Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.

Sommaire

Conjoncture

  • L’inflation surprend de nouveau à la baisse
  • Les ventes au détail reculent

Politiques macroéconomiques

  • La Fed annonce une hausse de 50 points de base de son taux directeur
  • La Chambre des représentants prolonge le budget provisoire d’une semaine, au 23 décembre

Services financiers

  • La SEC propose une réforme d’ampleur du traitement des ordres sur les marchés actions
  • Le PCAOB lève le risque d’exclusion de la cote pour les entreprises chinoises cotées aux États-Unis
  • Les autorités américaines engagent des poursuites contre FTX et son ancien dirigeant, le Congrès mène des auditions

Situation des marchés

Brèves

 

Conjoncture

 

L’inflation surprend de nouveau à la baisse

Selon la publication du Bureau of Labor Statistics  (BLS), l’indice des prix à la consommation (IPC) a progressé de +0,1 % en novembre (après +0,4 % en octobre) et sa composante sous-jacente (hors énergie et alimentation) de +0,2 % (après +0,3 %). Les prix de l’énergie ont poursuivi leur tendance baissière entamée depuis l’été (-1,6 % en novembre) et ceux de l’alimentation ont légèrement ralenti (+0,5 % en novembre après +0,6 % en octobre).

Sur douze mois glissants, l’inflation a reculé à +7,1 % (après +7,7 % en octobre), surprenant à la baisse les marchés (consensus à +7,3 %) et atteignant ainsi son plus bas niveau depuis décembre 2021 (+7,0 %). Sa composante sous-jacente a reculé à +6,0 % en novembre (après +6,3 % en octobre). Les prix de l’énergie continuent de ralentir à +13 %, après +17,6 % en octobre, et ceux de l’alimentation à +10,7 % après +10,9 %. Les prix du logement continuent d’accélérer sur douze mois glissants (à +7,1 % après +6,9 %).

 

Les ventes au détail reculent

Selon les données publiées par le Census Bureau, les ventes au détail ont reculé de ­­‑0,6 % en novembre (après +1,3 % en octobre). L’évolution sur douze mois glissants s’établit à +6,5 %, en nette baisse par rapport aux +8,3 % enregistrés en octobre.

En évolution mensuelle, les ventes ont reculé dans les magasins d’ameublement (-2,6 %), les magasins de matériaux de construction et de jardinage (‑2,5 %), les ventes de marchandises de véhicules à moteur et de pièces détachées (‑2,3 %) et les magasins d’électronique et d’électroménager (‑1,5 %). En revanche, les ventes ont été dynamiques dans les services de restauration (+0,9 %) suivies par les magasins d’alimentation et de boisson (+0,8 %), les magasins de soins et de santé (+0,7 %), et les magasins de détail divers (+0,5 %).

 

 

Politiques macroéconomiques

 

La Fed annonce une hausse de 50 points de base de son taux directeur

La réunion du comité de politique monétaire (FOMC) des 13 et 14 décembre s’est conclue sur un nouveau relèvement de la fourchette-cible des taux fed funds de 50 points de base (pb), la portant à [4,25 % – 4,5 %]. Cette décision a été prise à l’unanimité.

Jerome Powell, président de la Fed, a réaffirmé́ la priorité́ de la Fed à ramener l’inflation vers sa cible de 2 %. Selon lui, la stabilité́ des prix constitue la base d’une économie solide et une condition requise pour une expansion durable de l’activité́.

À l’issue de ce FOMC, la Fed a publié une projection économique :  la croissance du PIB est revue fortement à la baisse, à +0,5 % en 2023 (‑0,7 point par rapport à la projection de septembre) et à +1,6 % (-0,1 point) en 2024. Déjà̀ relevées substantiellement dans les projections précédentes, les prévisions d’inflation ont été́ de nouveau revues à la hausse, à 3,1 % (+0,3 point) en 2023, et à +2,5 % (+0,2 point) en 2024 pour l’inflation nominale et à 3,5 % (+0,4 point) en 2023, et à +2,5 % (+0,2 point) en 2024 pour sa composante sous-jacente (hors énergie et alimentation). La prévision de taux de chômage est révisée à la hausse, à 4,6 % (+0,2 point) pour les années 2023 et 2024. Enfin, la projection de taux fed funds est également relevée, à 5,1 % en 2023 (contre 4,6 %) et à 4,1 % en 2024 (contre 3,9 %).

