Deuxième acteur mondial des batteries pour véhicules électriques, à travers ses trois fabricants LG, SK et Samsung, la Corée voit dans les approvisionnements de ce secteur un enjeu économique et industriel crucial. Les acteurs publics et privés ont ainsi mis en place des stratégies de sécurisation, qu’ils ont renforcé face à l’envolée récente des prix de plusieurs minerais critiques.

 

1. L’approvisionnement dans le domaine des batteries : un enjeu crucial pour un secteur hautement stratégique

Les groupes coréens sont leaders mondiaux dans le domaine de la fabrication et de l’assemblage des batteries. La part de marché cumulée des trois sociétés coréennes de batteries, LG Energy Solution, SK On et Samsung SDI, s’élevait en 2021 à 30 %, en baisse de 4 points par rapport à 2020. Hors-Chine la part des batteries coréennes a toutefois augmenté de 5 points, passant de 52 % en 2020 à 57 % l’année dernière.

Dans le même temps, la Corée doit assurer l’essentiel de ses approvisionnements depuis l’étranger, le sous-sol coréen étant très peu doté en minerais critiques comme le lithium, le cobalt, le cuivre, ou encore le nickel. Le taux de dépendance des industriels coréens s’élève ainsi à environ 50 % pour l’anode, 80 % pour la cathode, 70 % pour le séparateur et 65 % pour l’électrolyte. Cette exposition aux approvisionnements extérieurs rend la Corée vulnérable à la récente envolée des prix de ces minéraux.

2. Un effort combiné des acteurs publics et privés coréens de sécurisation de l’amont de la chaîne de valeur

Le gouvernement et les acteurs privés investissent dans des mines d’extraction. Sur le sol coréen, la nouvelle administration Yoon a annoncé la réouverture des mines de tungstène de Sangdong dans l’Est du pays. L’agence publique KOMIR possède quant à elle des parts dans 15 mines d’extraction de minerais à l’étranger, et a annoncé en mars 2022 la suspension de son programme de cession, qui concernait une mine de nickel à Madagascar et une mine de cuivre au Panama, face au contexte de hausse des prix. Les groupes coréens ont également procédé à l’achat de parts dans des mines à l’étranger, comme le groupe sidérurgique coréen POSCO et son investissement de 2018 dans un gisement de lithium dans le nord-ouest de l’Argentine. SK a de son côté récemment indiqué envisager des investissements directs dans des mines de cobalt et de nickel.

La Corée a également mis en place des contrats de long-terme afin de se prémunir en partie des fluctuations de prix et de diversifier ses approvisionnements. C’est le cas de POSCO qui coopère avec Pilbara Minerals en Australie pour acheter 240 000 tonnes de concentré de lithium par an ou de SK et Samsung pour des approvisionnements en cobalt jusqu’en 2024 en provenance du Congo. C’est également dans cet esprit que l’ancien Président Moon a signé un accord fin 2021 avec l’Australie en vue d’approvisionner la Corée en terres rares, lithium, graphite, cobalt et nickel.

Les groupes coréens sécurisent également leur chaîne d’approvisionnement par des investissements dans l’amont de la chaîne de valeur. Sur le sol coréen, on peut citer la co-entreprise entre LG et le chinois Zhejiang Huayou, avec un investissement de 435 millions de dollars pour la construction d’ici 2025 d’une usine de précurseurs de cathodes (à base de minerais importés) à Gumi, dans le sud du pays. A l’étranger, le principal projet est celui de LG et POSCO en Indonésie, avec un investissement de 9 milliards de dollars annoncé en avril 2022, couvrant localement l’ensemble du cycle de fabrication : extraction minière, raffinage et fabrication des précurseurs, cathodes et cellules de batteries.

3. A plus long terme, la Corée mise sur le recyclage et les technologies de substitution

Le recyclage des batteries est, pour la Corée, non-seulement un vecteur de verdissement mais aussi de sécurisation d’approvisionnement. L’Europe, de par ses standards environnementaux propices au recyclage, est vue comme une destination privilégiée d’investissement des groupes coréens, comme POSCO et LG qui ont fait plusieurs annonces ces derniers mois en Pologne et en Hongrie. SK prévoit de son côté d’ouvrir sa première usine de recyclage de batteries d’ici 2024, la localisation n’étant pas décidée. Korea Zinc a quant à lui annoncé en juillet 2022 le rachat pour 332 millions de dollars de l’américain Igneo, spécialiste du recyclage des déchets électroniques pour en récupérer les métaux nécessaires aux batteries.  Le soutien à la R&D dans le recyclage des batteries fait aussi partie des priorités gouvernement coréen à travers le plan K-battery.

L’envolée des prix des matières premières pourrait faire infléchir la spécialisation technologique de la Corée. Les fabricants coréens sont spécialisés dans les batteries NCM (Nickel Cobalt Manganèse), de plus haute performance que les batteries LFP (Lithium Fer Phosphate), apanage des fabricants chinois. Néanmoins, les batteries NCM sont davantage exposées à l’envolée des prix des matières premières, et certains fabricants tels que Tesla, ont choisi de basculer vers un parc 100 % LFP. La part de marché mondiale des batteries LFP pourrait passer de 15 % en 2021 à 40 % en 2025, et LG a déjà fait le choix d’adapter une partie de ses chaînes de production à la fabrication des LFP.

Le développement de technologies de substitution et de nouvelles générations de batteries pourrait répondre à cette problématique. POSCO a notamment démarré fin 2021 la production de la première usine de Corée de graphite de synthèse et LG développe des anodes à base de silicium. L’institut public coréen KERI estime en outre que les avancées de la Corée dans les technologies de substitution du nickel par le soufre sont prometteuses tant par leurs performances que par la réduction des coûts. La Corée est également favorablement positionnée dans le domaine des batteries solides, plus efficaces et plus sûres.

Une carte synthétique des principales mesures prises par les acteurs coréens est disponible ci-dessous.