des préoccupations puisque 20% des eaux usagées municipales ne sont pas traitées ou ne reçoivent qu’un traitement primaire au Canada. A cet égard, la Stratégie pancanadienne pour la gestion des effluents d’eaux usées municipales prévoit la mise en place généralisée du traitement biologique d’ici 2030. Cette mise en conformité par rapport aux nouvelles normes environnementales, dont le traitement biologique des eaux usées, est un marché estimé à plusieurs milliards de CAD, qui nécessite d’importants investissements dans les stations d’épuration. Les usines de production de sables bitumineux sont particulièrement concernées dans la mesure où la réglementation actuelle ne leur permet pas de retraiter leurs eaux polluées qu’ils doivent stockés par le biais de digues, nécessitant de trouver des solutions alternatives. C’est d’ailleurs l’une des priorités du Plan d’action sur l’eau douce (Cf annexe 3), annoncé en 2017 et financé à hauteur de 70,5 M CAD (47,2 M€), dont l’objectif est de protéger et restaurer la qualité de l’eau douce dans les Grands Lacs et le bassin du lac Winnipeg. Cet objectif, renouvelé par le gouvernement fédéral en 2023, a conduit ce dernier à annoncer de nouveaux investissements à hauteur de 650 M CAD (446 M€) sur 10 ans. Les provinces les plus avancées comme la Colombie-Britannique et l’Ontario investissent dans des nouvelles technologies afin d’optimiser leur réseau, recherchant notamment des systèmes de smart water. Par exemple, le système Smart Grid for Water (Vancouver, Colombie-Britannique) déploie des capteurs à distance afin de surveiller les paramètres de quantité et de qualité dans le système de distribution de l’eau. Ces capteurs permettent aussi de vérifier la concentration en chlore. Dans la même logique, Smart Water IoT Monitorig, né à Toronto, permet de détecter les anomalies dans le réseau de distribution, grâce à des capteurs intelligents. Des segments où les entreprises canadiennes, à l’image de Trilliant, sont déjà présentes mais qui pourraient intéresser certains acteurs français, comme Suez Smart Solution.