Situation économique deux semaines après l’arrivée d’Ishaq Dar à la tête du ministère des Finances

Dégradation de la classification du risque souverain du Pakistan Moody’s de B3 à Caa1

L’agence de notation, Moody’s indique que la décision de dégrader sa notation à Caa1 reflète (i) la difficulté qu’aura le Pakistan à rembourser sa dette et à mobiliser suffisamment de financements pour répondre pleinement à ses besoins à la suite des inondations dévastatrices qui ont frappé le pays depuis juin 2022 ; (ii) les risques sociaux et politiques élevés qui rendent difficiles la mise en œuvre des réformes (prix des énergies et restructuration de ce secteur), y compris des mesures d'augmentation des recettes, qui amélioreraient la situation budgétaire du pays et atténueraient les tensions sur la liquidité.

Moody’s considère que les inondations ont exacerbé la crise des liquidités du Pakistan. Son recours aux crédits extérieurs (par obligation et/ou par le bais des banques) est devenu difficile d'accès pour les obligations internationales, voire très onéreux quand il s’agit de prêts commerciaux. Moody’s s’inquiète par ailleurs de la faiblesse des institutions et de la capacité du Gouvernement à mener les réformes, le pays entrant dans une période pré-électorale (élections prévues fin aout 2023 mais qui pourraient être avancées). Pour Moodys, dans le contexte post-inondations, les bailleurs et les marchés sont dans l’incertitude quant à savoir si le pays maintiendra une trajectoire de réformes crédibles qui permettra d’obtenir des financements supplémentaires après un accord du FMI. Les perspectives négatives tiennent également compte des risques qui, si une restructuration de la dette s'avérait nécessaire, pourraient s'étendre aux créanciers du secteur privé.

 

 

Ishaq Dar annonce que le Pakistan ne demandera pas de restructuration de la dette en club de Paris.

En septembre, le Premier ministre avait lancé un appel au Club de Paris pour un moratoire sur la dette dans le contexte des inondations dévastatrices. Le ministre des Finances, Ishaq Dar, a déclaré dimanche 9 octobre lors d'une conférence de presse qu’après consultation avec le Premier ministre, il avait été décidé que « le Pakistan ne cherchait plus à restructurer la dette des pays créanciers du Club de Paris, mais à restaurer la confiance du marché après une dégradation de la cote de crédit. »

Rejetant l’idée que le gouvernement pourrait demander à repousser les échéances de ses obligations, Ishaq Dar a déclaré que « le Pakistan continuerait à remplir, in’sh Allah, toutes ses obligations multilatérales, internationales et obligataires à temps. Le Pakistan ne demandera donc pas l'allongement des délais de paiement de ses prêts et obligations, il se conformera aux exigences du FMI. L'euro-obligation pakistanaise qui arrivera à échéance en décembre ainsi que les dettes qui arrivent à échéance cette année (35 Mds USD) seront dument payées ».

Un vent d’optimisme économique autour d’Ishaq Dar entraine l’amélioration de la parité de la roupie et une remontée de la Bourse

M. Dar, surnommé le « magicien » et ses recettes économiques (les « Darnomics ») consistent dans une restauration de la confiance grâce à une monnaie forte et à des mesures en faveur des entreprises (baisse du prix de l’électricité pour les sociétés textiles suite à l’annonce de la confédération du textile sur la fermeture de certaines unités industrielles).

La roupie a regagné cumulativement 9,14% (ou 21,96 PKR) en 13 jours ouvrables. Un officiel du ministère des Finances indique que l’objectif de change du ministère (alors que c’est un sujet banque centrale, devenue pleinement autonome par la loi en mars 2022) consiste à ce que la PKR se rétablisse par rapport à un objectif de change de 210 PKR pour 1 USD d’ici deux semaines. La Banque centrale (SBP) indique qu’elle n’a pas utilisé une partie de ses faibles réserves (descendues à 7,9 Mds USD) pour obtenir une remontée de la PKR. Le narratif porté par le ministre consiste à dire que l’effet de change sur la dette pakistanaise de l’amélioration de la parité en faveur de la PKR aurait permis au pays d’économiser 350 MUSD.

Les mesures pro-business et l’amélioration de la parité de la PKR ont eu un effet positif sur la Bourse (PSX) dont l’indice principal (le KSE 100) a monté de plus de 300 points depuis 13 jours.

