Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.

Sommaire

Conjoncture

  • Le marché du travail reste dynamique et les tensions persistent

Politiques macroéconomiques

  • Le président Joe Biden a présenté le bilan de sa première moitié de mandat et son agenda pour 2023-2024
  • Les responsables de la Fed insistent sur la poursuite du resserrement monétaire

Services financiers

  • Les groupes de capital-investissement publient des résultats en forte baisse
  • Les élus républicains souhaitent lutter contre les politiques ESG et alléger certaines régulations financières et bancaires
  • La Fed publie les scénarios de ses prochains stress-tests bancaires
  • La SEC précise ses priorités d’évaluation de conformité des acteurs financiers pour l’année 2023

Situation des marchés

Brèves

 

Conjoncture

 Le marché du travail reste dynamique et les tensions persistent

Le rapport mensuel du Bureau of Labor Statistics (BLS) sur la situation de l’emploi publié le 3 février fait état de +517 000 créations nettes d’emplois en janvier (après +260 000 en décembre 2022), soit un niveau bien supérieur aux attentes du marché (+187 000) et à la moyenne annuelle 2022 (+401 000).

Les emplois créés sont concentrés principalement dans les secteurs des loisirs et du tourisme (+128 000), des services aux entreprises (+82 000), de l’administration publique (+74 000) et des soins de santé (+58 000).

En janvier 2023, le taux d’activité a légèrement progressé à 62,4 % (+0,1 point par rapport à décembre). Le rapport indique par ailleurs une augmentation de 1 million de personnes en âge de travailler après ajustements démographiques. Le taux de chômage s’est établi à 3,4 % (-0,1 point par rapport à décembre) atteignant son plus bas niveau depuis mai 1969 et inférieur à son niveau de long-terme estimé à 4,0 % par la Fed.

Enfin, le salaire horaire moyen a progressé de +0,3 % en janvier 2023 (après +0,3 % en décembre) et a ralenti à +4,4 % en glissement annuel (après +4,6 %).

 

 

Politiques macroéconomiques

Le président Joe Biden a présenté le bilan de sa première moitié de mandat et son agenda pour 2023-2024

Le président Joe Biden a prononcé un discours sur l’état de l’union le 7 février devant la Chambre des représentants et le Sénat, réunis en Congrès.

Il a d’abord mis en avant la solidité de l’économie américaine qui serait « en meilleure situation que n’importe quel autre pays dans le monde », en soulignant une activité vigoureuse avec des créations d’emplois dynamiques, un taux de chômage historiquement bas, une amélioration de la situation sanitaire et une inflation en baisse.

Il a également souligné l’importance de la sécurisation des chaînes de valeur par la production locale, notamment pour les semi-conducteurs et les infrastructures, et a mis en avant le CHIPS and Science Act et l’Infrastructure Investment and Jobs Act comme des réponses à ces défis. Il a également annoncé la mise en place de nouvelles exigences de production locale pour les matériaux de construction utilisés dans les projets d’infrastructure financés par l’État fédéral.

En matière budgétaire, il a rappelé que sous l’administration Trump la dette fédérale avait augmenté de 25 % et que le plafond de la dette avait été relevé à trois reprises sans conditions. Au contraire, sous son administration, le déficit fédéral a été réduit de 1 700 Md USD et il prévoit une réduction de 2 000 Md USD dans le prochain budget. Il a donc appelé le Congrès à relever le plafond de la dette sans condition de baisse des dépenses.

Selon J. Biden, son administration vise à œuvrer pour plus de justice, protégeant les classes moyennes et celles en difficulté. Pour cela, il a appelé le Congrès à avancer sur des mesures fiscales comme la taxation à 20 % des foyers « aisés » avec un actif net supérieur à 100 M USD et un quadruplement de la taxation à 1 % des rachats d’actions prévue par l’Inflation Reduction Act. Il a également rappelé les mesures de plafonnement de certaines dépenses de santé votées dans le cadre de l’IRA.

