Washington Wall Street Watch n°2023-44
Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.
Sommaire
Conjoncture
- Le marché du travail ralentit nettement
Politiques macroéconomiques
- Le Congrès peine à avancer sur le financement des aides à l’Ukraine et à Israël
Services financiers
- La CFTC propose de standardiser les termes des contrats dérivés de crédits carbone volontaires
- Les dirigeants des grandes banques tentent de mobiliser le Sénat contre la transposition de Bâle III
Situation des marchés
Brèves
Conjoncture
Le marché du travail ralentit nettement
Selon le rapport JOLTS (Job Openings and Labor Turnover) du Bureau of Labor Statistics (BLS), le nombre d’emplois vacants a nettement diminué en octobre, à 8,7 millions (après 9,6 M en septembre), surprenant à la baisse les attentes du marché (9,4 M) et tombant au plus bas niveau depuis mars 2021.
La baisse des emplois vacants est concentrée dans les soins de santé et l’assistance sociale (-236 000), la finance et l’assurance (-168 000) et les services liés à l’immobilier (‑49 000), partiellement compensés par le secteur de l’information (+39 000).
Le nombre de recrutements et le nombre de ruptures de contrats sont restés stables par rapport au mois précédent, à 5,9 millions et 5,6 millions respectivement.
Selon le rapport publié par l’ADP (Automatic Data Processing), une entreprise spécialisée notamment dans le traitement des bulletins de paie, l’emploi dans le secteur privé a augmenté de 103 000 en novembre contre 128 000 attendus par le marché. Par ailleurs, les créations d’emplois d’octobre ont été révisées à la baisse, de 113 000 à 106 000.
Politiques macroéconomiques
Le Congrès peine à avancer sur le financement des aides à l’Ukraine et à Israël
Le président de la commission des appropriations du Sénat, Patty Murray (D‑Washington) a publié le 5 décembre une proposition de loi de 110 Md USD pour financer les aides à l’Ukraine et à Israël et les investissements militaires des États-Unis. En particulier, la proposition prévoit, pour le soutien à l’Ukraine, 14 Md USD (dont 11,8 Md USD d’aides budgétaires directes et 2,2 Md USD d’aides financières dans les secteurs du transport et de l’énergie), 15,1 Md USD de soutien militaire (formation militaire, services de renseignements et coopération avec la Commande européenne), et 13,5 Md USD de commandes à l'industrie de défense à destination de l'Ukraine. Par ailleurs, le texte prévoit 24 Md USD de réassorts de l'armée américaine, pour reconstituer le matériel qui a été envoyé en Ukraine et en Israël. Malgré un plaidoyer du Président Biden au Congrès le 6 décembre, le texte n’a pas été adopté (49-51) au Sénat faute notamment de soutien des Républicains qui conditionnent le vote du texte au durcissement des contrôles à la frontière avec le Mexique.
Services Financiers
La CFTC propose de standardiser les termes des contrats dérivés de crédits carbone volontaires
Le 4 décembre, la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) a soumis pour consultation publique une proposition de règle visant à standardiser les termes des contrats dérivés de crédits carbone volontaires (CCV) afin d’améliorer la transparence, la liquidité et le mécanisme de fixation des prix de ces instruments non-régulés. Les marchés carbone volontaires traitent de l'émission, l'achat et la vente de crédits carbone sur une base volontaire des acteurs (en dehors des machés carbone réglementés).
La proposition prévoit que les bourses enregistrées auprès de la CFTC devront tenir compte, au cours du processus d’émission des contrats dérivés de CCV, de nouvelles exigences concernant les (i) standards de qualité des contrats (transparence des caractéristiques, quantification robuste de la réduction des émissions, etc.), (ii) les modalités de négociation et de livraison (mise en place d’un cadre de gouvernance, d’un mécanisme de suivi du transfert de propriété des CCV sous-jacents et de mesures de prévention de double comptage), et (iii) les dispositifs d’inspection pour la mise en conformité des contrats avec ces nouvelles règles.
Janet Yellen, secrétaire du Treasury, a salué cette proposition, qui intervient deux mois après la publication des principes pour le financement et l'investissement Net-Zéro du Treasury qui avaient souligné le potentiel des marchés carbone volontaires dans la poursuite des objectifs climatiques.
La proposition de la CFTC est soumise à consultation publique jusqu’au 16 février 2024.
Les dirigeants des grandes banques tentent de mobiliser le Sénat contre la transposition de Bâle III
Les Chief Executive Officers (CEO) des huit banques d’importance systémique (JP Morgan, Bank of America, Citigroup, Wells Fargo, Goldman Sachs, Morgan Stanley, BNY Mellon et State Street) étaient auditionnés le 6 décembre par la commission des affaires bancaires du Sénat.
Les CEO des banques ont plaidé en faveur du retrait de la proposition de règle transposant les règles de Bâle III aux États-Unis ou d’un assouplissement de celle-ci. Ils soutiennent que le renforcement des exigences de fonds propres affecterait l’économie et réduirait l’accès au crédit (en particulier pour les PME et les primo-accédants au marché immobilier) dans un contexte déjà marqué par le resserrement monétaire. Ils estiment aussi que le nouveau cadre pèserait sur la liquidité des marchés et sur la compétitivité des banques américaines par rapport à leurs concurrentes européennes. Goldman Sachs a indiqué que la proposition pourrait les conduire à se retirer du maché du repo. Les CEO ont également soutenu que leurs banques étaient suffisamment capitalisées et que la transposition de Bâle III contribuerait à soutenir les activités d’entités non-bancaires moins régulées.
