Lancée en 2019 par le gouvernement, la stratégie nationale centrée sur le développement et l’utilisation de l’Intelligence Artificielle (IA) a permis à Singapour de s’imposer comme précurseur en matière d’IA dans la région, aspirant à devenir, d’ici 2030, un hub reconnu à l’international dans le secteur. La cité-Etat joue un rôle de premier plan dans l'élaboration de lignes directrices en matière de gouvernance et d'éthique pour l'IA dans l’ASEAN, et collabore activement avec les pays membres pour élaborer un guide d’application de l’IA à destination des acteurs privés et publics de la région d’ici la fin de l’année. D’après l’Economic Development Board de Singapour, environ 371 M USD ont été investis à l’échelle nationale dans l’innovation en IA au cours des cinq dernières années, et Singapour est, en 2021, le pays qui offre le plus d’emplois dans l’IA au monde, par rapport à l’ensemble des offres d’emploi proposées (cf. Annexe 2). Singapour et la France ont progressivement renforcé leur coopération bilatérale de recherche en IA : en 2018, un protocole d’accord entre l’agence AI Singapore et les institutions françaises de recherche CNRS, INSERM et INRIA a été signé, permettant notamment au programme de recherche « DesCartes » de voir le jour. Cette année, les deux pays ont annoncé la création d’un centre de recherche en IA spécialisé dans la cyberdéfense.

 

Une stratégie gouvernementale couplée à une coopération internationale pour devenir un hub mondial de l’IA

 

L’un des objectifs du gouvernement singapourien à l’horizon 2030, mentionné dans la National Artificial Intelligence Strategy de 2019, est de faire de la cité-Etat un acteur clé dans le développement et le déploiement de solutions d'intelligence artificielle (IA) dans des secteurs à forte valeur ajoutée. Cette stratégie présente un cadre de travail qui promeut la mutualisation des efforts entre les entreprises privées et les institutions publiques afin de développer et d’adopter des compétences clés dans l’IA qui, in fine, soutiendront le développement économique du pays. En favorisant activement – via un cadre fiscal incitatif, des subventions, ou encore des programmes de recherche - le développement et la mise en œuvre de solutions d’IA, Singapour vise à attirer de nombreux talents et investissements internationaux dans ce secteur, et à se positionner comme un centre d’excellence mondial de l’intelligence artificielle.

Classée 1ère place financière d’Asie, la cité-Etat intègre d’ores et déjà l'intelligence artificielle dans des secteurs clés, notamment le secteur financier. Certains secteurs ont été définis par le gouvernement comme prioritaires, en raison de la valeur sociale ou économique qu’ils présentent pour Singapour, tels que le transport et la logistique, la sécurité, la santé, et l’éducation, et bien entendu la finance. Dans la Fintech, l’IA est utilisée dans l’analyse des risques et dans la prévention de la fraude. De manière plus générale et dans un contexte de vieillissement de la population, l’IA permet par ailleurs d’améliorer la prise en charge médicale.

D’après l’Economic Development Board (EDB) de Singapour, environ 500 M SGD (370,8 M USD) ont été investis dans l’innovation en intelligence artificielle en 5 ans, à travers des projets croisés entre institutions publiques et financières, entreprises privées et startups. L’investissement privé en IA a représenté plus de 0,9 Md USD sur l’année 2021, soit un tiers de plus qu’à Hong Kong notamment, qui peine encore à rattraper son retard dans le secteur (cf. Annexe 3).

L’agence gouvernementale AI Singapore, établie en mai 2017, supervise des projets de coopération internationale dans la recherche sur l’IA, ce qui en fait aujourd’hui un acteur majeur de cet écosystème (cf. Annexe 5). Elle réunit les institutions de recherche de Singapour, les startups et les entreprises développant des produits d'IA. AI Singapore travaille aussi sur l’alphabétisme numérique et l’adoption de l’IA par les petites et moyennes entreprises. En février dernier, Singapour a signé un nouveau partenariat numérique avec l’UE, proposant un cadre stratégique pour développer pour développer une connectivité numérique à l’échelle mondiale.

La coopération bilatérale entre la France et Singapour dans la recherche en IA s’est progressivement renforcée avec l’ouverture en 2019 du CNRS@CREATE, la première filiale délocalisée du CNRS. En collaboration avec l’institut de recherche A*STAR et l’université NUS, le CNRS@CREATE a lancé en 2021 un programme de recherche, « DesCartes », visant à développer des méthodes d'IA hybrides, financé à hauteur de de 35 M EUR sur cinq ans par la National Research Foundation Singapore. La gouvernance et les applications de l’IA sont par ailleurs évoquées dans le cadre des dialogues entre institutions françaises et singapouriennes en charge du numérique. Plusieurs experts singapouriens participent activement aux quatre groupes de travail du Partenariat mondial sur l’intelligence artificielle (PMIA)[1], dont Singapour et la France sont des membres fondateurs, et l’un de ces experts copréside avec une chercheuse française le groupe dédié à la commercialisation et l’innovation.