Lors de la conférence de presse, J. Powell a été́ principalement interrogé sur la politique monétaire et la projection de trajectoire de l’économie américaine. Dans l’ensemble, J. Powell s’est montré prudent sur les perspectives économiques et la politique monétaire. Il a en particulier souligné le délai de transmission des hausses précédentes qui ont été rapides et de grande ampleur, afin de justifier une hausse de seulement 50 points de base, contre 75 points de base lors des 4 dernières réunions du FOMC. Concernant l’inflation, J. Powell a salué la baisse notable de l’inflation des deux derniers mois tout en indiquant qu’il était prématuré́ d’envisager tout assouplissement. Enfin, J. Powell a écarté l’hypothèse d’une récession, indiquant que la croissance demeurait positive même si elle serait en-deçà de son niveau potentiel en 2023 et 2024.

 

La Chambre des représentants prolonge le budget provisoire d’une semaine, au 23 décembre

La Chambre des représentations a adopté (224-201) le 14 décembre l’extension du budget provisoire (continuing resolution) jusqu’au 23 décembre, alors qu’il devait expirer le 16 décembre. Le texte est actuellement en examen au Sénat et devrait être voté avant le 16 décembre afin d’éviter l’arrêt des activités qualifiées de « non-essentielles » de l’administration fédérale (shutdown).

La présidente de la commission des appropriations de la Chambre, Rosa DeLauro (D-Connecticut), a indiqué à l’issue du vote que cette extension permettrait aux membres du Congrès de finaliser les discussions sur le budget annuel de l’exercice 2023. En effet, le 13 décembre, Patrick Leahy (D‑Vermont) et Richard Shelby (R-Alabama), respectivement président et vice-président de la commission des appropriations du Sénat, et Rosa DeLauro ont annoncé avoir trouvé un accord bipartisan et bicaméral sur le budget annuel sans révéler plus de détails.

 

 

Services financiers

 

La SEC propose une réforme d’ampleur du traitement des ordres sur les marchés actions

La Securities and Exchange Commission (SEC), régulateur des marchés financiers, a publié le 14 décembre un projet de réforme du traitement des ordres sur les marchés actions, composée de cinq propositions de règles (communiqués 222, 223, 224, 225 et 226). Elles ont pour objectifs de (i) stimuler la concurrence et la transparence dans l’exécution des ordres, (ii) renforcer la protection des investisseurs individuels et (iii) moderniser la réglementation face à plusieurs évolutions des marchés (paiement pour flux d’ordres, internalisation, diversification et développement des places de marché, augmentation de la vitesse des transactions, etc.).

Les propositions de règle consistent principalement à (i) mettre en place un système d’enchères pour l’exécution des ordres des investisseurs individuels ; (ii) renforcer les obligations de transparence des places de marché et des courtiers sur la qualité de l’exécution des ordres ; (iii) fixer un devoir de meilleure exécution des ordres (Best Execution) au niveau de la réglementation de la SEC, alors que ce principe résultait jusqu’à présent uniquement du règlement de la Financial Industry Regulatory Authority (FINRA) ; (v) revoir à la baisse le pas de cotation minimal et améliorer la transparence sur l’exécution des ordres de faible quantité et (vi) renforcer le dispositif de lutte contre les délits d’initié.

Le projet de réforme ne propose pas d’interdiction du paiement pour flux d’ordres (PFOF), bien que cette piste ait été initialement envisagée par G. Gensler. Les mesures proposées viendraient néanmoins encadrer fortement cette pratique.

Les propositions de règle, qui ont été pour la plupart adoptées à 3 voix contre 2 (opposition des commissaires républicains), seront soumises à consultation publique pour plusieurs mois.

 

Le PCAOB lève le risque d’exclusion de la cote pour les entreprises chinoises cotées aux États-Unis

Le Public Company Accounting Oversight Board (PCAOB), superviseur des auditeurs américains, a annoncé le 15 décembre avoir réussi pour la première fois à assurer un plein accès de ses services d’inspection aux cabinets d’audit basés en Chine (continentale et Hong Kong) ayant pour clients des sociétés cotées sur les marchés financiers américains.