Cet appel a été largement relayé par les sénateurs républicains, qui ont reproché à l’administration démocrate de sous-estimer les impacts négatifs de ces nouvelles règles. Tim Scott, chef de file des Républicains dans la commission sénatoriale, a appelé au retrait de la proposition de règle de transposition de Bâle III. À l’inverse, les élus Démocrates ont majoritairement soutenu les propositions des régulateurs.
En marge de ces débats, Michael Barr, vice-président de la Fed chargé de la supervision, a insisté sur l’importance des exigences de fonds propres et de liquidité des banques à l’occasion d’un discours à la Banque centrale européenne. Il a notamment indiqué que la Fed poursuivait son analyse des faillites bancaires du premier semestre et des enseignements à tirer des fuites de dépôts rapides et massives pour la liquidité des banques.
Situation des marchés
Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi), l'indice S&P 500 a progressé de +0,6 %, à 4 586 points, porté par le ralentissement du marché du travail (cf. supra). Toutefois, les marchés affichent également un attentisme avant la publication du taux de chômage le 8 décembre, de l’inflation le 12 décembre et de la décision de la réunion du Comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) le 13 décembre.
Les rendements des obligations souveraines américaines (Treasuries) à 2 ans et à 10 ans ont poursuivi leur recul à 4,6 % (-0,1 point) et à 4,1 % (-0,2 point) respectivement, soit à leur plus bas niveau depuis l’été 2023, reflétant à la fois l’espoir d’une baisse des taux directeurs plus tôt qu’initialement prévu en 2024 avec une désinflation plus rapide et l’inquiétude d’une éventuelle récession.
Depuis début novembre, la volatilité implicite des marchés actions a nettement diminué (VIX Index à 13 points le 7 décembre, -2 points depuis le 1er novembre), tandis que la volatilité implicite du marché des Treasuries a nettement progressé (MOVE Index à 130 points le 7 décembre, +14 points depuis le 1er novembre) en raison des incertitudes relatives à la politique monétaire.
Par ailleurs, le cours du Bitcoin en USD a poursuivi sa progression (+9 % sur la semaine, +22 % sur un mois, +162 % depuis le début de l’année) pour atteindre 43 400 USD, son niveau de début avril 2022
Brèves
- Les indices PMI publiés par l’Institut for Supply Management (ISM) témoignent d’une activité atone en novembre : dans le secteur industriel, l’indice continue d’évoluer en zone de contraction depuis décembre 2022, à 46,7 en novembre (stable par rapport à octobre). La faiblesse de l’activité en novembre s’explique notamment par l’emploi, les carnets de commandes et les nouvelles commandes à l’export. Dans les services, l’indice s’est établi à 52,7 (+0,9 point par rapport à octobre), tiré par l’emploi, les stocks et les nouvelles commandes à l’export.
- Le 1er décembre, le président de la Fed, Jerome Powell, a tenu un discours dans lequel il a salué la désinflation en cours en indiquant que le rythme annualisé de l’inflation au cours des 6 derniers mois s’établissait à +2,5 %, soit un niveau élevé mais proche de la cible de 2 % de la Fed. Toutefois, il n’a pas totalement écarté la possibilité d’une nouvelle hausse compte tenu du risque de résurgence de l’inflation. Au final, il estime que les risques de surréaction et de sous-réaction sont désormais équilibrés, insistant ainsi sur la prudence quant à la suite du resserrement de la politique monétaire.
- L’administration Biden a annoncé le 6 décembre l’annulation de la dette étudiante de 80 300 emprunteurs, soit un montant total de 4,8 Md USD qui se décompose de la manière suivante : (i) 34 400 emprunteurs (représentant un montant total de 2,6 Md USD) dans le cadre du Public Service Loan Forgiveness program et (ii) près de 46 000 emprunteurs (2,6 Md USD) qui sont en cours de remboursement depuis plus de 20 ou 25 ans. En cumulé, le montant de la dette annulée sous l’administration Biden s’élève à 132 Md USD et concerne plus de 3,6 millions de personnes.
- Le 4 décembre, Gary Gensler, Président de la Securities and Exchange Commission (SEC), l’autorité des marchés financiers, a exprimé devant le Council on Foreign Relations son intention de coopérer avec l'Union européenne afin d’alléger la charge des entreprises confrontées aux cadres réglementaires différenciés des deux juridictions en matière de reporting climatique (CSRD en Europe, et Climate Disclusure rule en cours d’élaboration aux Etats-Unis). Les discussions porteraient sur un éventuel principe d’équivalence réglementaire (substituted compliance), permettant aux entreprises de faire valoir leur conformité à l’un des deux cadres auprès de l’autre juridiction.
- La SEC a adopté le 1er décembre une règle du Public Company Accounting Oversight Board (PCAOB), chargé de la régulation des commissaires aux comptes, qui impose de nouvelles exigences de vérification des créances client et des liquidités afin de lutter contre les fraudes dans les comptes publiés par les entreprises.
- Le 6 décembre, l’Office of the Comptroller of the Curency (OCC) a publié un ensemble de recommandations à l’intention des banques pour les avertir sur les risques associés aux offres « buy now, pay later » (BNPL), très sollicitées à l’approche des fêtes de fin d’année. L’agence insiste notamment sur le risque de surendettement des ménages les plus fragiles, qui pourraient faire défaut ou le cas échant devront s’acquitter d’importants frais de découvert en cas de retard de paiements.