Le 14 juin 2023, le service économique de l’Ambassade de France à Madrid a organisé, en partenariat avec les ministères français de la Transition Ecologique et de la Transition Énergétique, Saint-Gobain et Ingerop, une conférence franco-espagnole dédiée à la décarbonation du secteur de la construction. Elle a réuni 138 participants et s’est déroulée dans les locaux de l’Institut français de Madrid.

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 Pour cette occasion, le Secrétaire d’État espagnol aux Transports, à la Mobilité et à l’Agenda urbain, David Lucas Parrón, a inauguré officiellement l’évènement. Il a rappelé l’engagement du Gouvernement sur cet enjeu et son objectif dans le cadre du Plan national intégré énergie climat (PNIEC) de réhabiliter 300.000 logements/an jusqu’en 2030. Pour cela, il a précisé que deux instruments législatifs structurants ont été adoptés en juin 2022 : la loi sur la réhabilitation des bâtiments (liée aux fonds du plan de relance) et la loi sur la qualité architecturale. Il a également précisé qu’11 Md€ ont été affectés ces dernières années pour la mise en œuvre en lien avec les collectivités territoriales de différents programmes d’efficacité énergétique et de réhabilitations des bâtiments (dont 1 Md€ pour la construction de logements sociaux basse consommation).

Organisée en 2 tables rondes binationales, la conférence a ensuite permis d’échanger et de débattre sur la place de l’économie circulaire dans le secteur de la construction et sur les politiques d’efficacité énergétique des bâtiments, notamment sur les certificats d’économie d’énergie.

 

photo_2Tout d’abord, la première table ronde a été l’occasion de présenter les ambitions environnementales des Jeux olympiques de Paris 2024 (14 250 athlètes et 25 000 de journalistes attendus) et notamment le rôle de l’entreprise publique Solideo, chargée de livrer les infrastructures pérennes et de coordonner 30 maîtres d´ouvrage. Le directeur de la stratégie et de l´innovation, Antoine du Souich, a notamment précisé que ces infrastructures ont 10 ans d’avance en matière de décarbonation et qu’à ce titre, elles s’inscrivent dans le cadre de la Stratégie nationale bas carbone (dont les ambitions seront prochainement revues à la hausse). En mobilisant toute la chaîne des acteurs de la construction et de l´aménagement, en particulier les département R&D des entreprises, et en agissant comme un laboratoire vivant de solutions décarbonées pour le secteur - notamment grâce à leur Fonds Innovation - la Solideo est ainsi parvenu à diminuer de 47% la consommation de CO2 pour la construction du Village des Athlètes. Dans le même ordre d´idée, Gaël Desveaux, qui représentait l’AREP, l’Agence d'architecture filiale de la SNCF, a insisté sur l’importance des filières de matériaux de réemploi ainsi que sur l’usage de béton bas-carbone et de la filière bois (autant de matériaux pour lesquels le secteur assurantiel doit notamment pouvoir proposer des contrats adaptés). Il a également insisté sur la nécessité de proposer des projets de sobriété architecturale en matière de rénovation. La nouvelle gare Nîmes Pont-du-Gard, présentée lors de la table ronde, est construite à partir de ces matériaux bas-carbone. Antoine du Souich et Gaël Desveaux ont souligné l’importance de l’innovation en matière d’architecture, comme en témoigne la future piscine olympique, dont la charpente concave en bois (la plus grande au monde) permettra d’optimiser le volume chauffé. Javier Agirre Orcajo, directeur de la qualité environnementale et de l'économie circulaire du Gouvernement basque, a insisté sur le potentiel de développement en Espagne d’une filière de production et d’utilisation de matériaux de construction décarbonés ou recyclés.