Les acteurs économiques comme les sociétés de courtage ou la SBP sont très optimistes sur la situation économique et confondent le règlement de la crise de soutenabilité de la dette et l’afflux de nouvelles liquidités  qui commencent à bénéficier au pays au titre de l’aide économique (le pays attend 2Mds USD d’aide d’ici décembre, le gouverneur de la SBP indique que le pays recevra au premier semestre 2023 a minima 4 Mds USD) qui pourraient entrainer un plus grand accès aux lettres de crédits des entreprises et une détente de l’action de la SBP sur les rapatriement des dividendes d’ici la fin de l’année  mais le sujet du remboursement des prochaines échéances de la dette reste entier.

Craintes sur l’approche frondeuse d’Ishaq Dar avec le FMI.

Une partie des commentateurs s’inquiète des risques liés à l’attitude frontale de M. Dar par rapport au FMI, considérant que les positions du ministre ressemblent de plus en plus à celles de M. Tarin, le dernier ministre des Finances de M. Imran Khan. Ils notent la reprise du contrôle de facto de la Banque centrale, les mesures de baisse de la TVA sur l’essence auprès des particuliers et aussi la baisse des tarifs de l’énergie (gaz et électricité aux entreprises exportatrices) quand bien même M. Dar indique qu’il se pliera aux conditions du FMI afin d’éviter la restructuration de la dette ou la cessation de paiement.

Mais les détenteurs de la dette pakistanaise restent très prudents, ce que reflète la prudence de Moody’s sur les obligations islamiques.

- Mauvais résultats historiques pour la dernière adjudication des bons du Trésor du mercredi 5 octobre

La dernière adjudication de bons du Trésor pakistanaise, qui portait sur 2 012 Mds PKR (9,18 Mds USD) n’a permis de lever que 772 Mds PKR (354 M USD). Il s’agit du plus mauvais résultat en matière d’émissions de bons du Trésor depuis 4 ans et demi (cette situation avait nécessité la discussion entre le Pakistan et le FMI pour la mise en place du programme de la facilité élargie de crédit). Les analystes considèrent que ce résultat reflète le manque de confiance des marchés par rapport au taux directeur de la Banque centrale. 

- Dégradation de la notation des deux sociétés pakistanaises émettrices de Sukuks

En parallèle à la dégradation de la note souveraine du Pakistan par Moody’s, la société de notation a également baissé la note des deux sociétés émettrices de Sukuks au Pakistan : la « Third Pakistan International Sukuk Co Ltd » et le « Pakistan Global Sukuk Program Co Ltd ». Les obligations islamiques étant directement associées au risque souverain.

Tout comme la banque centrale (SBP) qui maintient son taux directeur inchangé à 15,0 % malgré son relatif optimisme sur la capacité du pays à maitriser son déficit courant.

- La SBP a révisé son objectif de croissance du PIB à 2 % pour FY 2022/2023 qui diffère de son estimation initiale située entre 3 et 4 %. Le SBP a indiqué que l’essentiel du ralentissement de l’économie proviendra du secteur agricole. La banque centrale estime que de faibles perspectives de croissance devraient réduire les pressions du côté de la demande, ce qui pourrait avoir pour effet, à moyen terme de supprimer les perspectives inflationnistes.

- La SBP a insisté sur le ralentissement économique des derniers mois qui s’illustre par la forte réduction des crédits au secteur privé (seulement 0,7 Md PKR sur les deux premiers mois contre un montant de 62,6 Md sur la même période de 2021). Elle considère que les pressions externes émanent d'importations agricoles supplémentaires et d'exportations industrielles et alimentaires réduites du fait des inondations catastrophiques de l’été seront probablement compensées par une baisse de la demande combinée avec la baisse internationale des prix sur les produits de base. Dans ce contexte, la banque centrale maintient sa prévision initiale de déficit courant de ~3,0% du PIB.

Mauvais score pour les transferts  de fonds des Pakistanais de l’étranger, en baisse de 12,3% en année glissante.

Les transferts de fonds des Pakistanais d'outre-mer ont ralenti pour atteindre un 2,44 Mds USD en septembre 2022. Le nouveau gouverneur de la Banque centrale, Jameel Ahmed, a déclaré qu'une partie des Pakistanais non-résidents avait choisi d'envoyer des fonds via des canaux non officiels (de type Hundi et Hawala), car ils offraient un taux de change beaucoup plus favorable que le taux de change officiel en septembre de cette année. Les entrées cumulées de 7,7 Mds USD sur le premier trimestre de FY 2022/2023 (juillet à septembre 2022) ont diminué de 6,3 % par rapport à la même période de l'année dernière.