Enfin, J. Biden a annoncé son objectif de renforcer la concurrence, notamment pour mettre fin à des frais « exorbitants » de certaines banques, compagnies aériennes et prestataires de services, qui pèseraient sur les ménages. Il prévoit également de bannir les clauses anti-concurrentielles qui pénalisent les travailleurs tout en facilitant la formation des syndicats (PRO Act).

 

Les responsables de la Fed insistent sur la poursuite du resserrement monétaire

Lors d’une intervention à l’Economic Club de Washington, Jerome Powell, président de la Fed, a indiquéindiqué observer un début de désinflation dans l’économie américaine. En revanche, l’inflation des services hors logement demeure dynamique et le marché du travail vigoureux, ce qui justifierait la poursuite du resserrement monétaire. Il estime que le reflux de l’inflation pourrait prendre plus de temps si le marché du travail demeurait aussi dynamique que le mois précédent.

À l’issue de la publication des chiffres de l’emploi, des responsables de la Fed comme Christopher Waller (gouverneur), Neel Kashkari (Minneapolis), Thomas Barkin (Richmond), et John Williams (New York) sont intervenus pour souligner que le marché du travail était plus robuste qu’anticipé, susceptible de créer des pressions salariales et inflationnistes et ralentir le processus de désinflation. Dans l’ensemble, les responsables saluent la résilience de l’économie américaine, mais s’accordent pour poursuivre le resserrement en gardant la possibilité de rehausser davantage les taux (plus haut que le niveau indiqué dans la projection de décembre 2022) en fonction des données entrantes.

D’après le CME FedWatch Tool, les marchés anticipent désormais deux hausses supplémentaires en mars et mai 2023 (contre une seule hausse supplémentaire en mars après le dernier FOMC), ce qui porterait la fourchette cible de taux fed funds à [5,0 % - 5,25 %].

 

 

Services Financiers

 

Les groupes de capital-investissement publient des résultats en forte baisse

Les quatre plus grands groupes américains de capital-investissement par la taille de leur bilan ont publié cette semaine leurs résultats pour le 4ème trimestre et pour l’année 2022.

Résultats trimestriels

En Md USD

Black-stone

Apollo

KKR

Carlyle

Revenus

1,7

(-70 %)

4,8

(+305 %)

2,5

(-37 %)

0,7

(+6 %)

Résultat net

0,7

(-75 %)

1

(+57 %)

0,1

(-83 %)

0,1

(-76 %)

Résultats annuels

En Md USD

Black- stone

Apollo

KKR

Carlyle

Revenus

8,5

(-62 %)

11

(+84 %)

5,7

(-35 %)

4,4

(-49 %)

Résultat net

3

(+76 %)

-4,7

(-211 %)

-1

(-120 %)

1,3

(-58 %)

Actifs sous gestion

975

(+10 %)

548

(+10 %)

504

(+7 %)

373

(+24 %)

Source : états financiers des groupes. Les pourcentages représentent les variations par rapport au T4 2021 ou à l’exercice 2021. Les résultats sont ceux publiés suivant les normes US GAAP. Les actifs sous gestion sont relevés au 31 décembre 2022.

 

Les actifs sous gestion des quatre groupes continuent de croître, portés par les levées de fonds et par la progression des encours d’assurance et d’épargne retraite gérés. Cette croissance résulte aussi d’opérations de croissance externe (rachat de Griffin Capital par Apollo par exemple).

Cette croissance des encours contribue à l’augmentation des commissions perçues au 4ème trimestre et sur l’ensemble de l’exercice 2022. Néanmoins, les revenus d’investissement sont en forte baisse sur la période, en raison de la dégradation de la valeur des actifs et du fort recul des cessions d’investissement dans un contexte de marché baissier.

La baisse des revenus d’investissement pèse sur les résultats nets, en forte baisse par rapport à l’exercice 2021 qui avait été marqué par des bénéfices particulièrement élevés. Seul Apollo enregistre une croissance de ses revenus en raison d’effets de périmètre, mais voit son résultat net fortement grevé par les moins-values latentes de ses actifs de réassurance.