Le communiqué salue le levier politique permis par l’adoption, en 2020, du Holding Foreign Companies Accountable Act (HFCAA), qui menace d’exclusion de la cotation aux États-Unis les entreprises dont les auditeurs ne peuvent pas être inspectés par le PCAOB sur une période de trois années consécutives. Il soutient que la pression exercée par le risque d’exclusion a facilité l’établissement d’un protocole avec les autorités chinoises, qui garantit aux inspecteurs du PCAOB une pleine discrétion dans le choix des cabinets contrôlés et un accès à l’ensemble des documents et personnels concernés. En conséquence, les sociétés chinoises cotées sur les marchés américains et menacées d’exclusion de la cote en raison du HFCAA ne sont plus menacées à ce stade.

Cette annonce a été saluée par le président de la SEC, Gary Gensler. Il a néanmoins avancé que des travaux restent à mener pour assurer la protection des investisseurs américains s’agissant des entreprises chinoises cotées aux États-Unis, en assurant un accès continu aux cabinets d’audit basés en Chine pour le PCAOB, en renforçant la qualité des audits réalisés par les cabinets basés en Chine et en renforçant la transparence des sociétés chinoises cotées aux US s’agissant des risques légaux et opérationnels auxquels leurs actionnaires sont soumis.

 

Les autorités américaines engagent des poursuites contre FTX et son ancien dirigeant, le Congrès mène des auditions

Sam Bankman-Fried (SBF), fondateur et ancien CEO de la plateforme de crypto-actifs FTX, a été arrêté lundi 12 décembre aux Bahamas, à la suite d’une demande d’arrestation des autorités américaines. Trois poursuites ont été annoncées concomitamment par les services du procureur pour le district sud de l’État de New York, par la SEC et par la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), régulateur des marchés de dérivés. Les faits reprochés à SBF, FTX et à la société de trading liée Alameda Research recouvrent notamment des fraudes relatives à la régulation sur les titres financiers (securities) et la régulation sur les commodités (commodities), du blanchiment d’argent et des violations de la législation relative au financement politique.

La commission des services financiers de la Chambre des représentants a auditionné le mardi 13 décembre le CEO de FTX et expert en restructuration John Ray, nommé à la suite de l’effondrement de la plateforme. L’audition a permis à John Ray de partager ses premières conclusions sur les événements ayant abouti à la faillite de FTX. Il a ainsi confirmé que des actifs des clients de la plateforme ont été amalgamés (commingled) avec les actifs de la société de trading Alameda Research, qui a utilisé une partie de ces fonds pour des opérations de trading. Il a également évoqué une très forte dynamique de dépenses entre 2021 et 2022, des investissements ayant exposé la société à de fortes pertes, et des prêts à des personnes internes à la plateforme (insiders) pour un montant dépassant 1,5 Md USD.

La commission des affaires bancaires du Sénat pour les affaires bancaires a elle-aussi tenu une audition sur l’effondrement de FTX, faisant intervenir investisseurs et chercheurs. Plusieurs représentants démocrates ont soutenu que les problèmes observés à FTX ne constituaient pas une exception et qu’ils étaient liés à la nature du secteur des crypto-actifs, miné par les fraudes et la violation de la réglementation existante. À l’inverse, le chef de l’opposition républicaine à la commission, Pat Toomey (R – Pennsylvanie) a soutenu que les agissements de FTX n’étaient pas spécifiques aux actifs sous-jacents, et qu’ils ne devaient pas alimenter un blâme contre l’ensemble de l’écosystème des crypto-actifs. Il a appelé le Congrès à accélérer ses travaux afin d’établir une législation appropriée. 

La sénatrice Elizabeth Warren (D – Massachusetts) a souligné le rôle du secteur des crypto-actifs dans le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent. Elle a annoncé avoir déposé le 14 décembre, avec le sénateur Roger Marshall (R – Kansas), une proposition de loi bipartisane visant à renforcer les exigences de transparence et d’identification des clients (know your customer  – KYC) pour les fournisseurs de services liés aux crypto-actifs.

