Publications des Services économiques

Zoom de la semaine : Défaut technique de la Russie sur sa dette extérieure

Le 27 juin 2022, l’agence de notation Moody’s a annoncé que la Russie était en situation de défaut sur sa dette souveraine extérieure. Ce défaut de nature technique, nié par la Russie, est la conséquence des sanctions américaines et européennes sur les institutions financières russes empêchant ces dernières de rembourser la dette extérieure de leur pays en devises. Le remboursement en roubles proposé par la Russie n’est pas prévu par les prospectus des obligations concernées et n’est pas de nature à écarter la qualification de défaut. L’impact immédiat de cet évènement sur les marchés financiers russe et international devrait toutefois être minime eu égard à la faiblesse des encours de dette souveraine russe en devises (39 Md USD hors dette garantie, soit 2,1% du PIB russe, dont 950 M USD seulement arrivant à échéance entre début avril et fin décembre 2022).

1/Un défaut technique entraîné par les sanctions américaines et européennes. Le 27 juin 2022, l’agence de notation Moody’s a annoncé que la Russie était en situation de défaut sur sa dette extérieure pour la première fois depuis 1918, alors que cette agence avait retiré ses notations pour la Russie le 31 mars 2022. Au terme d’un délai de grâce d’un mois, le ministère des Finances russe n’a ainsi pas été en mesure de faire parvenir à ses créanciers des paiements dans leurs devises de 71,5 M USD et 26,5 M EUR arrivés à échéance le 27 mai sur la dette externe russe.

Ce blocage était attendu depuis l’annonce par l’Office of Foreign Assets Control (OFAC) le 24 mai 2022 du non renouvellement de sa licence n°9C permettant entre autres à la Russie de rembourser sa dette via des institutions financières américaines jusqu’au 25 mai 2022. Cette licence s’applique à la directive 4 de l’executive order 14024 bloquant – interdiction des transactions et gel des avoirs – les principales institutions financières publiques russes, notamment le ministère des Finances et la Banque de Russie depuis le 28 février 2022. L’application de cette licence avait par ailleurs déjà été durcie à partir du 6 avril 2022 en interdisant aux autorités russes de puiser dans les fonds se trouvant sous juridiction américaine (avoirs gelés depuis le 28 février). La mise sous sanctions par l’Union européenne du National Settlement Depository (NSD), dans le cadre de son 6ème paquet du 3 juin 2022, a en outre forcé celui-ci à interrompre ses opérations en euros alors qu’il jouait jusqu’alors un rôle clé dans le remboursement de la dette externe russe.

2/Un défaut contesté par la Russie, qui a mis en place un mécanisme ad hoc de remboursement de sa dette externe.  Le 18 mai, le ministère des Finances russe avait prévenu qu’il ne déclarerait pas de défaut sur sa dette externe, à la différence de 1918, et qu’il était prêt à rembourser sa dette externe en roubles si cela n’était plus possible en devises. En réaction à l’annonce du 27 juin, le ministère des Finances a nié être en situation de défaut en avançant que les fonds avaient bien été transférés dans les temps au NSD mais n’étaient pas parvenus aux détenteurs d’euro-obligations en raison du blocage des paiements par la chambre de compensation Euroclear à partir du 25 mai. Dans ce contexte, le ministère des Finances a ouvert des comptes en roubles auprès du NSD pour les détenteurs étrangers d’euro-obligations russes afin d’y verser les remboursements dus en devises en roubles suivant le cours du marché. Le 23 juin, le ministère des Finances a ainsi effectué un remboursement de 12,51 Md RUB sur ces comptes auprès du NSD. Ces paiements en roubles n’étant toutefois pas prévus dans les prospectus de ces obligations, ils peuvent être considérés comme un défaut technique. Le ministère des Finances considère néanmoins que les circonstances actuelles résultant de l’action de tiers ne sont pas prévues comme constitutives d’un défaut dans les prospectus d’émission et doivent être analysées selon des principes du droit commun. Il encourage donc les investisseurs à se retourner contre les institutions financières n’ayant pas permis les paiements. Notons enfin que le comité de créanciers Credit Derivatives Determinations Committee[1] (CDDC), qui s’est réuni le 29 juin, a reconnu qu’un événement de crédit s’était produit sur les euroobligations russes, sans pour le moment se prononcer quant à la mise en œuvre des credit default swaps (CDS).