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L'impact de l'épidémie de PPA sur la filière porcine vietnamienne
Afin de bien comprendre les évolutions récentes de la filière porcine, il faut tout d’abord se rappeler de son importance. Le Vietnam est le 7ème producteur de viande porcine au monde, il est même premier au niveau régional, avec un volume de 3,6 M tonnes. La production porcine représente 65 à 70 % de la production totale de viande du pays.
La viande de porc est traditionnellement consommée dans les foyers, contrairement au bœuf, qui est une viande de fête, consommée dans les restaurants, et à la volaille, consommée dans la restauration rapide ainsi que dans les cantines scolaires. La viande de porc est la viande la plus consommée et la principale source de calories et de protéines.
La peste porcine africaine (PPA) a fait irruption dans la région, en février 2019, et ses conséquences se font encore sentir sur la structuration du secteur de l'élevage. Elle a entraîné la perte d'environ 6 millions de tête de porcs en 2019, directement ou à cause des abattages préventifs. En 2021, près de 280 000 porcs sont morts à cause de la PPA, plus du triple par rapport à 2020. Comparé au niveau pré-PPA (31 millions de têtes en janvier 2019), le cheptel porcin national accuse des pertes qui s'élèvent à 20 % à cause de la PPA. A la mi-2021, ce déficit avait été partiellement compensé, et le cheptel porcin du pays est maintenant estimé à 28 M de têtes. Cette reprise ne doit pas occulter les bouleversements en ce qui concerne les prix, le commerce et les modes de consommation, ainsi que l’organisation de la production elle-même1,2,3.
En 2020, la chute de la production porcine a causé une crise inédite des prix de vente de la viande de porc. Après une baisse significative au cours des premiers mois de 2021, concomitante à une forte augmentation de l'offre (les producteurs vendaient les animaux avant qu’ils ne soient touchés par la maladie, alors que les consommateurs réduisaient leurs achats), le prix du porc a plus que triplé entre mai 2019 et mai 2020 sur le marché intérieur, pour atteindre près de 100 000 VND/kg (4,4 USD$). Même si les prix ont baissé depuis4, ils devraient rester élevés en raison de la hausse des prix des intrants (alimentation animale, porcs reproducteurs...) et des foyers de PPA qui persistent.
En 2020, la rupture d’approvisionnement a entraîné une hausse des importations de porcs vivants, de viande et autres produits à base de porc. Ces importations ont atteint un niveau record de 252 400 tonnes, dont les principaux fournisseurs sont la Russie, l'Union européenne, le Brésil, les États-Unis et le Canada, soit une hausse de près de 38 % par rapport à la même période en 2019. Le Vietnam a autorisé, pour la première fois, les importations de porcs vivants en provenance de Thaïlande destinés à l'élevage/l'abattage à partir de juin 2020, afin de compenser les pénuries domestiques de viande. La Thaïlande représentait 79 % des 44 000 porcs reproducteurs importés cette année-là. Novembre dernier, suite à une demande des États-Unis, le Vietnam a accepté de revoir ses droits de douane sous le régime de la nation la plus favorisée sur le porc congelé. Une baisse des droits de 15 à 10 % est entrée en vigueur en juillet 2022.
En définitif, toute la structuration de la filière été modifiée. Les exploitations familiales, qui n'ont pas les moyens financiers pour investir dans la biosécurité et la génétique, ont été gravement touchées, et si elles étaient largement majoritaires, on estime qu'elles ne représentent plus que 48 % de la production. La repopulation s'est accélérée notamment dans les exploitations industrielles, avec des investissements dans des élevages porcins à grande échelle, à haute technologie et hiérarchisés. En 2020, le Vietnam a connu une vague d'investissements inédite dans le secteur d'élevage en général et dans la production porcine en particulier, avec des investissements importants de New Hope - une coopération entre De Heus Group (Pays-Bas) et Hung Nhon Group, Japfa Comfeed Vietnam Co, Masan Meatlife, Thadi, Hòa Phát, Greenfeed et Hoàng Anh Gia Lai.