 

 

Situation des marchés

 

Sur la période écoulée depuis le dernier Wall Street Watch (vendredi à jeudi), malgré une remontée à 4 094 en milieu de semaine grâce à une inflation plus faible qu’attendu, l’indice S&P 500 a finalement reculé de -1,5 %, à 3 896, à la suite d’un FOMC plus hawkish (en faveur d’une politique monétaire restrictive) qu’escompté.

Le rendement des obligations d’État américaines (Treasuries) à 2 ans a légèrement reculé sur 5 jours à 4,2 % (‑0,1 point) et celui des Treasuries à 10 ans est resté stable à 3,5 %. La volatilité implicite sur le marché des Treasuries (MOVE Index) a diminué (111 le 15 décembre contre 150 en octobre et 50 en moyenne annuelle 2021).

 

 

Brèves          


-Le 15 décembre, la commission pour les affaires bancaires du Sénat a auditionné Rohit Chopra, le directeur du Bureau de protection des consommateurs financiers (Consumer Financial Protection Bureau – CFPB). Le Président de la commission, Sherrod Brown (D – Ohio) a salué les travaux de l’agence, notamment s’agissant de la lutte contre la discrimination des minorités par les institutions financières et les frais bancaires abusifs. Le chef de l’opposition républicaine à la commission, Pat Toomey (R – Pennsylvanie), a fortement critiqué l’action du CFPB depuis la nomination de R. Chopra, qu’il juge politisée et irresponsable. P. Toomey a annoncé ce même jour le dépôt d’une proposition de loi avec le sénateur Bill Hagerty (R – Tennessee), visant à rendre le budget du CFPB dépendant du Congrès, et à remplacer la direction de l’agence par un bureau bipartisan de cinq membres.

-Le 9 décembre les sénateurs Elizabeth Warren (D – Massachusetts) et P. Toomey (R – Pennsylvanie) ont déposé une proposition de loi bipartisane visant à accroître l’information du Congrès s’agissant des opérations de la Fed. En particulier, la proposition de loi obligerait les 12 branches régionales de la Fed à répondre aux demandes d'information du Congrès en vertu du Freedom of Information Act et soumettrait la nomination de l’inspecteur général de la Fed à un processus de nomination présidentielle confirmée par le Sénat ; dans le cadre réglementaire actuel, l’inspecteur général de la Fed est nommé par le conseil des gouverneurs.

-Le Treasury a publié le 7 décembre une proposition de règle déterminant les entités autorisées à demander des informations relatives au registre des bénéficiaires effectifs, finalisé en septembre 2022. La règle liste cinq catégories d’entités habilitées à demander ces informations : les agences fédérales, fédérées, locales et tribales ; les entités étrangères telles que les agences de régulation ou les juges ; les institutions financières investies dans une procédure de due diligence ; les régulateurs financiers ; et le Treasury.

-L’Office of the Comptroller of the Currency (OCC), régulateur des national banks, a publié les résultats des activités de trading des banques commerciales américaines et des caisses d’épargne (savings associations) pour le troisième trimestre 2022. Le revenu global des activités de trading de ces établissements s’établit à 12,7 Md USD, en croissance de + 23 % par rapport au second trimestre, et + 84 % par rapport au troisième trimestre 2021.

-L’activité industrielle recule aux États-Unis en décembre : (i) selon une publication de la Fed, la production industrielle a diminué de -0,2 % en novembre (contre +0,1 % attendu par le marché), tirée par la chute de la production manufacturière (-0,6 %) et minière (‑0,7 %), partiellement compensée par un rebond des équipements (+3,6 %). (ii) L’indice de l’activité dans le district de New York publié dans l’Empire State Manufacturing Survey de la Fed de New York s’est établi à -11,2 en décembre (contre une estimation à -0,5), ce qui indique une hausse de la proportion des entreprises signalant une contraction. (iii) Enfin, l’indice de l’activité manufacturière publié par la Fed de Philadelphie demeure négative à -13,8 (contre une estimation à -12), tirés par la chute des nouvelles commandes, les commandes non exécutées et les délais de livraison.