A la fin de l’exercice 2022, les groupes disposent d’importants volumes de « poudre sèche » (capitaux levés mais non investis), dont 187 Md USD pour Blackstone et 108 Md USR pour KKR.

 

Les élus républicains souhaitent lutter contre les politiques ESG et alléger certaines régulations financières et bancaires

Le 3 février, le représentant Patrick McHenry (R–Caroline du Nord), Président de la Commission pour les services financiers de la Chambre, a annoncé la mise en place d’un groupe de travail républicain dédié au combat contre la menace que représenteraient les propositions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) pour les marchés de capitaux américains.

Les élus de la Commission pour les services financiers de la Chambre ont également mis en avant plusieurs propositions législatives allant dans le sens d’un allégement des contraintes en matière de régulation financière et bancaire, lors d’une série d’auditions parlementaires le 8 février. Lors d’une première audition portant sur l’accès aux financements pour les petites entreprises, ils ont mis en exergue des propositions visant notamment (i) à accroître le plafond de capitaux susceptibles d’être levés dans des opérations de crowdfunding et permettre aux sociétés d’investissement d’y participer, ou (ii) à créer des procédures allégées de levées de fonds de faible montant, sans contraintes de publicité ou de transparence. Lors d’une seconde audition, les élus républicains ont soutenu l’extension de la notion d’accredited investor (investisseur informé, autorisé à participer à des levées de fonds privées). Enfin, au cours d’une troisième audition consacrée à la revitalisation du secteur bancaire, ils ont mis en avant une proposition visant à alléger les contraintes de capitaux et de supervision pour les banques nouvellement créées.

 

La Fed publie les scénarios de ses prochains stress-tests bancaires

La Fed a publié le 9 février les scénarios de ses prochains tests de résistance (stress-tests) bancaires. Cet exercice évaluera dans les mois à venir la résistance des plus grandes banques opérant aux États-Unis face à différents scénarios économiques et financiers adverses.

Le principal scénario de test (severely adverse scenario) simule une forte récession au niveau mondial. Le PIB américain reculerait de 8,75 % en termes réels entre fin 2022 et le 1er trimestre 2024 et le taux de chômage atteindrait 10 % au 3ème trimestre 2024. Le prix des biens immobiliers connaitrait une forte dépréciation (-40 % sur l’immobilier commercial et -38 % sur l’immobilier résidentiel). Les spreads obligataires connaîtraient une forte hausse, de même que la volatilité des principaux marchés.

En outre, les banques particulièrement actives sur les marchés financiers seront soumises à des scénarios complémentaires de dégradation de certains actifs et de défauts sur leurs plus grandes expositions de crédit.

Enfin, la Fed ajoute pour la première fois un scenario de choc « exploratoire » (exploratory market shock) qui sera applicable uniquement aux banques d’importance systémique mondiale (G-SIB), c’est-à-dire JP Morgan, Bank of America, Citigroup, Wells Fargo, Goldman Sachs, Morgan Stanley, Bank of New York Mellon et State Street. Dans ce scénario, la récession serait moins sévère, mais les pressions inflationnistes se maintiendraient à un niveau plus élevé.

Les résultats des stress-tests sont généralement publiés à la fin du 1er semestre. Ils servent notamment de base à la calibration des exigences de fonds propres. La Fed précise néanmoins que le scénario exploratoire ne sera pas pris en compte pour calibrer ces exigences.

 

La SEC précise ses priorités d’évaluation de conformité des acteurs financiers pour l’année 2023

Le 7 février, la Securities and Exchange Commission (SEC), régulateur des marchés financiers, a publié six priorités de travail pour sa Division of Examination (chargé de l’évaluation de la conformité et des inspections des acteurs financiers) durant l’année 2023.