Ces divers changements ont été fortement suivis et accompagnés par le gouvernement. Début 2008, la Stratégie relative à l’élevage à horizon 2020 avait déjà profondément changé la direction de politique de développement agricole vers une industrialisation rapide5. La loi sur l'élevage de 2018 a réaffirmé l'ambition du pays de faire du secteur de la production animale une industrie moderne, répondant aux normes internationales en matière de sécurité sanitaire, qualité de la production, bien-être animal et gestion environnementale. En juillet 2020, un « Plan national de prévention et de contrôle de la peste porcine africaine pour la période 2020-2025 » a été approuvé et a fixé des objectifs pour le contrôle de la PPA, la mise en place de protocoles de biosécurité dans les élevages porcins et le développement des capacités de fonctionnement des laboratoires. Le plan a également défini les règles applicables à la repopulation, la récolte d’échantillons, la surveillance, l’abattage et le transport, ainsi que la mise en place de compartiments indemnes de PPA au sein de la chaîne de production. Le Vietnam vise à réduire la part des porcins dans son cheptel et à augmenter celle des volailles et des bovins. D'ici 2025, la production de viande et de volaille devrait atteindre 5,0 à 5,5 millions de tonnes, le porc en représentant de 63 à 65 %.
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En septembre 2021, l'USDA a annoncé que l'un de ses candidats-vaccins contre le virus de la peste porcine africaine (PPA) s’était révélé efficace dans la prévention et la protection des porcs européens et asiatiques contre la souche asiatique actuelle du virus. Suite à l'annonce du début de la phase de production du vaccin en juin 2022, une expérimentation pour évaluer l'innocuité et l'efficacité du vaccin a été lancée dans des conditions réelles avec un partenaire commercial au Vietnam, Navetco National Veterinary Joint Stock Company6. |
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L'Ecole Nationale des Services Vétérinaires - France Vétérinaire International (ENSV-FVI) et l'Institut Français de l’Industrie Porcine (IFIP) ont lancé en juin 2022 un projet de coopération afin de renforcer les mesures de biosécurité dans la filière porcine dans 4 pays de l'ASEAN, dont le Vietnam, avec un financement total de 1,700,000 € sur 3 ans provenant du Fonds pour l’application des normes et le développement du commerce (STDF) et du Ministère français de l'Europe et des Affaires étrangères (MEAE). L'objectif du projet est de sécuriser le commerce du porc et des produits dérivés, malgré l’épidémie de PPA, grâce à la formation des services vétérinaires (mesures SPS), des éleveurs et des transformateurs (moyens de compétitivité et de biosécurité), ainsi que des personnels de laboratoire (diagnostics de la PPA et autres maladies animales transfrontalières)7. |
Figure 1 : situation ASF in ASIA (for the past 10 weeks) - source : FAO
La PPA semble implantée pour longtemps en Asie. En tant que maladie animale transfrontalière8, la PPA peut déstabiliser ou empêcher les échanges commerciaux d’animaux et de produits issus de l’élevage sur les marché intérieurs et mondiaux. Bien que les foyers épidémiques signalés soient encore localisés dans certains pays (Cambodge, Birmanie, Philippines, Indonésie, Chine), le virus semble être bien établi au Vietnam. Etant donnée la situation actuelle de la PPA, une reconstitution totale du cheptel porcin vietnamien ne peut avoir lieu qu'après 2025, ce qui appelle à des mesures volontaristes pour promouvoir la biosécurité dans un cadre plus global, en prenant en compte l'approche One Health et la lutte contre l’antibiorésistance9.
Références:
1 https://www.fao.org/ag/againfo/programmes/en/empres/ASF/situation_update.html
2 https://www.fas.usda.gov/data/vietnam-african-swine-fever-update
3 https://rr-asia.oie.int/en/projects/asf/situational-updates-of-asf/
5 https://agritrop.cirad.fr/593983/
7 https://www.vetagro-sup.fr/programme-big-biosecurity-in-pig-industry/
8 https://www.fao.org/ag/againfo/programmes/en/empres/diseases.asp