 

 

Un cadre réglementaire en suspens, une complaisance au moins temporaire vis-à-vis des IA génératives

 

La cité-Etat ne dispose actuellement pas de législation régissant spécifiquement l'utilisation de l’IA. Cependant, le gouvernement de Singapour s'est activement impliqué dans l'élaboration de lignes directrices visant à encourager une utilisation responsable de l'IA. En 2019, les autorités locales ont mis en place le Model AI Governance Framework, qui fournit des orientations aux organisations pour garantir une utilisation responsable et éthique de l'IA. Il est à noter que le gouvernement dispose d’un socle législatif pour la protection des données – le Personal Data Protection Act (PDPA) de 2012 -, mais plusieurs de ses membres ont récemment déclaré ne pas souhaiter mettre en place de cadre réglementaire spécifique à l’IA pour le moment, afin de ne pas enrayer les innovations dans le domaine et de bénéficier de premiers retours d’expérience sur les législations mises en place par d’autres acteurs (AI Act européen par exemple).

Malgré quelques inquiétudes exprimées quant à la protection des données des utilisateurs et au caractère éthique de cette technologie, l’intérêt marqué de Singapour pour l’IA ne faiblit pas. Les autorités locales encouragent les développeurs d’IA à endosser une responsabilité éthique, et promeuvent également une utilisation responsable, en particulier des IA génératives. Les agents publics ont été autorisés en mai 2023 à utiliser des IA génératives, telles que ChatGPT dans le cadre de leurs fonctions, tout en veillant à ne pas fournir d’informations sensibles à ces applications. L’agence GovTech, en charge de la digitalisation des services publics, a développé son propre outil d’IA générative nommé Pair (4 000 usagers). L'Autorité monétaire de Singapour (MAS) – i.e. le régulateur financier du pays - et Google Cloud ont récemment conclu un protocole d'accord pour développer des solutions d’IA génératives responsables, pouvant garantir la sécurité des données et ainsi être utilisées par les agents de la MAS puis par d’autres institutions publiques.

Début juin 2023, la ministre singapourienne des communications et de l'information, Josephine Teo, a annoncé le lancement de la AI Verify Foundation, une initiative rassemblant des acteurs privés singapouriens et américains, tels que IBM, Microsoft, Google et Salesforce, pour développer des outils de test de l'IA. En 2022, l'Infocomm Media Development Authority (IMDA) avait déjà déployé la plateforme A.I. Verify, disponible en open source, qui propose des mécanismes de contrôle pour garantir la transparence des entreprises dans leur utilisation de l’IA.

 

 

Des projets mêlant public et privé, et une IA déjà intégrée aux principaux secteurs du pays

 

Singapour est en 2021 le pays qui offre le plus d’emplois en IA par rapport au total des emplois proposés (2,3% des emplois totaux), devant les Etats-Unis ou le Canada (cf. Annexe 2). La cité-Etat est également le 9ème pays qui intègre le plus l’IA dans les compétences de ses industries, devant la France (cf. Annexe 6). En 2022, l’EDB a soutenu l’ouverture du SAP Labs Singapore, un centre d’innovation destiné à former en IA environ 500 professionnels en début de carrière d’ici 2025.

Depuis 2021, le gouvernement a déployé des dispositifs visant à favoriser davantage le développement et l’adoption de l’IA dans certains secteurs clés. Il a lancé ainsi le National Artificial Intelligence Programme in Finance, une initiative collaborative de la MAS et du Smart Nation and Digital Government Office (SNDGO), qui vise, grâce à l’IA, à renforcer le secteur financier de Singapour en permettant i) d’augmenter la productivité, ii) de créer de nouveaux emplois, et iii) d’améliorer l'acceptation sociétale de l'IA par le biais d'une gouvernance saine. En sus de proposer des financements et de fournir des données, la MAS et la SNDGO soutiennent la collaboration active entre les institutions financières et les agences gouvernementales pour développer des solutions immédiates et futures (cf. Annexe 1).

L’intelligence artificielle est au centre des grands rendez-vous Fintech de Singapour en 2023. Les « Applications de l'intelligence artificielle (IA) dans les services financiers » seront le thème du prochain Singapore Fintech Festival (SFF), le principal salon Fintech du monde. Les finalistes de la 8ème édition du Global FinTech Hackcelerator[2] exposeront leurs solutions durant le SFF.

 


[1] Initiative internationale visant à promouvoir une utilisation responsable de l’IA, dont le secrétariat est hébergé par l’OCDE.

[2] Concours soutenant l’émergence de solutions innovantes en matière d'IA, lancé en juin par la MAS.

 

Annexes disponibles en téléchargement au format PDF