Le Pays Basque est très engagé dans cette voie et a déjà intégré dans sa législation régionale l'obligation d’incorporer 40% de matériaux recyclés dans les projets de construction publics et d’intégrer les impacts du changement climatique lors de la conception de tout édifice (plusieurs guides sont disponibles sur le site internet de l’entreprise publique Ihobe). La France est déjà outillée pour cela grâce à la nouvelle norme RE2020, qui impose depuis un an la réalisation d’une analyse cycle de vie à tous nouveaux projets de constructions (c’est-à-dire l’évaluation de l’empreinte carbone du bâtiment, de l’extraction des matériaux jusqu’à leur recyclage).

 

photo_3Le 2nd table ronde s’est concentrée sur le déploiement en France en Espagne du dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE). Angélique Lequai, responsable de la Directive relative à l’efficacité énergétique au sein du ministère français de la Transition Energétique, a précisé qu’environ 3/4 des CEE sont délivrés à la suite d’opérations de rénovation de bâtiment, et principalement dans le secteur résidentiel. Elle précise que les ambitions d’économie d’énergie ont été, par périodes, revues à la hausse, si bien qu’en 2023 celles-ci se traduiraient par près de 4 à 5 Md€ d’investissements réalisés. Elle a par ailleurs insisté sur l’importance de déployer les moyens nécessaires pour lutter contre la fraude, notamment afin de crédibiliser le dispositif auprès des usagers et des obligés. Dans cette optique, un Pôle National CEE (PNCEE) a été créé en France en 2011, avec notamment comme mission de superviser ou de réaliser en direct des contrôles documentaires et sur site (en 2022 : 5 M€ de budget et 6 400 contrôles réalisés sur site, 380 000 questionnaires envoyés). Julie Pisano, représentante de l’Association Technique Energie Environnement (ATEE) et chargée de coordonner la production des fiches d’opération standardisées techniques de ces certificats a dressé un bilan positif du déploiement de ce dispositif en France. En juin 2023, 218 fiches d’opérations standardisées sont en vigueur et sont rassemblées dans un catalogue[1]. Elle a insisté sur la pertinence de la rénovation globale pour des questions de performance énergétique et de coût global de l’opération. Le Gouvernement français a introduit des bonifications incitatives (coups de pouce) afin de favoriser la mise en œuvre de certaines opérations. Enfin, Lluis Morer Forns de l’Institut catalan de l’énergie (ICAEN) a fait un état des lieux de la mise en place de ces CEE en Espagne, avec notamment la publication récente par le ministère espagnol de la Transition Ecologique (MITECO) d’une proposition de catalogue avec 40 fiches standardisées. Il a souligné l’importance de s’inspirer du retour d’expérience français et a présenté les principaux travaux et ambitions catalanes en matière d’efficacité énergétique.

 

photo_4Dans la continuité de cette table ronde, une réunion technique bilatérale de 2 heures a permis au MITECO (en particulier au sous-directeur en charge de l’efficacité énergétique) d’approfondir, avec ses homologues français, certains points essentiels pour le déploiement des CEE. De nombreux sujets ont ainsi été abordés, notamment en ce qui concerne le processus d’instruction des opérations spécifiques et son accompagnement des porteurs de projet ainsi que la mise en œuvre des opérations standardisées (actions de contrôle, élaboration des fiches etc.). Les enjeux associés à la révision de la directive efficacité énergétique, la prise en compte des gaz à effet de serre et de la précarité énergétique dans le dispositif des CEE ou encore le besoin de structurer la filière pour les rénovations globales ont également été évoqués. Cette réunion a ainsi été riche d’enseignements et s’est conclue par l’objectif de réitérer ces échanges techniques bilatéraux entre la France et l’Espagne. Les intervenants français ont par ailleurs prévu de transmettre des exemples de fiches de calcul pour déterminer une situation de référence ainsi qu’un modèle de courrier de publipostage élaboré par le PNCEE.

 

Quelques photos...

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Gare Nïmes Pont du Gard (AREP)

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Gare et projet urbain Nyugati, Budapest (AREP)

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Arena Porte de la Chapelle – Mai 2023 (SOLIDEO)

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Centre Aquatique Olympique – Avril 2023 (SOLIDEO)

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Village des Athlètes - Avril 2023 (SOLIDEO)