La SEC examinera le respect par les conseillers en investissement (investment advisers - IAs catégorie qui intègre notamment les gestionnaires d’actifs) des exigences prévues par l’encadrement de la publicité des produits financiers (marketing rule), adopté en décembre 2020, et dont la date de mise en conformité était fixée au 4 novembre 2022. La SEC priorisera également l'examen du respect des règles de transparence et de lutte contre les conflits d’intérêt des IAs dans leurs relations avec les private funds (catégorie intégrant les hedge funds et les fonds de private equity).

La SEC cite également parmi ses priorités, le contrôle de la transparence et de la cohérence des acteurs et produits ESG, les services proposés par les courtiers et IAs à la clientèle de particuliers, et l’examen des pratiques en matière de cybersécurité des courtiers et IAs.

Enfin, la SEC se concentrera sur les acteurs usant des nouvelles technologies ou pratiques financières, en particulier de services ou actifs liés aux crypto-actifs.

 

Situation des marchés

 

Sur la semaine écoulée (vendredi à jeudi), l’indice S&P 500 a reculé de -1,3 %, à 4 081 sur fonds de craintes d’un resserrement plus fort à la suite de la publication des chiffres de l’emploi soulignant la vigueur du marché du travail. Le cours d’Alphabet (maison-mère de Google) a également reculé de -7,7 % après la présentation de son nouvel outil d’intelligence artificielle « Bard » qui a apporté une réponse contenant une erreur.

Les rendements des obligations d’État américaines (Treasuries) à 2 ans et à 10 ans ont progressé sur 5 jours, à 4,5 % (+0,4 point) et à 3,7 % (+0,3 point) respectivement. La volatilité implicite sur le marché des Treasuries (MOVE Index) évolue autour de 100 depuis début janvier (contre un pic à 150 atteint en octobre 2022 et 50 en moyenne annuelle 2021).

 

Brèves


---La Fed de New York a publié le 8 février un article de recherche portant sur les relations entre le prix du Bitcoin et la conjoncture économique. Les auteurs trouvent qu’à la différence des autres classes d’actifs, le prix du Bitcoin réagit très peu à l’évolution de la situation macroéconomique et de la politique monétaire américaines.

--Le fonds de pension des enseignants du Texas (173 Md USD d’actifs sous gestion), aurait cédé en décembre 2022 ses participations dans une série de sociétés financières, dont BlackRock et BNP Paribas, en application d’une loi de l’État interdisant aux fonds de pension publics d’investir dans des sociétés jugées discriminatoires à l’encontre des secteurs pétroliers et gaziers (Bloomberg).

--Le 8 février, la plateforme d’échange de crypto-actifs Binance a suspendu les transferts libellés en USD pour ses clients. La filiale américaine de la plateforme, Binance US, a annoncé n’être pas affectée par cette suspension.

--Dans son rapport annuel le 8 février, la banque Société Générale a évoqué avoir reçu des demandes d’information de la SEC en lien avec le respect des exigences d'archivage et de communications liées à l'entreprise sur des plateformes de messagerie non approuvées, et annonce coopérer avec les enquêtes en cours.

--Dans un discours du 7 février, Michael Barr, vice-président de la Fed chargé de la supervision, a appelé les banques à renforcer leurs services et leurs financements à destination des populations et des territoires à faibles revenus. Cet appel intervient alors que des représentants du secteur bancaire ont appelé les agences de régulation à revoir leur proposition de règle publiée en mai 2022 qui vise à renforcer les exigences applicables au banques en la matière.

--Le 8 février, la Securities Industry and Financial Markets Association (SIFMA), qui représente les intérêts du secteur financier, a appelé la SEC à étendre la période de consultation sur les quatre règles réformant le fonctionnement des marchés actions publiées le 14 décembre 2022.

--Le 9 février, la SEC a annoncé que la plateforme de crypto-actifs Kraken avait accepté de payer une sanction de 30 M USD pour mettre fin aux poursuites du régulateur. Kraken a également accepté de suspendre son service proposant aux épargnants de bloquer leurs crypto-actifs sur la plateforme en échange d’une rémunération. Les actions de la plateforme Coinbase, qui propose des services analogues, ont perdu 14 % en bourse sur la séance du 9 février.